Prévoyance vieillesse

La baisse de valeur des retraites, une réalité depuis des années

Dans le débat en cours sur la Prévoyance vieillesse 2020 et l'initiative AVSplus, beaucoup s'inquiètent de la baisse de leurs rentes, actuelles ou futures. Une crainte justifiée, selon le syndicaliste Aldo Ferrari. La vice-directrice de l'OFAS Colette Nova est plus nuancée.

Berne (ats) L'AVS: pratiquement tout le monde la touche (98,5%). Elle est comprise entre 1175 francs et 2350 pour une personne seule et est adaptée tous les deux ans selon un indice mixte tenant compte à part égale du renchérissement et de l'évolution des salaires. Le Conseil fédéral a décidé de ne pas l'augmenter en 2017 en raison de l'inflation nulle.

A la question de savoir si les rentes du 1er pilier ont perdu de la valeur entre 1980 et aujourd'hui, l'Office fédéral des assurances sociales (OFAS) répond par la négative: "Le pouvoir d'achat d'une rente AVS est aujourd'hui supérieur à celui de 1980."

L'AVS a en effet été mieux indexée en comparaison avec l'indice des prix, mais elle n'a suivi que partiellement l'évolution des salaires. Le retraité d'aujourd'hui a ainsi un taux de remplacement de son dernier salaire moins élevé que celui de 1980, explique l'OFAS.

Aldo Ferrari, vice-président d'Unia, précise: l'indice mixte ne prend pas en compte la hausse "vertigineuse" des primes d'assurance maladie. En 1975, on pouvait payer le loyer d'un deux pièces et son assurance maladie avec la moitié d'une rente AVS maximale. Aujourd'hui, ces deux postes coûtent plus des deux tiers de celle-ci.

Crises boursières

Quant à la prévoyance professionnelle (LPP), près de 66,8% des rentiers pouvaient compter dessus en 2012. Le capital des assurés (partie "obligatoire") est rémunéré selon un taux minimal. Ce taux d'intérêt est supérieur au renchérissement et à l'évolution des salaires, souligne Colette Nova.

En revanche, il n'y a pas d'obligation légale pour les caisses de pension d'indexer les rentes une fois qu'elles sont versées aux retraités. Cela dépend de la situation financière des institutions de prévoyance. Après les deux crises boursières des années 2000, l'adaptation des rentes au renchérissement a été rare, explique la vice-directrice de l'OFAS.

Reste la question du taux de conversion du capital en rente. Celui-ci a passablement baissé depuis les années 2000 pour la partie surobligatoire des salaires assurés. Les caisses ont en effet déjà pris moult mesures d'assainissement et de recapitalisation pour faire face à la baisse des rendements de capitaux et l'allongement de l'espérance de vie.

Non au "pillage des actifs"

Pour Colette Nova, on ne peut pas continuer de calculer les rentes du 2e pilier avec des rendements qui ne correspondent plus à la réalité. Les actifs devraient financer des retraites trop hautes.

"Il faut réduire les tranches mensuelles et accepter des cotisations salariales plus élevées pour maintenir le niveau des rentes du 2e pilier", explique-t-elle. "L'AVS a cependant aussi besoin de recettes supplémentaires pour que ses rentes restent sûres".

Mais elle tempère: dans le 2e pilier, le taux de rendement des placements financiers reflète la situation économique. S'il n'y a pas d'inflation, il n'y a pas de dépréciation. "Sur la durée, la réduction du taux de rémunération n'a rien de catastrophique pour les rentiers du point de vue purement économique", relève-t-elle.

Pour Aldo Ferrari, l'inflation depuis 2000 n'est pas si anodine que l'OFAS le laisse entendre. Elle était de 2,34% annuellement entre 1985 et 2000 contre 0,47% les quinze dernières années. Cela représente tout de même 7% depuis 2000. Beaucoup de rentiers ont vu leur pension LPP stagner par rapport au renchérissement.

AVS vs LPP

Aldo Ferrari voit mal la situation s'améliorer pour les futurs rentiers: "Ils seront de plus en plus nombreux avec un pouvoir d'achat réduit ce qui est un contre-sens économique".

