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La technologie est en train de guérir la réunionnite aiguë des RH

De nouveaux outils digitaux promettent de résoudre le problème des réunions interminables et improductives. Explications.

Entre trois et six semaines par année: c’est le temps que chaque salarié passe en moyenne en réunion, selon une enquête publiée en 2017 par l’Institut Opinionway pour le cabinet de conseil d’entreprise Empreinte humaine. Or, selon ce sondage effectué sur un millier de collaborateurs d’entreprises de différentes tailles et de divers secteurs économiques, près d’une séance sur deux serait jugée improductive. Plus de 25% des participants estimeraient d’ailleurs que leur présence n’est pas vraiment nécessaire. Malgré cela, le temps passé en séance de travail aurait augmenté par rapport à 2016. Résultat: 44% des sondés avouent utiliser discrètement leur smartphone pour passer le temps. D’autres demandent de revenir à la diapositive précédente pour faire semblant de suivre. Ceux qui participent n’écoutent pas vraiment et interrompent fréquemment la personne qui parle. Ce fléau porte un nom: la réunionnite. Ces symptômes sont, selon Paul Devaux, CEO du cabinet de coaching www.orygin.fr, au nombre de plusieurs: les réunions commencent et finissent en retard; on ne les prépare pas suffisamment, la participation est faible et ce sont toujours les mêmes qui prennent la parole; on dévie régulièrement du sujet et on manque toujours de temps pour traiter les points importants; on a du mal à se mettre d’accord, on ne tient pas compte des décisions qui ont été prises et/ou on ne les met pas en œuvre... mais personne ne s’en soucie, puisqu’il n’y a pas de suivi! Seuls 17% des managers trouveraient les séances de travail utiles.

Croyances erronées

Pour Paul Devaux, il s’agirait de commencer par s’interroger sur la finalité des réunions: passer un moment ensemble, débattre sérieusement pour prendre des décisions concertées, se challenger les uns les autres pour pousser plus loin la réflexion? Selon lui, le problème vient du fait que l’on croit à l’idée selon laquelle «les réunions sont faites pour créer de la cohésion humaine et technique en s’informant mutuellement». Or, explique Paul Devaux, organiser des réunions pour s’informer mutuellement «est une démarche très coûteuse et très peu efficace». Les réunions dites en étoile sont peu stimulantes, car «on assiste à un interminable tour de table au cours duquel chacun justifie en public son activité personnelle». Il arrive fréquemment que la rencontre soit animée par une seule personne qui dirige tout de bout en bout, tandis que les participants se rencognent dans une attitude de passivité.

Le cabinet d’experts RH makemerh.com, regroupant des spécialistes RH issus du monde de l’entreprise et du conseil, propose trois idées clés pour redonner du sens aux réunions de travail. Tout d’abord, identifier l’objet de la rencontre et inviter les bons interlocuteurs. Les questions suivantes peuvent aider: Qui est concerné par la réunion? Qui est responsable de l’objet de la réunion? Qui est intéressé par la réunion, mais pas indispensable? Ensuite, il est important de respecter certaines règles de comportements. Demander aux participants d’arriver à l’heure, commencer et terminer selon ce qui avait été prévu. Enfin, mesurer l’engagement des collaborateurs pendant la réunion. Il existe pour cela des outils comme roti.express, un logiciel qui permet de recueillir le feedback des participants via un questionnaire en ligne. Le traitement des réponses sert à dégager les points forts et les points faibles de la réunion, en prévision de la suivante.

Nouveaux outils digitaux

Depuis quelques années, il existe aussi des logiciels de gestion de réunions développés par des start-ups comme Wisembly et Sherpany en France et WeDo en Suisse romande. Ils proposent un espace de travail commun virtuel, auquel les participants ont accès via ordinateur ou smartphone et où l’on peut noter des idées, inscrire des points à l’ordre du jour, etc. Ces nouveaux produits digitaux se vendent en principe par pack ou par tranche de 5, 10 ou 15 utilisateurs. L’abonnement couvre les mises à jour et un certain nombre d’autres prestations (hébergement, stockage des données...).

