Conseils pratiques

Bonnes pratiques pour l'intégration du personnel étranger en Suisse

Selon une étude de l'Université de Fribourg, les professionnels RH romands recommandent avant tout la formation sur les biais et stéréotypes, le soutien administratif et les programmes de mentorat et parrainage.

L’intégration de personnel étranger constitue un enjeu majeur pour les entreprises suisses, confrontées à des défis d’adaptation culturelle, administrative et professionnelle. Cet article présente la synthèse d’une étude réalisée pour le 11ᵉ Congrès HR des Sections Romandes, avec une partie qualitative et quantitative (voir l’encadré méthodologie). 

Les responsables RH interrogés dans le cadre de l’étude nous ont permis d’identifier un certain nombre de problèmes et de défis récurrents (voir l’encadré sur les défis) ainsi qu’un certain nombre de bonnes pratiques et recommandations présentées ci-dessous par ordre d’importance avec une échelle allant de « pas du tout d’accord » (1) à « tout à fait d’accord » (4) :

Formation sur les biais et stéréotypes (Score moyen : 3.53/4)

Le personnel RH est de plus en plus souvent formé aux biais culturels et aux préjugés dans le recrutement. Les managers et l’ensemble des équipes devraient aussi être sensibilisés à la diversité afin de créer un environnement inclusif.

Conseils sur l’environnement administratif (3.29/4)

Les travailleurs étrangers ont souvent besoin d’aide pour naviguer dans un environnement administratif nouveau. Des séances d’information peuvent être organisées par les entreprises ou des brochures d’information peuvent être mises à disposition des nouveaux arrivants et de leur famille pour faciliter leur intégration hors travail.

Mentorat et parrainage (3.24/4)

Un programme de mentorat (buddies, parrains, interlocuteurs privilégiés…) est souvent mis en place pour aider les nouveaux employés à s’adapter à la culture d’entreprise et à l’environnement suisse. Ces mentors jouent un rôle clé dans l’acclimatation culturelle et professionnelle des travailleurs étrangers. Il est préférable que ceux-ci ne soient pas des membres du service RH, de l’encadrement hiérarchique direct, ni de la même communauté nationale.

Organiser des rencontres entre collègues pour contrôler les processus informels d’intégration (3.20/4)

Favoriser les rencontres entre collègues permet au nouvel arrivant d’être bien accueilli et d’échanger avec les autres facilement. En mettant en place cette pratique de manière structurée, l’entreprise garde le contrôle sur les processus informels d’intégration et évite de renforcer des possibles coalitions de communautés nationales.

Cours de langue (3.10/4)

L’apprentissage du français est une condition importante pour l’intégration, notamment dans les secteurs où la communication est essentielle (santé, services publics). Il l’est moins dans les multinationales. De nombreuses entreprises proposent des cours de langue pour faciliter l’adaptation des employés et ce à tous les niveaux hiérarchiques.

Former les superviseurs·euses et les collègues à l’accueil et l’intégration (3.03/4 ; 2.88/4)

Former les superviseurs·euses et les collègues aux difficultés du personnel étranger permet de développer une culture inclusive. En les sensibilisant – y compris de manière informelle – aux défis qu’ils peuvent rencontrer avec les nouveaux arrivants, le développement de compétences interculturelles et l’intégration sont facilités.

Former le personnel RH à l’évaluation des profils de qualification du personnel étranger (2.96/4)

Le personnel RH doit prendre le temps, au-delà des titres et des durées de formation, d’étudier plus précisément les compétences développées dans les parcours de qualification du personnel étranger. Cela permet d’identifier en amont les lacunes éventuelles et parfois les points forts de certaines formations. Certaines entreprises font appel systématiquement à des tests pratiques ou des périodes de stage pour tester les compétences en situation de travail.

Renforcement du processus d’accueil et donner un feedback plus explicite durant la phase d’intégration (2.84/4 ; 2.81/4)

Mieux structurer l’accueil implique par exemple d’inclure des informations claires sur les attentes du poste et la culture d’entreprise. Ces mesures peuvent également comprendre des feedbacks plus réguliers et une aide en lien avec les premières démarches administratives. Expliciter les attentes en termes de performance et de rendement au travail et donner plus de feedback au personnel étranger durant la phase d’intégration permet de mieux comprendre les attentes implicites de l’organisation et de clarifier les malentendus potentiels (culturels, professionnels, etc.).

