Covid-19

«Il faut créer une culture d’entreprise où il est ‘ok de ne pas être ok’»

Imposer le port du masque, le télétravail et le lavage des mains sont des mesures insuffisantes face au Covid-19. Selon Arjan Toor, CEO Europe de l’assureur Cigna, il faut rendre la société plus résiliente en améliorant la santé globale des individus… et des employés.

Face à la crise pandémique, la majorité des entreprises axent leur stratégie de lutte sur des mesures telles que télétravail, port du masque, lavage des mains et distanciation sociale. Cette stratégie est loin de vous satisfaire. Pourquoi?

Le tissu entrepreneurial – et la société en général – ont été très réactifs face au Covid-19. On a tout fait pour ralentir la propagation du virus et pour limiter la casse. Ce qui fait cruellement défaut dans le débat, c’est un grand pas en arrière. Nous devons prendre du recul et réfléchir à la manière de rendre notre société plus résiliente. Nous sommes beaucoup trop vulnérables face aux pandémies. Et celle du Covid-19 ne sera pas la dernière!

Quelle sera la voie à suivre, selon vous?

En Suisse, 96% des personnes qui sont décédées des suites du Covid-19 étaient à risque en raison de problèmes de santé préexistants (surpoids, hypertension, etc.). Or, alors que nous devrions nous évertuer à améliorer la santé globale de la population pour mieux faire face au virus, c’est exactement le contraire qui se produit. Prenons l’exemple du mouvement: cette année la pratique de la marche a reculé de 43% à l’échelle planétaire, alors que parallèlement, le temps passé assis au quotidien a grimpé à plus de huit heures, contre cinq auparavant. Il est donc indispensable de mettre en place des mesures de lutte à plus long terme, avec un focus sur la santé physique et psychique des citoyens et des employés, deux aspects étroitement connectés. Chez Cigna, nous allons encore plus loin et employons le terme «whole health», qui implique la santé dans son ensemble et de façon large.

Quels conseils donneriez-vous aux employeurs qui souhaitent adopter cette approche globale et holistique?

La première chose que je leur conseille, c’est d’agir plutôt que de réagir. Il faut commencer dès maintenant, en 2020: après tout, il leur reste encore dix jours! J’encourage notamment les entreprises à combattre la culture «always on» qui règne dans la plupart d’entre elles. Il faut pousser les équipes à faire des pauses, à sortir. Mais aussi à prendre du temps – sur les heures de travail - pour discuter, échanger. Il est faux de penser que cela entraîne une baisse de productivité. Encore plus important peut-être: il faut créer une culture d’entreprise où il est «ok de ne pas être ok». Qu’un employé ait le droit de lever la main et de dire «ça ne va pas». Que les collègues se préoccupent du bien-être des autres membres de leur équipe.

Comment implémenter une telle culture dans l’entreprise?

L’impulsion doit venir d’en-haut. Le leader doit d’une part clairement l’annoncer dans ses valeurs. Par ailleurs, il doit montrer l’exemple, ne pas hésiter à communiquer sur sa propre anxiété ou son sentiment d’isolement, par exemple lorsqu’il fait du télétravail.

Concrètement, quelles sont les mesures que les entreprises peuvent mettre en place rapidement, facilement et à moindre coût pour améliorer la santé globale des collaborateurs?

Un truc tout simple consiste à faire des réunions de 45 minutes au lieu d’une heure, à l’issue desquelles les participants sont invités à aller se dégourdir les jambes et boire un café avec les collègues. Prévoir une pause repas sur le temps de travail est une autre astuce. Sans oublier la participation à des événements sportifs corporatifs du style course à pied par équipe ou Bike to work. A noter que le Covid-19 n’est pas une excuse pour faire l’impasse, puisque de telles compétitions peuvent avoir lieu de façon virtuelle.

Pourquoi incombe-t-il aux employeurs – et non pas aux individus eux-mêmes - de se préoccuper des questions de santé?

D’une part parce que les gens passent beaucoup de temps au travail. D’autre part parce que le fait d’améliorer la santé globale des employés a des retombées positives sur la productivité, l’absentéisme ou encore la marque employeur. Et aussi parce que les citoyens/employés peuvent se sentir démunis face à la crise et qu’il est du devoir de l’Etat et des employeurs de prendre le relais.

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Texte: hrtoday.ch
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