«Ce dialogue avec les Indiens Kogis est très nourrissant»
Interview croisée entre l’étudiante (Evlina Krasniçi) et son enseignante (Geneviève Morand) sur les lois du vivant dans le management.
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Après avoir entendu parler du projet «S’inspirer du vivant pour mieux manager», Evlina Krasniçi a souhaité y consacrer son travail de bachelor. Elle a ainsi eu l’opportunité de suivre, comme les 50 autres membres des Cercles Rezonance, un programme spécial développé en pleine pandémie pour répondre aux besoins des membres de plus de durabilité dans leur management.
Pendant 20 ans, Rezonance était connu pour ses conférences pionnières sur la révolution numérique. Aujourd’hui, avec cette initiative romande d’excellence managériale des Cercles Rezonance, elle s’adresse plus spécifiquement aux managers, entrepreneurs et chefs d’équipe désireux de progresser.
Ceux-ci se rencontrent dans les Cercles Rezonance dont les membres s’engagent à participer à 8 rencontres annuelles intenses, fondées sur l’intelligence collective entre pairs (www.cerclesrezonance.ch). Voici une interview croisée entre l’étudiante et son enseignante.
Evlina Krasniçi interroge Geneviève Morand: Comment avez-vous rencontré les auteurs du livre «Le Choix du vivant, 9 principes pour manager et vivre en harmonie»?
Geneviève Morand: C’est une longue histoire qui me relie à Eric Julien. Il y a 20 ans, j’ai eu la chance et l’opportunité, avec l’acteur français Pierre Richard, de co-produire «Le chemin des 9 mondes», son premier film sur les Indiens Kogis de Colombie. À l’époque, aucune chaîne de télévision ne voulait s’engager sur un tel projet. Et puis j’ai aussi mis en lien Eric avec Patrice van Ersel aux éditions Albin Michel qui a été l’éditeur de plusieurs de ses livres consacrés à ce peuple premier tout à fait étonnant. Les Kogis s’appuient sur une tradition de 4000 ans et ont encore un système d’éducation qui leur est propre. Leurs études supérieures de savant/chamane consistent à passer 19 ans dans le noir, le but étant d’étudier les liens qui relient toute chose. Ce dialogue avec les Indiens Kogis est très nourrissant. Il m’a permis de m’ouvrir aux subtilités du langage systémique de l’écologie profonde, des symboles et de la transformation intérieure. Ces trois voies de la connaissance complètent parfaitement notre approche occidentale et rationnelle centrée principalement sur l’objet, étudié via le prisme de la méthode scientifique. Et puis, grâce à un nouveau projet de diagnostic de santé territoriale – l’idée est d’inviter à Genève en 2021 scientifiques et chamanes à nouer un dialogue fécond en partant de l’observation d’un territoire, en l’occurrence le bassin lémanique –, j’ai fait la connaissance de Marie-Hélène Straus, manager internationale au long cours qui a co-écrit ce livre avec Eric pendant six ans. Une rencontre tout aussi significative pour moi.
Quel dispositif avez-vous imaginé pour permettre l’expérimentation de ces 9 principes du vivant?
GM: C’est un dispositif dont le but est l’appropriation de bonnes pratiques par les membres des Cercles rezonance, soit une cinquantaine de managers romands désireux de progresser en excellence managériale. Nous l’avons «designé» sur le temps long avec bien sûr la lecture du livre, puis 4 ateliers zoom au printemps, un par mois d’avril à juillet, et enfin une journée entière en présentiel en août. Eric et Marie-Hélène ont eu la gentillesse de partager en exclusivité leurs outils, et cette ressource est précieuse pour les managers qui souhaitent approfondir et mettre en pratique.
Quel est le rapport entre le service à vos membres et la recherche?
GM: Elle fait partie de notre ADN. La fondation reconnue d’utilité publique qui pilote l’initiative des Cercles de Rezonance repose sur 3 piliers. Bien sûr en 1 – le service aux membres – avec aussi des voyages apprenants en Finlande, Espagne et bientôt en France, en 2 – de la recherche appliquée et en 3 – un Innovation Lab en management. Grâce à son travail de Bachelor, ce thème «S’inspirer du vivant pour mieux manager» a été retenu par la Revue Economique et Sociale et un dossier de 48 pages (1) vient d’y être publié en décembre dernier. Je tiens à en remercier le rédacteur, Alain-Max Guénette qui, grâce à cette publication, met en lumière et en valeur la recherche et l’excellence managériale de notre pays. À souligner qu’il donne la parole aussi bien à des chercheurs universitaires qu’à des entrepreneurs réflexifs, comme nous.
En quoi cette démarche vous a-t-elle enrichie et transformée?
GM: En tant qu’organisatrice, j’ai aussi participé. Et rien ne remplace l’expérimentation collective. Lire seul un livre, c’est bien. Expérimenter collectivement ce qui y est présenté est une source intarissable d’excellence. Le fait d’inscrire la démarche sur 6 mois et de verbaliser est crucial dans une époque où tout le monde court après le temps. À l’heure des robots, le mot «Vivant» s’est encore enrichi. Il s’agit probablement du défi qui nous attend toutes et tous pour ces prochaines années: laisser surgir le vivant en chacun de nous, et collectivement. L’impact dans ma façon d’enseigner par exemple est immense. L’enjeu est de pouvoir s’accomplir en tant qu’être humain qui reconnaît la puissance des lois de la nature versus celle des lois édictées par des hommes et pour des hommes. Ce qui caractérise la vie, c’est le mouvement. Sur ce chemin, il est possible de devenir le héros de notre vie. Nous préparons maintenant le nouveau thème annuel de 2021, toujours pour répondre aux demandes des membres. Et ce thème est tout aussi innovant et riche de belles découvertes pour cette nouvelle année pleine de défis.
(1) Revue Economique et Sociale, Vol 78, n°2, décembre 2020. Du vide au trop-plein. La société débordée. S’inspirer du vivant pour mieux manager. À commander sur www.revue-res.ch