Conseils pratiques

Télétravail: et si on laissait la place aux émotions?

La majorité des burnouts liés au travail pourrait être évité en favorisant l’écoute et la mise en place d’un environnement de sécurité émotionnelle.

La palette d’émotions par laquelle passe les employés soumis au télétravail depuis maintenant une année est vaste et loin d’être réjouissante: démotivation, perte de sens, épuisement, stress, surcharge émotionnelle ou angoisses liées à l’incertitude.

Le monde professionnel va plutôt mal. Déjà au mois de mars 2020, beaucoup de salariés ont eu du mal à s’adapter au travail à la maison. Mais aujourd’hui, mêmes ceux qui estiment avoir bien vécu le premier semi-confinement admettent avoir de la peine à rester motivés. Isolés et surchargés, ils ne voient pas le bout du tunnel.

Leadership à distance

En tant que spécialiste du bien-être au travail et fondatrice de l’agence Happy at Work, j’ai eu l’occasion de dispenser avec mon équipe pas moins de mille workshops et séances individuelles de coaching depuis le début de la pandémie, afin d’aider les employés à traverser cette période de la manière la plus sereine possible.

À cette occasion, nous avons identifié plusieurs sources de problèmes récurrents: un mal-être général, la peur de l’isolement, la perte de motivation et d’engagement, la difficulté à gérer son temps et à s’adapter à la situation, ainsi qu’à mettre une limite claire entre vie professionnelle et vie privée. Par ailleurs, nous observons également un manque de communication et de cohésion entre les équipes, ainsi que la difficulté d’encadrer le travail des collaborateurs découlant de l’absence de formation des managers en matière de leadership à distance.

Recherche de la performance

Au travail, on attend de nous d’être performant de manière constante et de laisser émotions et ressentis à la porte. Or, c’est en réprimant ce que l’on ressent que l’on renforce le mal-être qui, poussé à l’extrême, peut mener vers l’épuisement, voir le burnout. Ainsi déconnectés de leurs ressentis, certains employés ont tendance à tirer sur la corde jusqu’à ce qu’elle casse. Je pense que la majorité de burnouts et autres problématiques liés au travail pourrait être évitée si l’on apprenait à s’écouter et si l’on osait parler des émotions dans le cadre professionnel.

Être à l’écoute de soi

Afin d’apprendre à identifier les signaux d’alerte, nous proposons aux employés de se soumettre à une série d’exercices simples lors de nos formations, consistant à prendre la «température intérieure».

Par exemple, au moyen d’un tableau séparé en trois colonnes, j’invite les participants à entrer en contact avec leurs ressentis et à détecter ainsi les problèmes dès leur apparition. La colonne verte est synonyme d’émotions et de sensations physiques liées à l’énergie et au bien-être, l’orange signale une fatigue, une perte d’énergie et sert de mise en garde. Enfin la rouge correspond à la surcharge et à l’épuisement. Les symptômes d’un burnout sont différents d’une personne à l’autre, c’est pourquoi il reste difficile de les détecter en amont. Certains ressentent une énorme fatigue, d’autres des palpitations ou une boule au ventre ou à la gorge. Détecter les signaux d’alerte en amont permet de remédier à la situation avant qu’il ne soit trop tard.

Un autre de nos exercices consiste à s’exprimer sur son état d’esprit actuel au moyen de la métaphore du temps: «la météo intérieure». Un temps ensoleillé, des nuages et un orage sont respectivement synonymes de bien-être, de soucis et de colère. Je préconise de faire cet exercice en groupe, notamment avant une réunion hebdomadaire afin de prendre la température de la salle. C’est en encourageant ce type d’échange que nous contribuons à développer la sécurité émotionnelle au sein d’une entreprise. Beaucoup de problèmes et de frustrations pourraient être évités si on osait en parler.

Le rôle des managers

Mais pour cultiver cet état d’esprit au bureau, l’adaptation des managers reste indispensable. Ces derniers doivent servir d’exemple en restant authentiques et en n’ayant pas peur de se montrer vulnérables. Je n’oublierai jamais ce CEO qui n’a pas hésité à faire part à son équipe de la période difficile qu’il traversait. En donnant du sens à son comportement, ses collaborateurs ont pu le comprendre, sans le juger, et le soutenir en se distribuant le travail supplémentaire, ce qui a contribué à les souder.

Pour renforcer la cohésion d’équipe, mise à mal par le télétravail, j’invite par ailleurs les managers à créer des moments d’échange où il est facile de s’exprimer lors d’entretiens, en groupe comme en individuels. Ces moments de partage relationnel sont d’autant plus importants en temps de confinement. Il est primordial de valoriser le travail de chaque collaborateur en donnant des feedbacks réguliers. Faire l’éloge de ses employés les rend plus engagés et performants sur le long terme.

Le rôle des mangers n’a jamais été aussi important que maintenant et aussi difficile que dans cette période inédite de distanciation et d’incertitude. Pour surmonter ce challenge, le manager de demain, par sa posture, devra savoir prendre soin de lui-même, de ses équipes et de son organisation d’une manière durable.

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Annika Månsson est la fondatrice de l’entreprise genevoise Happy at Work. Elle aide les organisations et les leaders à améliorer la qualité de vie au travail et la performance grâce à un management éclairé et responsable. Ses clients viennent de secteurs très divers: Novartis, FIBA, Migros, UEFA, OCAS, JP Morgan, Deloitte. Pionnière et experte en bonheur au travail, elle a en particulier accompagné plus de 500 personnes dans des situations de burnout vers une réintégration au travail.

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