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«Favoriser le temps partiel implique de changer la culture»

Dans le cadre de leur MAS RH des Universités de Genève, Lausanne, Neuchâtel et Fribourg, Olivier Anselmo et Sophie Murat ont rédigé un mémoire intitulé: «Le travail à temps partiel chez les hommes: Enquête réalisée auprès de professionnels en Suisse romande».

Selon votre étude, les hommes travaillent à temps partiel majoritairement par choix. Mais leurs motivations ne sont pas les mêmes pour les différentes catégories sondées. Pouvez-vous nous en dire un peu plus?

Des études précédentes ont montré que les hommes travaillent à temps partiel principalement pour suivre des formations, pratiquer des activités annexes, assurer un équilibre entre vie privée et professionnelle, mais relativement marginalement pour des motivations familiales, notamment l’éducation des enfants (raison majoritairement mentionnée par les femmes travaillant à temps partiel). Un élément fort de notre étude a été de s’éloigner de cette généralisation et d’étudier plus en détail ces motivations selon des critères démographiques. Nous avons pu constater que les raisons pour travailler à temps partiel évoluent fortement avec l’âge des participants. Ainsi, l’éducation des enfants est une des principales raisons évoquées par les 36–45 ans pour travailler à temps partiel. En parallèle, nous avons constaté que les «seniors» (+ de 55 ans) ainsi que les juniors (18– 25 ans) ont des motivations relativement comparables. Ils souhaitent principalement assurer un certain équilibre entre leur vie privée et professionnelle ou consacrer du temps à d’autres activités (rémunérées ou non). De plus, dans notre étude, aucune tranche d’âge ne mentionne travailler à temps partiel afin de suivre une formation.

La grande majorité des sondés n'occupent pas de position impliquant des responsabilités managériales. Est-ce dire que le temps partiel limite les opportunités de promotion?

Cette tendance semble ressortir de notre étude, mais elle est difficile à confirmer de manière catégorique. En effet, comme vous le relevez justement, la majorité de nos sondés n’ont pas de responsabilités managériales. Il serait cependant nécessaire de comparer les données que nous avons récoltées à celles d’un panel équivalent de personnes travaillant à temps plein afin de mesurer et de calculer cet écart.

Pour notre société, la performance est toujours liée à la présence, donc au temps plein. Favoriser le temps partiel implique une évolution des cultures du travail et du management. Par exemple, remplacer l’archétype du temps de présence au travail comme gage de productivité par un modèle axé sur la mise en place et la réalisation d’objectifs définis. Comme des études récentes le révèlent, les entreprises engagées dans cette direction n’ont pas subi de baisse de productivité ou de compétitivité, bien au contraire.

Quels critères organisationnels avez-vous identifiés qui favorisent le temps partiel des hommes?


De nombreux répondants à notre étude travaillent dans des environnements favorisant différentes formes d’organisations alternatives du temps de travail, notamment le télétravail et l’annualisation du temps de travail. Ils évoluent dans des milieux professionnels «progressistes», car ces configurations du temps de travail sont encore relativement peu présentes en Suisse. En fait, la majorité des entreprises employant les sondés de notre étude font état d’une politique spécifique pour favoriser le travail à temps partiel.

Et les facteurs qui le limitent?

Comme indiqué précédemment, le schéma organisationnel traditionnel liant performance et présence au travail est un élément limitatif, mais il n’est pas le seul. La grande majorité des participants à notre étude (86,7%) a commencé à travailler à temps plein puis évolué vers le temps partiel. Cette progression classique illustre un schéma standard d’évolution de carrière professionnelle, car les offres d’emploi à temps plein sont beaucoup plus nombreuses que celles à temps partiel. Cette situation laisse peu de place à l’existence d’autres schémas de parcours professionnel.

Lors de l’élaboration de notre sondage, nous avons pensé que le regard de la société serait également un facteur limitatif. Au contraire, les participants ont indiqué recevoir des retours positifs par rapport à leur choix de travailler à temps partiel, et ce aussi bien au sein de leur cercle privé (famille et amis) qu’auprès de leurs collègues. Le «poids» du regard externe ne semble donc pas représenter un élément limitatif à l’exercice d’une activité à temps partiel.

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Marc Benninger est le rédacteur en chef de la version française de HR Today depuis 2006.

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