L'entretien d'évaluation revisité

Réinventer les entretiens d’évaluation de fin d’année

Nous publions ici la synthèse de la 1ère Université d’été de la communauté HR Factory sur les entretiens d’évaluation. Ces idées devraient permettre de redynamiser ce processus.

Source de tensions autant pour les managers que pour les collaborateurs, l’entretien d’évaluation est une mal-posture. Le sociologue Gérard Reyre dénonçait en 2007 déjà dans HR Today ce rituel «qui divise plus qu’il n’unit». La communauté HR Factory – qui regroupe près de 300 personnes qui désirent repenser certains dispositifs RH – a consacré sa première Université d’été aux entretiens d’évaluation. Réunis le 2 septembre 2017 au Signal de Bougy, une quarantaine de managers RH ont proposé plusieurs pistes pour améliorer ce dispositif. Voici la synthèse de cette journée.

Entretien de collaboration

En renommant ces échanges «entretiens de collaboration*» plutôt que d’«évaluation», nous passons d’une posture en «face à face» vers une posture en «côte à côte». Ainsi, ce n’est plus une séance de jugement, mais une façon latérale de se donner du feedback. L’idée est de transformer la relation hiérarchique chef–collaborateur vers une relation de partenariat, non seulement tournée sur le passé, mais aussi sur l’avenir. Avec la question: comment mieux le construire ensemble? Collaborer signifie travailler ensemble – du latin cum laborare – et travailler ensemble, quelle que soit la position hiérarchique, implique une notion d’entre-aide pour mieux maîtriser les missions et les projets qui constituent l’à-venir des personnes en question. La posture mentale d’un entretien de collaboration implique donc l’intention de maîtriser le présent et le futur à deux, voire à plusieurs.

Au fil de l’eau

Le temps du XXIème siècle est un temps éclaté. Le temps s’accélère. Au fond, le rythme annuel d’une planification stratégique à trois/cinq ans est défié par un présent continu qui bouge tout le temps. Nous sommes dans du calage perpétuel. Par conséquent, croire que l’on peut fixer des objectifs clairs en fin d’année pour l’année suivante est devenu un fantasme de CFO (Chief Financial Officer). Comment rendre compte précisément en décembre d’objectifs décidés douze mois plus tôt?

De même, la «défibrillation organigramique constante» de nos organisations (les organigrammes et les centre de coûts se font et se défont en permanence) empêche souvent une authentique traçabilité des responsabilités. En réalité, les missions et les objectifs se reconfigurent de manière significative durant l’année. D’où la nécessité de travailler au fil de l’eau, avec des mini-rendez-vous réguliers avec toutes les personnes impliquées. Ce rythme «au fil de l’eau» permettra un feedback en temps réel. Ceci n’empêchera pas d’avoir une conversation planifiée une fois par année (pourquoi ne pas le faire durant l’été, quand on a du temps). Ici, un outil technologique intégré et participatif sera le bienvenu pour gérer ce feedback en continu.

Clarifier les finalités

Quelle est la vraie raison d’être d’un entretien de collaboration? A notre avis, cette finalité est d’établir les meilleures connections possibles entre partenaires de niveau hiérarchique différent. Il s’agit aussi de faire circuler l’information le plus clairement possible, avec des retours et des feedbacks qui soient vrais. Nous recommandons pour cet entretien d’écouter d’éventuels demandes en matière de promotion, d’évolution de carrière et de rémunération, d’en prendre note, mais de ne pas entrer en matière à ce moment-là. Afin de ne pas polluer cet entretien de «connexion» avec des protons non-maîtrisables. La finalité, c’est de reconnaître, de placer et de développer les personnes dans la dynamique des projets de l’entreprise et des personnes concernées. Il se peut que l’on doive constater une non-adéquation, une absence de connexion, entre la dynamique des personnes et la dynamique stratégique de l’organisation. Si cela est le cas, la vérité doit être au rendez-vous.

Simplifier

Simplifier est un verbe à déguster avec attention. Simplifier le contraire de compliquer, qui signifie avec des plis et des replis. Le mot simplifier signifie ainsi, être sans plis. Donc, pas d’entourloupes ou d’agendas cachés dans un entretien. Au début de la rencontre, il faut annoncer sans tarder la couleur de l’échange. Par exemple: «Je me réjouis de partager avec vous la façon dont nous allons adresser le futur de notre collaboration». Ou peut-être: «Cet entretien sera musclé parce que nous avons réellement des choses à adresser, voire à redresser.»

De fait, pour rester simple, il suffirait de poser trois questions: 1. Qu’est-ce que j’apprécie et que je souhaite que vous continuiez de faire? 2. Qu’est-ce qui me pose question et que je souhaite que vous arrêtiez de faire? Et enfin 3. Quelles sont mes envies et qu’est-ce que j’aimerais que vous vous mettiez à faire? Répondre à ces trois questions suffit amplement.

Settings – Design

Les lieux choisis pour l’entretien (une pièce avec fenêtre par exemple) et la position des personnes devraient créer l’idée d’un partenariat. Asseyez-vous à côté de votre partenaire, plutôt qu’en face de lui. Nous recommandons ici la loi du télésiège. Le trajet en remontée mécanique offre plusieurs avantages. La position assise est «côte à côte». La vue est magnifique, et donne donc de la perspective à l’entretien. Le trajet est par définition court, ce qui permet à l’échange d’aller à l’essentiel. Un entretien de collaboration implique de regarder dans la même direction. Evitez les positions haut-bas. Et si les lieux sont clés, la disposition d’esprit l’est également.

Dissocier le rôle de la personne

En organisation, nous jouons tous des rôles. Ces rôles ne devraient pas être confondus avec les personnes qui les tiennent. La nuance est subtile et le rubicon est parfois vite franchi. Ne voir dans une personne que son rôle professionnel est une réduction. En clair, nous sommes tous – peu importe notre rang hiérarchique et nos responsabilités – des êtres de condition humaine. Ce cadre posé, nous endossons ensuite des fonctions et des rôles qui correspondent peu ou prou à nos qualités. Lors d’un entretien de collaboration, ce sont ces rôles et ces fonctions qui sont mis sur la table avec la belle consistance des épaisseurs de vie.

Extraire les forces et droit à la pause

La posture appropriée de personne responsable serait à notre avis celle d’un mentor. Un mentor n’est ni un coach ni un évaluateur. Le mentor est celui ou celle qui va trouver des potentialités dans l’autre, des forces dont l’autre n’a peut-être même pas idée. Ensemble, ils mettront ces potentialités au jour, voir à jour. Quelques exemples de potentialités: curiosité, perspicacité, engagement et détermination.

Le mentor pourra aussi mieux cerner les étapes d’un parcours de vie. Dans une trajectoire professionnelle, il y a des moments d’essoufflement. Lors d’une ascension en montagne, il y a des moments d’arrêt, où l’on pose ses fesses pour contempler le paysage, casser la croûte et reprendre des forces pour l’étape suivante. Une trajectoire professionnelle sera parfois aussi séquencée par des moments de vie privée, une naissance, une séparation, qu’il faudra aussi savoir accueillir.

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Marc Benninger est le rédacteur en chef de la version française de HR Today depuis 2006.

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Maxime Morand, théologien de formation, a fait son parcours dans les RH au Crédit Suisse, à l'Union bancaire privée, puis chez LODH en tant que responsable des RH. Depuis 2012, il est consultant RH indépendant.

Lien: www.provoc-actions.com

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