Droit et travail

Les vacances pendant le délai de congé

Au titre des nombreuses questions qui se posent lors de la résiliation des rapports de travail figure celle du sort des vacances non prises. En effet, bien qu’il appartienne à l’employeur de fixer la date des vacances (art. 329c al. 2 CO), son pouvoir décisionnel en la matière est limité pendant le délai de congé. 
L’un des principes fondamentaux s’agissant des vacances est celui de leur prise en nature, qui est inscrit à l’art. 329d al. 2 CO: «Tant que durent les rapports de travail, les vacances ne peuvent pas être remplacées par des prestations en argent ou d’autres avantages», quelle que soit la partie qui a donné le congé. Cela tient au but des vacances, à savoir le repos. La jurisprudence a rappelé à de nombreuses reprises que l’interdiction de remplacer les vacances par des prestations en argent est une norme impérative, qui s’applique jusqu’à la fin des rapports de travail et non seulement jusqu’à réception de la résiliation. Ce n’est que lorsque la prise en nature n’est plus possible ou qu’on ne peut raisonnablement l’exiger, qu’une conversion en espèces est admissible (voir notamment ATF 106 II 152; ATF 128 III 271 = JdT 2003 I 606; ATF 4C.84/2005).
 
Au titre des éléments susceptibles d’empêcher la réalisation du but des vacances – et donc de justifier, voire d’imposer, leur conversion en espèces –, le principal tient à l’objectif du délai de congé qui est, après le temps d’essai du moins, de laisser aux parties le temps de s’organiser. Ainsi, le travailleur doit pouvoir se consacrer à la recherche d’un nouvel emploi. Cet élément a la priorité sur l’interdiction de remplacer les vacances par des prestations en argent (ATF 128 III 271 = JdT 2003 I 606).
 
La difficulté essentielle de la question des vacances pendant le délai de congé est donc qu’elle met en concurrence plusieurs règles, qui s’opposent en partie, et dont l’importance respective doit donc être évaluée.
 

Les éléments à prendre en compte

Pour déterminer si l’employeur peut exiger la prise de vacances
pendant le délai de congé, il y a lieu de tenir compte de l’ensemble des circonstances, au titre desquelles la durée du délai de congé, la difficulté à trouver un autre travail et le solde de vacances à prendre (ATF 4C.84/2002).
 
Lorsque le délai de congé est court, il sera généralement admis que la conversion en espèces des vacances non prises s’impose. Le Tribunal fédéral a toutefois précisé ce qui suit: «Cela étant, l’employeur pourra toujours démontrer que, nonobstant la brièveté de ce délai, le travailleur est parfaitement en mesure de bénéficier du temps de vacances, parce qu’il a déjà trouvé un nouvel emploi, qu’il peut en trouver un facilement dans le secteur d’activité où il travaille ou pour d’autres raisons encore telles que la libération du travailleur de son obligation de fournir ses prestations durant le délai de congé.» (ATF 4C.84/2002). Dans cette dernière hypothèse, ce qui est déterminant, selon le TF, c’est le rapport entre la durée de la libération et le nombre de jours de vacances restant (ATF 128 III 271 = JdT 2003 I 606).
 

Quelques arrêts du TF

Dans un jugement du 19 avril 2002, la Haute Cour a considéré qu’un travailleur licencié le 15 août 2000 au 30 novembre 2000 et immédiatement libéré de l’obligation de travailler avait eu la possibilité de prendre quatre jours de vacances en nature, alors même qu’il s’était trouvé en incapacité de travail du 19 septembre au 31 décembre 2000 (ATF 4C.27/2002). Sur une période de vingt-six jours «ouvrables» - c’est-à-dire calculés sur une semaine de cinq jours – en pleine capacité de travail, vingt-deux jours étaient ainsi disponibles pour la recherche d’un nouvel emploi.
 
Dans une affaire du 31 juillet 2002, le TF a suivi l’instance inférieure en admettant que deux collaborateurs libérés de leur obligation de travailler dès la résiliation des rapports de travail, en l’occurrence durant cent jours de calendrier, soit plus de quatorze semaines, pouvaient respectivement prendre 2,7 et 3,3 semaines de vacances en nature (ATF 4C.71/2002).
 
