Droit et travail

Trousse à outils de l’expatriation

Procédure, couvertures sociales adéquates, prévoyance professionnelle, assurance chômage ... Petit survol des réglages administratifs à ne pas oublier en cas d’expatriation d’un de vos collaborateurs.

Les sociétés helvétiques sont nombreuses à exercer leur activité professionnelle sur un plan international et à envoyer des collaborateurs avec profils pointus au sein de filiales étrangères. Bien que la Suisse se soit engagée avec de nombreux Etats au travers de traités, multilatéraux ou bilatéraux, force est de constater le manque de solutions harmonisées au niveau international, notamment en ce qui concerne la sécurité sociale des collaborateurs expatriés.

 

Notions et distinctions

Les termes «expatriation» et «détachement» font référence au statut d’un collaborateur amené à travailler à l’étranger, pour le compte d’un employeur en Suisse. Il n’existe aucune définition unique pour ces termes et leur sens varie en fonction des lois qui s’y réfèrent. Certaines lois relatives aux assurances sociales permettent néanmoins de les distinguer.

Par détachement, il faut entendre le départ temporaire d’un collaborateur au sein d’un Etat lié à la Suisse par une convention internationale. Il s’agit des départs dans un Etat membre de l’Accord sur la libre circulation des personnes entre la Suisse et les Etats de l’Union européenne (ALCP) ou dans un Etat membre de l’Association européenne de libreéchange (AELE). Le collaborateur détaché reste, en principe, soumis au régime d’assurances sociales de l’employeur en Suisse pendant la période de détachement.
A l’inverse, la notion d’expatriation sous-entend le départ temporaire d’un collaborateur dans un Etat avec lequel la Suisse n’a conclu aucune convention internationale. En principe, un collaborateur actif sur le territoire d’un Etat est soumis à la législation et au régime d’assurances sociales de cet Etat. Cependant, afin de protéger au mieux les collaborateurs expatriés, la Suisse a introduit des mesures spécifiques à leur égard, notamment pour tous les aspects de couverture sociale.

 

Comment procéder?

Un collaborateur engagé par un employeur en Suisse bénéfice d’un contrat de travail soumis au droit suisse. Lorsque l’employeur entend l’expatrier, un avenant au contrat de travail doit être établi. Cet avenant prévoit les conditions et modalités d’expatriation et demeure soumis au droit suisse.

Par la suite, un contrat de travail local, soumis au droit étranger, est conclu entre le collaborateur et la filiale étrangère afin de régler les conditions de travail pendant la période d’expatriation. Tant que dure le contrat de travail local, le contrat de travail avec l’employeur en Suisse est suspendu. Le rapport de subordination entre l’employeur en Suisse et le collaborateur perdure néanmoins durant l’expatriation. Les rapports de travail ne peuvent être résiliés que par l’employeur en Suisse ou par le collaborateur.

Au terme de la période d’expatriation, qui ne peut excéder six ans au total, le contrat de travail local prend automatiquement fin. Le collaborateur se trouve alors face à deux possibilités:

  • 
il rentre en Suisse et le contrat de travail avec l’employeur suisse retrouve sa pleine application ou;

  • il s’engage définitivement au sein de la filiale étrangère par le biais d’un nouveau contrat de travail et résilie le contrat de travail avec l’employeur en Suisse.


Couvertures sociales

En matière de couvertures sociales, les Etats ont tendance à limiter les prestations à fournir aux ressortissants étrangers. Dès lors, la Suisse a introduit, dans son droit interne, certaines particularités:

 

Assurance-vieillesse et survivants (AVS), assurance-invalidité (AI), allocation pour perte de gain (APG) et assurance chômage (AC).


Les collaborateurs peuvent continuer leur assurance AVS/AI/APG/AC, avec l’accord de l’employeur, à condition d’avoir été assurés pendant cinq années consécutives au moins, immédiatement avant de commencer l’activité à l’étranger.
Collaborateurs et employeurs doivent présenter par écrit, une demande conjointe à la caisse de compensation compétente. La demande doit être adressée à la caisse de compensation de l’employeur dans un délai de 6 mois à compter du jour où le collaborateur remplit les conditions pour continuer l’assurance. Passé ce délai, la continuation à l’assurance n’est plus possible.

Il convient de relever que la continuation de l’assurance d’un collaborateur expatrié, selon le droit suisse, ne modifie pas son statut au regard
des assurances de l’Etat dans lequel il exerce son activité. Selon les situations, une double assurance n’est pas exclue.

 

Prévoyance professionnelle
La continuation à l’assurance AVS/AI permet également au collaborateur de rester affilié à la prévoyance professionnelle de l’employeur.

 

Assurance-accidents & assurance maladie
Le collaborateur reste affilié à l’assurance-accidents suisse de l’employeur ainsi qu’à l’assurance maladie suisse pour une durée de deux ans. Sur demande de l’employeur, la durée relative à ces deux assurances peut être portée à six ans au maximum, dès le début de l’expatriation.

 

Allocations familiales
Pendant la durée de l’expatriation, le collaborateur a droit aux allocations familiales suisses, adaptées au pouvoir d’achat de l’Etat dans lequel il réside temporairement.

 

Couverture sociale des membres de la famille?
Les conjoints non actifs des collaborateurs expatriés peuvent eux aussi, rester assurés à l’AVS/AI obligatoire en Suisse. Il en va de même s’agissant de l’assurance maladie.

 

Assurance chômage

En cas de résiliation des rapports de travail au terme de la période d’expatriation, le collaborateur peut prétendre aux versements des indemnités de l’assurance-chômage, à son retour en Suisse. Il doit cependant réunir les conditions ciaprès:

  • il doit avoir cotisé à l’assurance-chômage durant son activité à l’étranger;
  • il doit être domicilié en Suisse et s’être annoncé en tant que chômeur auprès de l’Office régional de placement de son Canton de résidence;
  • il doit remplir les autres conditions d’octroi d’indemnité fixées par la Loi fédérale sur l’assurance-chômage.

 

Expatriation d’un collaborateur étranger en Suisse

L’expatriation de collaborateurs étrangers au sein d’une filiale suisse d’un groupe de sociétés est une situation fréquente. L’avenant d’expatriation sera établi selon le droit national applicable à l’employeur et au collaborateur étrangers. La relation entre la société suisse et le collaborateur étranger doit être réglementée par un contrat de travail local soumis au droit suisse.
Ce contrat a pour objectif de réglementer les conditions spécifiques du travail en Suisse, soit notamment durée du travail, heures supplémentaires et salaire. Il en va de même des prestations particulières d’expatriation prises en charge par la société suisse telles que frais de déménagement, logement ou scolarité des enfants.

Afin de protéger ses données confidentielles et son savoir­-faire, la société suisse devra impérativement prévoir dans le contrat une clause complète sur le devoir de diligence et de fidélité avec un mécanisme de sanctions en cas de violation.

 

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Marianne Favre Moreillon, spécialisée en droit du travail, est Directrice et Fondatrice du cabinet juridique DroitActif à Lausanne. 

Lien: www.droitactif.ch

 
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