Débat

Faut-il supprimer les assessments?

Les assessments sont coûteux et subjectifs, plaide la consultante Ruth Blunier. Elle propose de les remplacer par une combinaison de tests de personnalité et d’assessments en ligne. Lisa Di Secli, assistante de direction chez Clickjob Meyer SA, estime au contraire que les assessments restent fiables et très utiles.

Pour : Ruth Blunier

Mes différentes interventions en PME m’ont amené à avoir un regard critique sur les assessments. Malgré leur formation, les évaluateurs sont encore influencés par des candidats «entraînés» à ce type d’évaluation. Surtout les managers, qui ont l’habitude de passer ce genre de tests. De plus, l’appréciation du candidat par l’assesseur est souvent subjective et approximative. Je ne citerais ici que quelques exemples: chaque évaluateur éprouvera de la sympathie ou de l’antipathie devant un candidat, un sentiment qui influencera forcément son jugement.

En outre, les mises en situation proposées lors d’un assessment sont évidemment fictives, soit des situations auxquelles les candidats pourraient se préparer. Et si plusieurs candidats participent au jeu de rôle, cela provoquera de la concurrence et des jeux de pouvoir, ce qui va à l’encontre des objectifs d’un assessment.

Qu’ils soient menés avec un ou à plusieurs candidats, ces évaluations coûtent chers, puisqu’elles exigent des ressources humaines et temporelles importantes. Répondre que ce coût est relativement bas en vue du résultat obtenu ne me convainc pas non plus.

A l’inverse, les tests de personnalité offrent des informations très pertinentes lorsqu’il faut mesurer la compatibilité d’un candidat avec la culture d’entreprise (combinés avec un entretien structuré, un certificat de travail et les diplômes). Ces tests réduisent le risque de subjectivité. De plus, ces outils de diagnostic sont bien moins coûteux.

Lors d’un assessment en ligne, plusieurs outils sont mis à contribution, tous ont été validés scientifiquement et donc les traits de personnalité sont analysés avec objectivité et neutralité. Cette approche met aussi en lumière les préférences des candidats: compétences métier, compétences sociales, leadership, leurs valeurs et motivations, leur manière de penser, de travailler et d’interagir en groupe ainsi que leur équilibre entre vie professionnelle et privée. Toutes ses indications permettent de cerner la personnalité du candidat avec précision.

La comparaison de ce profil avec les exigences du poste et avec la culture d’entreprise sera une aide précieuse à la décision au moment de l’engagement.

A noter que ces outils serviront également à accompagner le collaborateur/cadre durant sa mission, soit en termes de formation continue soit pour la constitution d’équipes de projet où une mixité de profils est parfois nécessaire.

Je recommande donc, au lieu d’un assessment center, d’impliquer le management dans ces discussions sur l’avenir du collaborateur et d’alimenter la discussion avec toutes ces données. L’entreprise en sortira gagnante, car elle pourra compter sur des équipes équilibrées et performantes. En parallèle, ces outils permettront d’accompagner un processus de changement et d’adapter les équipes aux futurs défis.

Contre : Lisa Di Secli

Au moment de nommer un nouveau manager, la satisfaction de son équipe sera un indicateur important. Car les erreurs de casting coûtent cher. Le départ des collaborateurs durant les mois/années suivant la nomination du nouveau manager, représente une perte importante en termes de savoir-faire et de frais de recrutement. Dans ce contexte, les assesments sont un outil précieux et garantissent de manière très objective la réussite du nouveau manager. Ainsi, lors d’un assessment, plusieurs évaluateurs sont impliqués dans le processus. Ce qui permet de réduire les biais cognitifs et la subjectivité. De plus, le processus permettra de tester une série de compétences lors de mises en situation, ce qui renforcera la pertinence du résultat final. Et le but n’est pas uniquement de tester les compétences de candidats éventuels pour un poste, il s’agit aussi d’évaluer leur potentiel de développement. Notamment auprès de jeunes diplômés des hautes écoles qui disposent encore de peu d’expérience du terrain.

Admettons qu’une grande entreprise souhaite recruter des jeunes diplômés, l’assessment sera un bon outil. Car le fait de disposer d’un Master et d’un Bachelor n’est pas un indicateur de la bonne intégration du jeune diplômé dans la culture d’entreprise. En général, l’entreprise invitera les candidats qui ont les meilleures notes à se présenter. Mais comment s’assurer de manière objective quels seront les profils les plus adaptés au segment d’activité et quels seront les profils qui intégreront le mieux l’équipe déjà en place?

Lors d’un entretien d’embauche classique, le recruteur ou le RH tentera d’évaluer ces deux éléments clés en discutant avec le candidat. Mais ce sera très difficile de vérifier les informations avancées lors de cet échange. De plus, cette interprétation sera influencée par les affinités personnelles du recruteur. C’est là qu’un assessment prend tout son sens. Il permet de vérifier une série de critères lors de situations concrètes afin d’évaluer si le candidat est en mesure de mettre en pratique ce qu’il ou elle a appris sur les bancs de l’université. De plus, l’entreprise peut très bien adapter ces mises en situation au profil des candidats, afin de cerner avec précision quelles sont ses forces.

Les assessments sont coûteux, j’en suis bien consciente. Mais cet investissement en vaut la peine. Surtout lorsque l’entreprise cherche à recruter des cadres pour des postes stratégiques. Car cela permettra d’évaluer avec justesse les différents profils et ainsi de nommer une personne qui va non seulement réussir, mais qui va rester dans l’entreprise longtemps. Car comme dit plus haut, une erreur de casting coûtera beaucoup plus cher à l’entreprise que le prix d’un assessment.

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Ruth Blunier a étudié la psychologie à la FHNW (Fachhoch­ schule Nordwest­ schweiz) à Olten. Elle a fondé la société de conseils apropos büro Sàrl. Elle est spécialisée dans l’ac­compagnement des cadres, les espaces
de travail et les trans­ missions d’entreprise.

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Lisa Di Secli est assis­ tante de direction chez Clickjob Meyer SA. Cette société est spécialisée dans le re­crutement de cadres et de profils d’expert, dans les domaines de la médecine et des soins.

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