«L’absence d’alternance des postures cause une fatigue conséquente»

Selon votre enquête sur les causes de la fatigue ressentie par les employés de 9 magasins de Migros Vaud, 23% des sondés souffrent de fatigue générale et physique. Quelles sont les causes identifiées derrière cette fatigue physique?

Karen Hitz: Il est tout d’abord important de noter que le mandat m'ayant été confié par l'entreprise consistait à dégager les causes professionnelles de la fati­gue et non personnelles ou familiales. Avec le but de donner des pistes à l’employeur pour agir et amé­liorer la santé de ses collaborateurs. En nous basant sur les théories existantes, nous avons décidé de tes­ter 3 types de facteurs principaux: l’environnement et les caractéristiques du travail ainsi que les styles de leadership. Nous avons pu identifier que le bruit, la posture, la charge de travail ainsi que la latitude décisionnelle avaient un impact significatif sur la fatigue générale et physique pour les collaborateurs en magasin au sein de la Société coopérative Migros Vaud. Par des études plus approfondies, nous avons identifié la posture comme l’élément principal géné­rateur de fatigue générale et physique. Notre inter­prétation de ce résultat réside dans le fait que l’ab­sence d’alternance des postures cause une fatigue conséquente. Par exemple, les caissier/ères qui sont principalement assis sont fortement touchés par cette problématique.

Avez-vous pu identifier des pistes pour réduire cette fatigue?


Nous avons émis des propositions d’interventions en vue de diminuer cette fatigue. Certaines sont d’ail­leurs en cours de concrétisation au sein de la Société coopérative Migros Vaud et d'autres ont d'ores et déjà été opérationnalisées par l'entreprise. Des espaces de repos ont notamment été créés pour permettre aux personnes de se coucher lors des pauses, solution idéale car elle peut être adoptée tant par les collabo­rateurs/trices travaillant principalement debout que ceux en position trop fréquemment assise.

6,5 % des sondés assurent avoir une fatigue mentale. Comment interpréter ce résultat?


Ce résultat signifie qu’il existe effectivement une fa­tigue psychologique ressentie par certain/es colla­borateur/trices mais cela sous-­tend également que la fatigue physique serait plus fréquente au sein des magasins. Il faut rester prudent quant à l’interpré­tation de ce résultat. En effet, nos analyses statis­tiques se basent sur des questionnaires que les collaborateurs/trices ont remplis de manière subjective. Il est beaucoup plus aisé pour une personne d’iden­tifier une fatigue physique que psychique. La pro­portion de personnes touchées pourrait ainsi être plus conséquente, c’est pourquoi nous ne nous sommes pas arrêtés sur ce chiffre et avons tout de même dégagé les causes de cette fatigue mentale – le bruit, la posture, le style de leadership et la charge de travail – dans l’objectif d’être capable de la minimi­ser.

Quelle est la part de responsabilité de l'encadrement dans cette fatigue mentale?


Nous avons tout d’abord pu constater que seul le supérieur hiérarchique direct avait un impact signi­ficatif sur la fatigue mentale de ses collaborateurs, et non la hiérarchie au sens large. Toutefois, nous avons été surpris que l’encadrement n’était pas le facteur le plus important dans la prédiction de la fatigue men­tale. En effet, la charge de travail ainsi que le bruit semblent avoir un effet plus important.

Si vous deviez poursuivre votre travail de recherche, dans quels domaines dirigeriez-vous vos efforts?

Cette étude a soulevé des problématiques intéres­santes concernant l’environnement de travail des collaborateurs en magasin. Je pense qu’il est perti­nent d’approfondir cette thématique qui est parfois laissée de côté par les responsables, associant fré­quemment uniquement la fatigue avec la charge de travail. Il serait toutefois nécessaire d’effectuer des analyses ergonomiques objectives approfondies et de différencier les possibilités d’amélioration selon les postes de travail, qui subissent des problématiques qui ne sont clairement pas identiques.