Collaborateurs touchés par le cancer: quel rôle pour les RH?
Ces cinq dernières années, plus de 64 000 personnes de 20 à 69 ans se sont vues diagnostiquer un cancer. Environ 60% de ces personnes reprennent le travail après leur traitement.
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Valérie Jaccard (pseudonyme) avait confiance. Après son traitement contre un cancer du sein, la jeune femme de 34 ans se réjouissait de retrouver son emploi de contrôleuse qualité dans l’industrie alimentaire. Son employeur lui avait bien assuré son soutien pendant son absence. Il était ainsi prévu qu’elle recommence tout d’abord à temps partiel, puis augmente peu à peu son taux de travail.
Or, à peine de retour au travail, elle est confrontée aux effets secondaires de sa thérapie et doit lutter contre l’épuisement. Malheureusement, sa supérieure ne fait preuve d’aucune compréhension et lui reproche de ne pas satisfaire aux exigences. Le mobbing persiste. «Ma performance n’était jamais considérée comme suffisante», explique Valérie Jaccard. La situation empire lorsqu’elle se plaint de ne pas avoir été prise en compte pour une promotion. Elle est alors libérée de ses obligations avec effet immédiat.
Valérie Jaccard est malheureusement loin d’être un cas isolé. En Suisse, le cancer est la troisième cause d’absences prolongées au travail. Ces cinq dernières années, plus de 64000 personnes entre 20 et 69 ans se sont vues diagnostiquer un cancer. La bonne nouvelle: le taux de mortalité baisse pour la plupart des cancers. Environ 60% des personnes concernées reprennent le travail après leur thérapie. Or, certaines d’entre elles souffrent encore d’effets secondaires et de séquelles à plus ou moins long terme après la fin de leur traitement.
Onde de choc
Un diagnostic de cancer ne représente pas un choc uniquement pour la personne touchée et son entourage; ses collègues et supérieurs sont eux aussi confrontés à de nombreux doutes et questions. Quand notre collègue en arrêt maladie va-t-elle revenir? Puis-je déjà lui redemander comment elle se sent? Dans quelle mesure sa charge de travail est-elle trop importante ou insuffisante? Comment me comporter pendant les pauses en commun? Mon collègue veut-il encore parler de cinéma ou de vacances?
Dans de telles situations, les spécialistes RH jouent un rôle prépondérant. «Dans les moments de doute, il faut savoir faire preuve d’une grande empathie», explique Martin Tschopp, responsable Développement du personnel, de l’organisation et de la culture d’entreprise au Département fédéral de l’intérieur. Cela vaut aussi bien envers la personne touchée par le cancer qu’avec le reste de l’équipe. Les collaborateurs doivent savoir qu’ils ont le droit de ressentir de la peur et des émotions lors d’un cancer. «En tant que spécialistes RH, nous nous devons d’être prêts à ce que l’un de nos collaborateurs soit touché», déclare Marilyne Reuille, responsable des ressources humaines chez MeteoSwiss.
Dans ce contexte, les spécialistes RH et les cadres dirigeants doivent trouver le juste équilibre entre empathie et responsabilité envers les collaborateurs et l’entreprise. La Ligue contre le cancer propose des conférences spécialisées et des ateliers destinés aux employeurs. Le but est d’apprendre comment accompagner les personnes touchées par un cancer et comment les réintégrer au travail après la fin de leur traitement.
Former les managers et les RH
Ces ateliers sont destinés aux responsables RH et aux cadres dirigeants. «J’ai spécialement noté l’importance de porter attention aux besoins de la personne concernée et de développer une stratégie individuelle», témoigne ainsi Martin Tschopp. En plus de conseils sur l’accompagnement des personnes concernées, ces ateliers donnent des informations sur la prévention, le dépistage et les répercussions du cancer. Qu’en ont retenu les participants? «Je pense que beaucoup d’entre nous avons pris conscience de l’importance d’effectuer des contrôles réguliers chez le médecin et que si le cancer est pris à temps, il a de grandes chances d’être guéri. Il est important d’être à l’écoute de son corps et de prendre au sérieux ses souffrances», explique Marilyne Reuille.
«J’ai vu combien de temps peut prendre la réintégration professionnelle après un cancer», déclare pour sa part Daniel Raboud, responsable Ressources humaines aux Services du Parlement à Berne. Pour lui, les ateliers de la Ligue contre le cancer donnent une image réaliste de la réintégration, des conséquences pour les personnes concernées et des répercussions sur le lieu de travail. Ainsi, les conditions pour un retour réussi au travail sont réunies; les spécialistes RH et les supérieurs bénéficient d’un soutien pour mieux comprendre les difficultés que vivent les personnes touchées par le cancer.
De plus, ces ateliers comprennent des conseils sur la gestion de la santé en entreprise. Les participants ont-ils déjà eu l’occasion d’appliquer les connaissances acquises? «Uniquement de manière indirecte. Les intervenants conseillent un checkup annuel aux personnes de plus de 50 ans; j’ai donc pris rendez-vous le jour même chez mon médecin», explique pour sa part Martin Tschopp.