La transformation digitale du travail

Le changement de posture des RH 4.0

Les solutions IT, qui prétendent résoudre les problèmes RH de nos organisations, foisonnent.
A part augmenter l’efficience et mutualiser les ressources – un défi incontestable mais banal – elles n’abordent en réalité aucun des vrais problèmes auxquels nous sommes confrontés.

La digitalisation de notre économie pose plusieurs défis pour la fonction RH. Plus que jamais, ce nouvel environnement pose la question centrale du sens du travail, de la place de l’Homme dans la création de valeur, du maintien des emplois, mais aussi de l’épanouissement et du bien-être au travail. Or, nous voyons surtout des fonctions RH qui subissent les événements, dans une posture souvent réactive, en cherchant encore et toujours leur place, leur valeur ajoutée, leur reconnaissance. Bien loin du partenariat stratégique dont la plupart se revendiquent pourtant.

Ceci résulte pour nous essentiellement du fait que l’on n’a pas su reconnaître l’existence de deux métiers aux logiques complètement différentes:

  • La gestion des ressources humaines proprement dite, où il s’agit d’optimiser des processus – administration, recrutement et développement notamment, et de réduire les coûts. Ce métier, qui a focalisé l’essentiel des efforts, est nécessaire pour fonctionner, gérer, optimiser, mais sa contribution à la création de valeur n’est pas évidente. Le défi consiste ici à être le plus performant et le plus efficient, avec une forte tendance à l’externalisation.
  • Le développement du capital humain, où le défi consiste à valoriser au mieux et dans la durée le potentiel humain de l’organisation. C’est là que notre métier prend tout son sens, puisque pratiquement tout ce qui se passe dans une organisation est le résultat de la compétence et de l’engagement des collaborateurs. Ce sont eux qui innovent, créent la fidélité des clients et réussissent les changements.

Les logiques, les terrains de jeu, les démarches et les postures sont totalement différents entre les deux métiers. Et la révolution digitale impacte les deux mondes, mais pas du tout de la même manière:

  • La technologie permet d’automatiser, de rationaliser, voire d’externaliser tout ce qui n’est pas créateur de valeur. La nécessité d’allouer et de gérer les ressources, de simplifier les processus, de réduire les coûts et de faciliter le travail des managers et des collaborateurs est indispensable.
  • La technologie augmente à la fois les besoins en matière de valorisation du capital humain et d’accompagnement du changement organisationnel et culturelle. RH a une place à prendre en tant que fonction transverse, dans une posture de leadership et de partenariat stratégique, pour aider à réussir les transformations engagées, en veillant à ce que l’être humain trouve une juste place par rapport à la technologie et à l’intelligence artificielle. Ce défi est essentiel. Et pourtant, quelle importance lui accordons-nous dans nos organisations RH et dans les programmes de formation?

Face aux défis du 4.0, les deux métiers vont inévitablement s’éloigner encore davantage l’un de l’autre. Leurs logiques, leurs visions et stratégies, leurs démarches, leurs outils, mais aussi les compétences et postures de leurs acteurs, seront de moins en moins conciliables.

Si la fonction RH veut apporter une contribution décisive à la valorisation du capital humain et avoir une place centrale pour le succès durable des organisations, elle doit se donner les moyens de monter au niveau stratégique, en séparant clairement ce rôle de celui beaucoup plus opérationnel lié à la gestion des ressources humaines.

Cette option nous semble la seule envisageable à terme, parce que la place de l’Homme et la profondeur des transformations engagées seront plus que jamais au cœur de la réflexion stratégique et du business. La fonction doit avoir pour mission d’aider les dirigeants, dans un monde digital, à redonner du sens au travail et à penser des modèles d’organisation qui permettent d’intégrer les exigences de performance et les besoins individuels en matière d’épanouissement durable. Les diverses parties prenantes sont en droit d’attendre d’elle un réel leadership en la matière.

Elle démontrera celui-ci dans une posture qui ne peut être que stratégique et partenariale: chercher le «Réussir ensemble», autour d’une vision commune, en apportant son expertise, en responsabilisant pleinement les autres acteurs (managers et collaborateurs) et en élaborant ensemble des solutions innovantes. Cette posture semble banale. Elle est en réalité d’une puissance rare. Mais elle est beaucoup plus difficile à adopter qu’on ne le pense souvent.

Aux questions relatives à l’avenir du monde du travail, la fonction RH se doit d’apporter des réponses qui vont vers plus de sens, plus de création de valeur, plus d’innovation, en mettant vraiment les valeurs humaines au cœur de la stratégie et pas seulement des discours. Rien n’est possible sans la technologie. Mais rien ne sera possible sans changer de posture et sans oser sortir des schémas et modes de pensée dominants.

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Daniel Held, Dr. Sc. Econ, est fondateur du cabinet PIMAN, Empowering for change. www.piman.ch
 
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