Il ressort d’un arrêt du 12 février 2002 qu’un travailleur libéré de son obligation de travailler durant quatre-vingt-sept jours «ouvrables» doit admettre de se voir imputer sur cette période quarante jours de vacances (ATF 128 III 271 = JdT 2003 I 606). Le TF a aussi précisé qu’il incombait au collaborateur de réduire autant que possible tous les frais de l’employeur devenus inutiles, notamment en affectant à cet effet les jours de libre qu’il pouvait utiliser comme jours de vacances.
 
Dans un jugement du 30 septembre 2005, le TF s’est penché sur le droit aux vacances d’un collaborateur au bénéfice d’un délai de congé d’un mois et libéré de l’obligation de travailler du 2 au 30 juin. Le tribunal a jugé que les cinq jours de vacances auxquels le travailleur avait droit pouvaient être pris en nature au cours des vingt jours de libération, dès lors qu’il «disposait encore de trois semaines pour chercher un nouvel emploi, ce qui représentait une période de temps trois fois plus élevée que celle des vacances» auxquelles il avait droit (ATF 4C.193/2005). Le TF a en revanche estimé que l’instance cantonale n’avait pas abusé de son pouvoir d’appréciation en condamnant l’employeur à rémunérer les trente jours de vacances non prises, pour une période de libération de deux mois (ATF 4C.84/2002).
 
Enfin, dans une affaire du 16 juin 2005, les juges de Mon-Repos ont condamné l’employeur à payer l’intégralité d’un solde de vacances non prises de 66,6 jours. Le travailleur avait été licencié le 27 juin 2002 et son délai courait jusqu’au 31 octobre. Il avait été libéré de l’obligation de travailler dès le 24 juillet, soit durant 71 jours. «Le rapport entre les jours de vacances restant et la durée de la libération de l’obligation de travailler étant presque équivalent, le demandeur pouvait prétendre à une indemnisation en espèces.» (ATF 4C.84/2005).
 

Pendant le temps d’essai

La problématique est, à notre sens, différente lorsque la résiliation du contrat de travail intervient pendant le temps d’essai. En effet, l’art. 335b CO prévoit, durant cette période, un délai de résiliation de sept jours, lequel peut être modifié par accord écrit. Cette disposition n’impose aucun délai minimal. Les parties sont ainsi libres de réduire le délai de congé, voire de le supprimer. Il en résulte que ce dernier ne peut pas avoir pour principal objectif de permettre aux parties en général de prendre leurs dispositions, au travailleur en particulier de consacrer du temps à la recherche d’un nouvel emploi. Pour ce motif, il y a à notre avis lieu d’admettre d’une façon générale la prise du solde de vacances en nature pendant le délai de congé du temps d’essai.
 

Vacances demandées par le travailleur

Si la question des vacances pendant le délai de congé exigées par l’employeur est celle qui pose le plus de difficultés, il arrive également que le collaborateur demande à pouvoir quitter son emploi avant l’échéance des rapports de travail, afin de bénéficier de son solde de vacances. Il s’agit donc de déterminer s’il peut légitimement l’exiger.
 
Au vu de l’interdiction de remplacer les vacances par des prestations en argent tant que durent les rapports de travail, certains auteurs considèrent que l’employeur qui a résilié le contrat ne peut exiger du collaborateur qu’il renonce à la prise de ses vacances en nature.
 
D’autres nuancent cette vision en admettant que l’employeur peut exiger du salarié qu’il renonce à ses vacances en nature lorsque le fonctionnement de l’entreprise l’exige, à condition que l’on se trouve face à une situation soudaine et imprévue rendant le collaborateur indispensable et irremplaçable. Le motif doit être d’une importance telle qu’il pourrait aussi justifier l’interruption ou le report de vacances déjà accordées.
 
Ce point de vue est à notre sens encore trop restrictif. On ne peut en effet partir du principe que, dans la mesure où l’employeur est à l’origine de la résiliation, il peut sans autres se passer des services du travailleur du jour au lendemain sauf imprévu. Dès lors que le droit de fixer la date des vacances lui appartient, l’employeur doit pouvoir exiger, quelle que soit la partie qui a signifié le congé, que le travailleur achève les dossiers en cours et informe son successeur notamment. Ce sont là des circonstances qui, bien que prévisibles, font qu’on ne peut raisonnablement exiger l’octroi des vacances en nature.

 

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Sophie Paschoud est secrétaire patronale au Centre Patronal, à Paudex.
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