Pour lui, il est évident qu'AVSplus est une réponse plus appropriée en termes de rapport coûts/prestations que d'investir dans le 2e pilier. L'AVS repose sur un financement solidaire des hauts revenus: comme il n'y a pas de plafond de salaire cotisant, l'assiette de cotisation salariale est très élevée, de l'ordre de 320 milliards.

Dans le deuxième pilier, toute une partie des salariés y échappent (temps partiel, chômage) et le salaire obligatoirement assuré est plafonné à 84'600 francs. Par comparaison, les salaires assurés au fond de garantie LPP (salaires jusqu'à 126'000 francs) sont de l'ordre de 130 milliards.

Mais pour Colette Nova, on ne peut pas à la fois augmenter les rentes AVS et renflouer les caisses du 1er pilier. "Ponctionner les salaires, relever la TVA, etc. Au final, ça coûte trop cher".

L'initiative AVSplus effraie la droite et le Conseil fédéral

Le 25 septembre, le peuple devra se prononcer une nouvelle fois sur l'assurance vieillesse et survivant (AVS). L'initiative des syndicats alliés à la gauche veut relever les rentes de 10%. Mais la droite rejette une solution trop onéreuse tandis que le Conseil fédéral préfère sa propre réforme.

Réformer l'AVS? L'idée n'est pas neuve, et revient à intervalles réguliers (voir plus bas). Si personne n'en conteste la nécessité, chacun préfère sa recette, dans une opposition classique entre la gauche et la droite.

Renforcer l'AVS

Les syndicats, la gauche et plusieurs organisations de salariés proposent, avec l'initiative populaire "AVSplus: pour une AVS forte", de relever les rentes de 10%. Le coût total s'élèverait à 4,1 milliards de francs.

Comme solution de financement, les initiants envisagent une hausse de 0,4% de cotisation de la part des salariés et autant des employeurs. Un retraité vivant seul recevrait ainsi entre 1400 et 2800 francs de plus par année et un couple 4200 francs.

Ce texte vise à renforcer l'AVS: la gauche et les syndicats estiment que c'est là le seul moyen pour compenser les pertes de rentes dans le 2e pilier. La crise financière met en effet la prévoyance professionnelle dans une situation difficile.

Les caisses de pension baissent les taux de conversion, ce qui réduit les futures rentes. La prévoyance vieillesse ne permet plus aux retraités de maintenir un niveau de vie approprié, comme le stipule la constitution, relève l'Alliance pour une AVS forte. Les femmes seraient les premières bénéficiaires de l'initiative.

Réformer globalement

Pas de quoi allécher la droite. Réunie en un large comité, elle fait la grimace et craint la charge pour l'économie. L'augmentation de la rente s'ajouterait au déficit dont souffre déjà l'AVS, lequel atteindrait 12,5 milliards de francs à l'horizon 2030.

Et pas question de le combler en relevant le montant des cotisations, précisent les opposants. Cette idée, qualifiée d'irresponsable, pèserait sur les épaules des jeunes générations.

L'initiative pourrait aussi péjorer la situation de certains rentiers: environ 7% d'entre eux perdraient de l'argent, selon les calculs de l'Office fédéral des assurances sociales.

Le camp bourgeois tout comme le Conseil fédéral préfèrent miser sur le projet de prévoyance vieillesse 2020 d'Alain Berset. Celui-ci englobe premier et deuxième piliers.

Pour le conseiller fédéral socialiste, sa réforme est "équilibrée et garantit un financement à long terme". Actuellement discuté au Parlement, le projet est mis sous pression par l'initiative. Il prévoit le relèvement de l'âge de la retraite des femmes à 65 ans, un financement complémentaire de l'AVS par une augmentation maximale de la TVA de 1,5 point et un abaissement du taux de conversion à 6%.

Une partie de la droite aimerait aller plus loin et rêve de relever l'âge de la retraite. Le conseiller fédéral la met cependant en garde: pour convaincre la majorité, la réforme devra rester équilibrée.

Si le peuple dit "oui" à l'initiative, elle devra être appliquée d'ici 2018. Un calendrier serré qui aura des conséquences directes sur le projet, selon Alain Berset. Il devrait être rapidement remanié afin d'être rendu conforme.

Les Suisses ont voté plus souvent qu'à leur tour

Les Suisses ont voté plus souvent qu'à leur tour sur la prévoyance vieillesse, du baptême de l'AVS en 1925 aux récents échecs de réformes votées par le Parlement. Aperçu.