Les ingénieurs fribourgeois Antoine Sudan et David Dutch ont subi les affres de la réunionnite pendant des années avant de mettre au point le logiciel WeDo. C’était en 2014. Aujourd’hui, trente mises à jour plus tard, cette application web est utilisée par plus d’une centaine d’organisations, de communes et d’entreprises en Suisse romande, dont le Groupe Mutuel, le Groupe E Connect, la HES-SO Fribourg et la Banque Cantonale de Fribourg. «Les réunions ne sont pas inutiles en soi», tiennent-ils à préciser. «Le problème, c’est qu’elles sont mal préparées, que l’ordre du jour n’est pas respecté et que l’on en ressort beaucoup trop souvent sans être sûr de savoir ce qui a été décidé.»

Ni blockchain, ni Dropbox, ni intranet, WeDo est une plateforme collaborative dont la mise en page s’adapte automatiquement à la taille de l’écran que vous utilisez (iPhone, PC...). Il s’agit, en fait, d’une interface avec un espace commun et participatif. Elle a été développée pour répondre directement et de manière pragmatique à certains problèmes récurrents. Un exemple: l’ordre du jour est toujours un peu flou? WeDo propose une fonctionnalité qui permet d’enregistrer et d’ordonnancer les points à discuter. En ouvrant l’application, il ne vous reste plus qu’à suivre le fil des questions. Plus moyen de digresser, en somme. Le procès-verbal est un pensum? WeDo permet de le rédiger en direct. «Vous avez un ordre du jour, avec une suite de points à discuter, et vous pouvez ajouter sous chaque point des blocs d’informations, que ce soient des notes, des décisions ou des tâches à effectuer», explique Antoine Sudan. Les décisions arrêtées et les tâches attribuées en cours de réunion peuvent ainsi être consignées sur le moment par le rédacteur du procès-verbal. Comme ces informations sont visualisées en un endroit précis dans le module et que tous les participants disposent d’un compte d’accès personnel, il est très facile d’aller ensuite les rechercher. Au sortir de la séance, chacun sait donc où trouver la réponse à la question «qui fait quoi».

Constantes mises à jour

Le logiciel WeDo englobe un module de gestion et planification des tâches qui interagissent. «Ainsi, vous pouvez à tout moment prendre connaissance de ce qui a été fait entre deux séances et de ce qu’il reste à faire. Plus besoin d’attendre pour obtenir ou transmettre une information, plus besoin non plus d’envoyer plusieurs e-mails de confirmation ou d’appeler trois fois pour connaître le montant d’un devis», se réjouit David Dutch. Et chaque utilisateur peut activer la synchronisation avec son agenda électronique (Outlook, Google Calendar...).

Il est également possible de créer des espaces spécifiques pour certains projets, départements ou équipes de travail, afin de pouvoir se répartir les tâches en un clic. Dès qu’un travail est indiqué comme terminé, les participants concernés reçoivent immédiatement et automatiquement un feedback. Tous ces procédés «accélèrent grandement le traitement des décisions et raccourcissent la durée des séances d’un tiers en moyenne».

Pour perfectionner leur application, Antoine Sudan et David Dutch sondent régulièrement leurs clients. «Par exemple, certains d’entre eux nous ont récemment fait remarquer qu’ils auraient apprécié de pouvoir définir des critères d’accès précis, pour éviter que certains participants ne viennent truffer l’ordre de jour de questions hors sujet. Si un secrétaire général doit assurément pouvoir le modifier, tel n’est pas forcément le cas de n’importe quel participant. Donc, dans notre dernière version, nous avons introduit un nouvel instrument pour paramétrer très finement les droits d’accès.»

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Typographe de premier métier, Francesca Sacco a publié son premier article à l’âge de 16 ans pour consacrer toute sa vie au journalisme. Elle obtient son titre professionnel en 1992, après une formation à l’Agence télégraphique suisse, à Berne. Depuis, elle travaille en indépendante pour une dizaine de journaux en Suisse, en France et en Belgique, avec une prédilection pour l’enquête.

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