Mise en place d’un comité/commission « Diversité » (2.66/4)

Dispositif très prisé dans certaines organisations, la mise en place d’un comité ou d’une commission « Diversité » peut permettre la prise en compte des besoins et des défis spécifiques du personnel étranger. Une commission diversité peut par exemple élaborer des stratégies ciblées pour promouvoir l’égalité des chances et améliorer la cohésion entre les employés d’horizons divers, mais aussi traiter des cas de litige pour proposer des solutions mieux adaptées au contexte. Le choix des membres de la commission est un enjeu crucial.

Élaborer un instrument d’évaluation des compétences adapté pour évaluer des candidats étrangers venant de différents horizons (2.51/4)

Élaborer un profil de compétences et des tests pratiques permet d’évaluer les compétences en situation. Dans certaines situations spécifiques, telles que le recrutement de réfugiés, de nombreuses entreprises proposent des périodes d’essai préalables ou tout simplement des stages pour tester les compétences en situation de travail.

Conclusion

Pour les organisations suisses romandes, la gestion de la diversité culturelle et l’intégration de travailleurs étrangers ne sont pas des thématiques nouvelles. Qu’il s’agisse de l’intégration de Suisses alémaniques, d’expatriés de grandes multinationales ou de travailleurs frontaliers, la thématique est déjà bien connue. L’augmentation du phénomène migratoire amène de nouveaux enjeux qu’il est crucial de ne pas nier ou sous-estimer. Les défis et difficultés de l’intégration ne sont pas seulement des défis de culture nationale mais aussi des défis de culture organisationnelle et professionnelle. En adoptant différentes bonnes pratiques clairement identifiées, les organisations peuvent transformer les défis de l’intégration en atouts.


Méthodologie

Cette étude a été menée pour le Congrès HR Romand 2024 avec le soutien de DiMarino Consulting. La première phase comprenait deux séances de focus groups réalisées en juin 2024 avec douze responsables RH sur les principaux défis et bonnes pratiques de l’intégration du personnel étranger. Cette phase a été suivie d’une enquête par questionnaire menée durant l’été 2024 auprès d’une population de responsables RH de Suisse romande. Au total, 121 questionnaires ont été collectés. Sur une base de données qualitatives et quantitatives, l’étude permet d’identifier et de hiérarchiser les défis rencontrés et les bonnes pratiques de l’intégration du personnel étranger en Suisse romande. 


Défis rencontrés par les entreprises romandes face à l'intégration de travailleurs étrangers

Les défis identifiés sont rencontrés de manière variable par les entreprises de l’enquête. Ils dépendent de différents facteurs tels que le secteur, la taille, la culture d’entreprise, mais aussi des besoins en qualification et des caractéristiques personnelles des employés étrangers à intégrer. Les répondants sont presque unanimes sur le premier défi, celui des difficultés administratives et du fort besoin en conseils et en accompagnement.

  • Démarches administratives: outre la problématique du permis de travail pour les employés étrangers hors UE, les employés étrangers nécessitent un accompagnement spécifique pour comprendre les démarches administratives suisses (assurances, fiscalité, logement…).
  • Qualification et reconnaissance des diplômes: les qualifications étrangères sont parfois difficiles à évaluer, entraînant des adaptations quant aux attentes de compétences professionnelles.
  • Normes de comportement au travail: les représentations de ce qu’est un bon comportement au travail dépendent de la socialisation professionnelle. Ceci peut entraîner certains défis, par exemple dans les interactions hiérarchiques.
  • Styles de communication: au-delà des compétences linguistiques, les styles de communication, y compris la communication non verbale, peuvent être source de malentendus dans les interactions au travail.
  • Regroupements communautaires: l’intégration prise en charge par des collègues de même nationalité, solution facile et parfois favorisée par les services RH, peut créer des coalitions au sein de l’organisation, renforçant l’identification des nouveaux arrivants à une communauté plutôt qu’à l’organisation.
  • Stéréotypes et préjugés: la question des préjugés n’est pas seulement un problème au moment du recrutement, mais concerne l’ensemble du processus d’intégration et des interactions professionnelles avec différentes catégories d’employés et de parties prenantes.
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Professeur à l'université de Fribourg, Chaire RHO

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Christelle Zagato est assistante diplômée à la chaire RHO de l'université de Fribourg.

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