Le principe de l'assurance vieillesse et survivants a été accepté en votation populaire le 6 décembre 1925. Mais il a fallu du temps pour que l'AVS se concrétise. Un premier projet a été refusé dans les urnes en 1931. Ce n'est qu'après la guerre que l'assurance deviendra réalité. Une loi a été adoptée par le Parlement en 1946 avant d'être avalisée en 1947 par le peuple et d'entrer en vigueur en 1948.

L'âge de la retraite était alors fixé à 65 ans pour tout le monde. Mais une rente de couple était octroyée lorsque l'époux atteignait 65 ans et son épouse 60 ans. L'âge de la retraite pour les femmes a ensuite été abaissé à 63 ans (1957) puis à 62 ans (1964) avant de repasser à 63 ans (2001) puis d'être fixé à 64 ans (2005).

Echecs récents

Les dernières années ont été marquées par deux défaites cinglantes pour les autorités. Le 7 mars 2010, le peuple a repoussé par 72,7% une réduction du taux de conversion de la LPP à 6,4% qui aurait conduit à une baisse accélérée des rentes du 2e pilier.

Le 16 mai 2004, la 11e révision de l'AVS, avec notamment la hausse de l'âge de la retraite à 65 ans pour les femmes, a été coulée par 67,9% des votants. Depuis, les Chambres fédérales planchent tant bien que mal sur des solutions.

Une nouvelle mouture de la 11e révision a été sabordée par le National en 2010. La discussion porte désormais sur le projet réunissant AVS et LPP présenté par le ministre des affaires sociales Alain Berset. La crainte d'un nouvel échec dans les urnes plane sur les débats. On préférerait que comme pour la 9e révision de l'AVS en 1978 et la 10e en 1995, le peuple vote "oui".

La dernière fois que les citoyens ont été appelés à se prononcer sur la prévoyance vieillesse, ils l'ont fait plus ou moins par la bande. Ils ont rejeté en juin dernier le revenu de base inconditionnel et en février l'initiative du PDC sur l'imposition des couples, qui demandait aussi deux rentes AVS complètes pour les époux.

Financement de l'AVS

Les autres votations fédérales ont porté sur le financement de l'assurance vieillesse ainsi que sur l'âge de la retraite. L'initiative des Verts pour taxer l'énergie et non le travail pour financer l'AVS a été repoussée en 2001, celle du PEV et de la gauche visant à recourir à une imposition fédérale sur les successions en 2015.

Entre les deux, un grand débat a été mené en relation avec la Banque nationale. Tout a commencé avec les 21 milliards de francs qu'a rapporté la vente de 1550 tonnes d'or par la BNS. L'initiative de l'UDC visant à donner tout cet argent à l'AVS a été rejetée en 2002 en même temps que le compromis proposé par le Parlement (diviser le magot en trois: AVS, cantons, Fondation Suisse solidaire à créer).

La manne a été répartie entre les cantons (2/3) et la Confédération (1/3). Mais l'AVS n'est pas repartie les mains vides : elle a obtenu les 7 milliards attribués à la Confédération. Ce compromis a été trouvé pour répondre à une initiative de la gauche, rejetée en 2006 et qui voulait affecter les bénéfices de la BNS à l'assurance vieillesse.

Age de la retraite

Une poignée d'initiatives portant sur l'âge de la retraite ont par ailleurs fait chou blanc. Les Organisations progressistes de Suisse (POCH) ont d'abord proposé 60 ans pour les hommes et 58 ans pour les femmes. Le texte est rejeté en 1978. Rebelote dix ans plus tard avec une initiative moins ambitieuse (62 ans pour les hommes, 60 pour les femmes) des mêmes POCH.

En 1995, parallèlement à l'adoption de la 10e révision de l'AVS, le peuple a rejeté une initiative socialiste et syndicale proposant une retraite à la carte dès 62 ans. L'Union syndicale suisse n'a pas eu plus de succès en 1998 avec son texte visant à appliquer la 10e révision sans relèvement progressif de l'âge de la retraite des femmes de 62 à 64 ans.

Deux initiatives - l'une des sociétés d'employés, l'autre des Verts - pour une retraite à la carte dès 62 ans ont été rejetées en 2000. Le même sort a été réservé à un texte similaire de l'USS en 2008.

 

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