Paroles de dirigeant

Pourquoi j’ai décidé d’être un CEO à temps partiel

Après plusieurs années d’activité intense dans des grands groupes internationaux avec des fonctions dirigeantes élevées, j’ai décidé en 2012 de mettre mon expérience au profit d’une petite structure.

J’étais arrivé à un tournant dans ma vie professionnelle et je cherchais une activité qui correspondait mieux à mes valeurs personnelles, notamment en réduisant mon temps de travail. Quand j’ai proposé à l’actionnaire principal du groupe IED de diriger la société Intelis à 60% (je suis passé depuis à 80%), ce n’était a priori pas envisageable. Mon expérience et l’argument économique d’un salaire à temps partiel l’ont pourtant convaincu de m’engager.

En prenant mes nouvelles fonctions, j’ai d’emblée annoncé que je ne pourrais pas assumer de tâches opérationnelles. J’ai donc délégué la conduite des affaires courantes aux cadres de l’entreprise. En tant que CEO je m’occupe de la gestion du personnel, des questions stratégiques, de la représentation et du marketing. En pratique, si je devais m’absenter six mois, l’entreprise continuerait à fonctionner. Cette nouvelle posture a été beaucoup plus difficile à adopter que je ne le pensais.

La performance est une valeur forte dans nos sociétés occidentales. Je n’ai pas échappé à ce modèle et j’ai adoré ces années d’intense activité. Quand j’ai réduit mon temps de travail j’ai dû apprendre à trouver d’autres inspirations et à prioriser aussi l’extra-professionnel. Je peux l’avouer aujourd’hui, les premiers moments «d’inactivité» ont été difficiles à accepter. Aujourd’hui, je comprends mieux mon grand-père contremaître, qui a vécu le passage de la semaine de travail de six jours à celle de cinq jours. Lui aussi a mis du temps pour s’adapter à ce nouveau rythme.

En termes de management, le temps partiel m’oblige à être très bien organisé. J’ai décidé de travailler quatre jours par semaine, fixant le vendredi comme jour de congé. C’est ainsi clair pour
tout le monde. Je me suis entouré de cadres autonomes; je leur fais confiance et j’ai appris à mieux déléguer ainsi qu’à accepter que leur manière de travailler convient tout aussi bien que la mienne. La réduction de mon temps de travail a eu un effet sur ma présence. Quand vous dirigez une entreprise et que vous travaillez à 120%, vous glissez parfois vers le présentéisme en pensant que le nombre d’heures passées au bureau est un gage de performance. Dorénavant, je passe moins de temps au travail et suis de fait obligé d’être plus efficace.

En préparant cet article j’ai questionné mes collaborateurs sur mon temps partiel. La question les a surpris; ils savent qu’ils peuvent compter sur moi en cas de besoin et mon absence les vendredis passe (presque) inaperçue. En revanche, le fait d’avoir un patron à 80% a permis à certains collaborateurs d’accéder au temps partiel. Enfin, je pense que mon modèle de temps de travail renforce ma dimension humaine. Je suis un patron, certes, mais j’ai aussi une famille, des loisirs et d’autres intérêts dans la vie. Leur feed-back, à savoir que «cela ne change rien à leurs yeux», m’incite à penser que les générations à venir solliciteront davantage des fonctions dirigeantes à temps partiel.

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Thierry Gnaegi, 46 ans, est le CEO d’Intelis (sécurité et signalisation ferroviaire, entité du groupe IED). Ingénieur en électrotechnique et titulaire d’un EMBA, il a notamment dirigé deux Business Units de Schneider Electric Suisse.

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