Partenariat social

Davos, une plateforme utile aussi pour les syndicats

Le monde et l'économie ont changé, le WEF aussi: figure phare du syndicalisme international, Philip Jennings porte un regard positif sur le Forum économique mondial de Davos, dont il est un habitué. C'est pour lui un lieu unique de rencontres pour traiter d'égal à égal avec les autres pouvoirs.

(ats) "Le WEF est un endroit où les syndicats doivent être présents. Les gens que nous devons tenter de convaincre et d'influencer sont là", expose Philip Jennings dans un entretien accordé à l'ats dans le cadre du Forum 2017. "Jamais je n'aurais rencontré Angela Merkel (la chancelière allemande, ndlr) si ce n'avait été grâce au forum!"

Et même si le WEF n'a pas de pouvoir décisionnel, c'est quand même un lieu où des avancées sont possibles ou se préparent, affirme-t-il. Et où un leader syndical peut discuter de manière libre et informelle, par exemple avec les grands patrons des multinationales.

Mais aussi avec les grandes organisations internationales, telles l'ONU, la Banque mondiale ou l'OCDE. "Aujourd'hui, nous avons une place à la table" des grandes réunions, "nous avons une voix et nous sommes entendus", ajoute celui qui est le secrétaire général de UNI Global Union, une fédération syndicale internationale du secteur des services qui a son siège à Nyon (VD).

Mettre un pied dans la porte

Cette voix au chapitre pour les syndicats n'a pas toujours été une réalité et le WEF s'est révélé un des moyens pour y parvenir, explique le Britannique. Pour entrer dans le sérail très "patronal" qu'était le WEF à cette époque, le leader syndical y est allé au culot.

Au début des années 1990, alors qu'il dirige la Fédération internationale des employés, techniciens et cadres (FIET), le monde et l'Europe en particulier sont en pleine transformation après la chute du mur de Berlin. Dans ce contexte, "le WEF accaparait tous les gros titres", raconte M. Jennings.

"Je me suis demandé comment nous pouvions mettre un pied dans la porte. J'ai appelé Klaus Schwab (le fondateur du WEF, ndlr) et quelques jours plus tard, j'avais une invitation pour la prochaine édition". C'était en 1995.

Cette première pour un leader syndicale a été "de la folie". Tout le monde se demandait ce qu'un syndicaliste faisait là, se rappelle-t-il. Depuis, sept des huit grandes fédérations syndicales internationales participent désormais au grand raout annuel à Davos, relève-t-il. Philip Jennings y est retourné à maintes reprises.

Discussions suivie d'accords

Le WEF lui-même a changé et n'est plus cette grande réunion dédiée uniquement aux gros "business", sans aucune réflexion sociale ou éthique, estime le syndicaliste. Même la gouvernance du Forum a changé et s'est mise plus à l'écoute de toutes sortes de préoccupations. De plus, "nous prenons part à la préparation, au choix des thèmes".

"Avant, on y parlait surtout de compétitivité. Aujourd'hui, vous trouvez des sujets comme l'égalité des genres, la croissance inclusive, les droits humains dans le monde des affaires", chose qui aurait été impensable auparavant. Dans ce dernier domaine, les discussions ont parfois été suivies d'accords concrets avec des multinationales. Enfin, le WEF est aussi un lieu pour prendre le pouls du monde, pour capter le climat général actuel, ajoute M. Jennings.

"Grande trahison"

Avec son franc-parler, le Gallois de Cardiff ne vient pas au WEF pour faire de la causette et dire des banalités. Il raconte avoir eu des discussions enflammées sur la globalisation. Ou encore des mots avec la patronne du Fonds monétaire international (FMI) Christine Lagarde sur les ravages que la troïka (UE, BCE, FMI) allait déclencher en Grèce avec l'accord sur le refinancement de la dette en 2010.

Cette année, il a dénoncé l'"indécence des inégalités grandissantes". Il a souligné que cette "grande trahison" envers les travailleurs "hantait" le WEF cette année.

Et Donald Trump pourrait devenir le "Traître en chef", alors que "plus de 20 millions d'Americains sont sur le point de perdre leur assurance maladie". Une allusion à la volonté de M. Trump de détricoter le système universel de soins de santé mis sur pied par Barack Obama.

Il suffit de regarder la composition du futur gouvernement Trump pour voir que "le marécage a été nettoyé pour laisser la place aux yachts", illustre M. Jennings, qui n'a rien perdu de son mordant malgré un emploi du temps éreintant qui lui a presque fait perdre...la voix.

Philip Jennings, "guerrier global" du syndicalisme

Surnommé le "guerrier global" du mouvement syndical, Philip Jennings s'est engagé très tôt dans le syndicalisme. Il se bat inlassablement pour que les règles du jeu économiques mondiales changent et que les syndicats fassent partie intégrante de ce changement.

M. Jennings devient le secrétaire général de UNI Global Union lors de sa création en 2000. Cette fédération regroupe 900 syndicats dans 150 pays, soit quelque 20 millions de travailleurs et travailleuses des secteurs des services: finance, poste, travail temporaire, tourisme, pour n'en citer que quelques-uns. Elle a son siège à Nyon (VD).

En 2011 et pour trois ans, il siège au Conseil d'administration du Pacte mondial des Nations Unies. En Suisse, où il vit, il est désigné en 2013 Personnalité de l'année de la région lémanique par le quotidien La Côte.

De 2010 à 2013, le magazine Bilan l'a inclus dans sa liste des personnes les plus influentes de Suisse. L'Hebdo l'a également sélectionné pour figurer parmi les 100 personnalités qui font la Suisse.

Issu d'un milieu ouvrier et syndicaliste du Pays de Galles, Philip Jennings obtient un diplôme d'études commerciales à l'Ecole polytechnique de Bristol (GB), puis un Master en relations industrielles à la prestigieuse London School of Economics.

De 1976 à 1979, il travaille pour le syndicat britannique des employés de banque. En 1980, il rejoint la Fédération internationale des employés, techniciens et cadres (FIET) dont il a été secrétaire exécutif en 1983, puis Secrétaire général de 1989 à 1999.

 

commenter 0 commentaires HR Cosmos

Cela peut aussi vous intéresser