Droit et travail

Usage privé de l’Internet au travail: Les règles du jeu

L’usage privé d’Internet au bureau est de plus en plus actuel. Juridiquement, l’employeur a la possibilité d’interdire ces pratiques. Les tribunaux rappellent par contre que l’employeur n’a pas le droit de lire les courriels de ses employés. Le Groupement romand de l’informatique (GRI) émet maintenant des directives en la matière.

Le Tribunal fédéral (TF) a confirmé la sanction prononcée à l’encontre d’une entreprise qui n’avait pas pris la précaution de mettre en garde son collaborateur de manière suffisante du risque d’un usage trop fréquent du téléphone et de l’Internet. Celui-ci s’était rendu coupable entre autres de consultation de sites à caractère sexuel et avait été licencié avec effet immédiat (arrêt 4C 173/2003).

Pour le TF, sauf accord exprès du travailleur, l’employeur n’a pas le droit de lire et contrôler les courriels et les recherches sur l’Internet, puisqu’il risque de pouvoir accéder à des éléments de la sphère privée. Même lorsqu’il existe des indices concrets d’emploi abusif, le devoir d’avertissement subsiste. Dans l’affaire en question, l’employeur ne s’est pas contenté de chasser un prétendu virus, il a ouvert des documents privés. Ces investigations ont été faites en l’absence du travailleur et excédaient largement les besoins urgents qu’exige la recherche du virus (Recueil des décisions du Tribunal des Prud’hommes de la Ville de Zurich du 10.12.2003).

Faut-il autoriser l’usage de l’Internet et de la messagerie personnelle au travail ou l’interdire? Pierre Matile, directeur de Conseiller Juridique Entreprises à Neuchâtel confie: «Mes clients ne se posent généralement pas la question, jusqu’à ce qu’un problème quel qu’il soit surgisse. Si l’entreprise n’a pas établi de normes, elle est moins bien armée pour se défendre et court par conséquent un risque plus élevé. Le plus souvent, elle tolère une utilisation raisonnable. Le droit du travail est très formaliste. Il est vivement recommandé de fixer ces règles par écrit». L’avocat met en garde les entreprises trop laxistes: «Une utilisation privée de l’informatique peut provoquer des dommages importants que l’employeur est tenu de réparer: réception de courriels qui paralysent, voire détruisent son informatique, infractions pénales, altération de la bande passante, atteintes à la réputation de l’entreprise, etc. Les risques sont importants et peuvent s’avérer coûteux. Juridiquement, l’employeur a la possibilité d’interdire l’utilisation privée de ses moyens informatiques, comme d’ailleurs tout autre moyen de production, tels des outils ou des véhicules.» 

Pour aider les entreprises et leurs collaborateurs, le Groupement romand de l’informatique (GRI) a élaboré une directive sur l’usage privé des technologies au travail. On ne peut pas aller à contre-courant des technologies nouvelles, conclut Christophe Andreae, le Président du GRI: «L’Internet et les e-mails font partie de la vie courante. Les interdire est devenu impossible. Cela serait même contre contre-productif. Les employeurs doivent les tolérer» (voir «Le Temps, Edition Emploi & Formation du 15 juillet 2005).

Les difficultés occasionnées par l’usage privé de l’Internet et de la messagerie au travail sont néanmoins prises au sérieux. Un groupe de travail ad hoc a même été créé à cet effet, composé de représentants de la Chambre vaudoise du commerce et de l’industrie (CVCI), de la Fédération des entreprises romandes (FER de Genève) de l’Office de promotion des industries et des technologies à Genève (OPI), ainsi que d’un avocat.

Nonobstant, les entreprises auraient tort de se plaindre de l’engouement que suscite l’Internet, en particulier auprès des jeunes (comparable  aux commodités du téléphone au siècle passé). 

En effet, si de nombreux travailleurs «vont» sur l’Internet du bureau, d’autres tout aussi nombreux consultent l’ordinateur du domicile ou s’en servent en voyage, pour des raisons professionnelles.

 

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