Valeur perçue

La valeur RH définie par ceux qui en bénéficient

Le paradoxe de la fonction RH est sa contribution indirecte à la réussite économique. Ce sont les utilisateurs des prestations RH qui en mesurent le mieux l’efficacité. Analyse.

Evaluer la valeur d’une prestation RH implique de s’intéresser à ses bénéficiaires. La fonction RH est une fonction transversale, en support des autres acteurs de l’organisation. C’est tout le paradoxe: la valeur ajoutée RH n’a qu’un lien indirect avec le business. Bien recruter, bien rémunérer, bien gérer les conflits n’apporte pas de valeur directe. Ces pratiques porteront leurs fruits sur le long terme, car elles façonnent l’ADN et la culture d’entreprise et agissent sur des enjeux de santé au travail et d’engagement, qui sont difficiles à mesurer en termes de retour sur investissement. Dans une récente interview avec le Dr. Diane Hamilton (à écouter en podcast sur LinkedIn), l’américain Dave Ulrich – père de la GRH moderne – a illustré cette difficulté à mesurer la valeur RH par cette anecdote: «Le CEO ne s’intéresse pas au leadership, il s’intéresse aux parts de marché et au prix de ses actions. Mais si vous lui dites qu’une formation en leadership va augmenter la valeur boursière de son entreprise de 20% – des études l’ont prouvé – il vous écoutera attentivement.» Dans un autre article publié sur LinkedIn (HR is not about HR), Dave Ulrich détaille les conséquences de cette mesure de la valeur RH par ses bénéficiaires (voir aussi les huit conseils ci-contre).

Comment les non-RH voient les RH

D’autres chercheurs se sont penchés sur cette question. Publiée en 2013, une longue étude sur la valeur perçue des RH par les autres acteurs de l’organisation donne des indications intéressantes. Ces résultats proviennent de 400 directeurs d’unité (non-RH), actifs dans des multinationales ou des grandes entreprises. Les chercheurs leur demandaient de décrire en quoi la fonction RH leur était utile.

Premier constat: les managers non-RH souhaitent avant tout que la fonction RH comprenne les enjeux économiques de l’entreprise. Dans le tableau 1 (ci-dessous), on retrouve les prestations RH les plus importantes en termes de business. La direction par objectifs arrive en première position, puis le recrutement et la formation des leaders. Les sujets typiquement RH (diversité, questions juridiques et les SIRH) intéressent le moins les managers de ligne.

Deuxième constat: les besoins RH diffèrent selon les départements. Un CFO n’aura pas les mêmes attentes qu’un chef de la production. Et ainsi de suite. Dans le détail, les managers souhaitent que les RH viennent s’enquérir des spécificités de leur unité d’affaire. Ils attendent aussi que les RH osent leur tenir tête, et enfin qu’ils développent une sensibilité business plus marquée.

Troisième constat: plusieurs prestations RH pourraient être améliorées. Le tableau 2 (voir ci-dessus) montre notamment que 68% des sondés estiment que le processus de recrutement pourrait être amélioré. Ils sont environ 57% à pointer du doigt le programme de formation des leaders, qui pourrait lui aussi être affiné. Enfin, 51% des sondés pensent que les entretiens d’évaluation de fin d’année mériteraient d’être revus.

Préoccupations RH d’un administrateur

Pour contextualiser ces résultats dans l’économie Suisse romande, nous avons demandé à l’administrateur de sociétés Dominique Alain Freymond de nous livrer ses impressions. Selon lui, la valeur perçue des RH dépend fortement de la taille de l’organisation. «Dans une grande entreprise, le conseil d’administration s’intéresse en général à deux choses en termes de ressources humaines. Le premier sujet est la rémunération, avec les négociations salariales, les avantages annexes et la caisse de pension. Le deuxième enjeu est le développement des personnes. Comment se prépare la relève? A-t-on identifié les hauts potentiels? Sur ces deux enjeux, l’avis du DRH va compter», détaille Dominique A. Freymond.

Mais les compétences du DRH pourraient être encore mieux mises en valeur, poursuit-il. «La tâche la plus importante d’un conseil d’administration est d’engager le bon CEO. Malheureusement, les administrateurs manquent souvent de compétences et d’expérience dans ce domaine. Ce qui explique pourquoi ils font généralement appel à un chasseur de tête. Le DRH aurait là une carte importante à jouer. Il maîtrise les outils et connaît les besoins de l’organisation.»

Et qu’en est-il dans les petites et moyennes entreprises suisses? «La gestion RH y est souvent sous-estimée. C’est le directeur financier qui s’en occupe puisqu’il est responsable du paiement des salaires.... Mais la gestion de la relève au niveau de l’ensemble de la direction est souvent négligée. Ce qui a parfois des conséquences dramatiques. J’ai connu le cas d’un directeur informatique qui a pris sa retraite après 40 ans au sein de la même PME. Il avait développé les logiciels de gestion de l’entreprise mais sans les documenter. Après son départ, comme la transmission des connaissances et la relève n’avaient pas été organisées, la PME a dû entièrement changer sa solution informatique...»

Enfin, Dominique A. Freymond voit un autre chantier stratégique pour la fonction RH: adapter la culture d’entreprise aux attentes des nouvelles générations. Il prévient: «Les Milleniums fonctionnent différemment. Ils ont besoin d’autonomie et ont un rapport différent à l’autorité. Les cultures d’entreprise sont souvent figées dans des vieux schémas. C’est rarement le Conseil d’administration qui va promouvoir une nouvelle culture, par contre les RH ont la sensibilité nécessaire et les compétences pour lancer et accompagner cette évolution».

Les huit conseils de Dave Ulrich

  1. Accepter que la valeur est définie par les bénéficiaires
  2. Servir les parties prenantes internes et externes
  3. Evaluer et anticiper le contexte business
  4. Contribuer au développement des individus et de l’organisation
  5. Se mettre au digital
  6. Soigner le design du département RH
  7. Acquérir les bonnes compétences RH pour votre activité
  8. Responsabiliser les directeurs de ligne

Huit règles adaptées de l’article de Dave Ulrich: «HR is not about HR»

 

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Marc Benninger est le rédacteur en chef de la version française de HR Today depuis 2006.

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