Comment monter en puissance la fonction RH et ses équipes
La posture du partenariat stratégique, qui a nourri les espoirs d’un repositionnement de la fonction RH durant la dernière décennie, reste un défi difficile à relever. Analyse.
Photo: 123RF
Depuis les publications de David Ulrich au début des années 90 sur la création de valeur RH et le partenariat stratégique, bien des évolutions ont marqué la fonction RH. Bien des modes aussi. Le défi de la création de valeur et du partenariat stratégique a-t-il été gagné? Rien n’est moins sûr, tant les efforts ont été mis et le sont encore sur le management de ressources et les processus opérationnels et administratifs associés, et tant l’évolution au niveau du développement du capital humain, du leadership RH en matière de transformations organisationnelles et du partenariat stratégique semblent décevantes.
Valorisation du capital humain
Le management des ressources humaines s’est clairement professionnalisé: l’expertise dans les questions juridiques, administratives et opérationnelles fait l’objet de formations nombreuses et d’une attention croissante. Ces activités sont de mieux en mieux soutenues par des SIRH performants, qui permettent d’améliorer la gestion de l’information, des opérations et des processus et de responsabiliser les managers et les collaborateurs pour les activités qui les concernent. Le management des ressources humaines relève précisément du management, donc d’une capacité à optimiser les ressources en lien avec les objectifs opérationnels et stratégiques. Les progrès à ce niveau, comme dans la capacité à manager les ressources, les organisations, les projets, sont sensibles – même si beaucoup reste à faire.
Les défis que le partenariat stratégique lancé par Ulrich (1996, 2005) et revisité par le soussigné, qui a mis pleinement l’accent sur l’importance décisive et souvent négligée de la posture (Held, 2013), vont cependant bien au-delà. Il s’agit non pas de gérer les ressources, mais de donner pleinement son sens à la notion de capital (ou de potentiel) humain. Ceci signifie que le terrain de jeu du partenariat stratégique à ce niveau n’est pas défini par les processus RH, mais par la capacité à créer de la valeur, de la croissance, de l’innovation et à évoluer au travers de la dynamisation du capital humain. Ce terrain de jeu signifie une capacité à être crédible et un partenaire incontournable pour toutes les questions où il s’agit de mettre les individus et les organisations en puissance: innovation; évolutions culturelles et organisationnelles; transformation digitale et développement durable. Sur ce plan-là, des progrès ont été réalisés, mais le plus souvent hors du périmètre de la fonction RH. Faut-il en prendre acte?
Les enjeux du leadership RH
Ce n’est clairement pas notre avis ni notre combat. Nous estimons indispensable que les leaders RH soient présents dans ces discussions comme partenaire stratégique, capable d’intégrer les réflexions business et les enjeux humains plutôt que de les opposer. Or, combien de manuels et d’ouvrages RH abordent ces sujets? Combien de formations RH se focalisent vraiment sur la création de valeur, le leadership RH en matière d’organisation et de transformation, culturelle et digitale, le partenariat? Et quels efforts sont mis pour travailler sur la posture et les compétences des équipes RH sur les sujets clés?
Quelques exemples:
- En matière de gestion de la performance et de la reconnaissance – pilier central de la GRH: apporter une compréhension (et des propositions) sur les véritables facteurs de motivation, les facteurs bloquants, les effets durables et les effets pervers associés aux pratiques actuelles (ex. individualisme; burnout; impact écologique; importance excessive de l’argent; ...).
- Dans l’évaluation et le développement des talents et du leadership – autre pilier central: apporter une compréhension et une expertise avancée, notamment au niveau des facteurs psychologiques subtils et d’outils d’évaluation performants – bien au-delà des outils marketing «fast-food» qui inondent le marché – permettant de les appréhender, et dans des solutions de développement expérientielles innovantes pour les développer.
- En matière de développement organisationnel, dans une approche puissante des opportunités en matière de responsabilisation, de collaboration transversale, d’organisations en réseau, de co-construction pour ne citer que quelques exemples pour aller plus loin que la seule gestion du changement.
- Dans l’intégration des principes fondamentaux de la posture de partenaire et du leadership associé, qui est certainement la posture la plus importante pour l’avenir mais aussi la plus difficile, la moins palpable et la moins concrète, mais qui est si importante pour dépasser le jeu croisé du pouvoir et des passages obligés.
L’urgence d’agir
Le passage du management RH à la dynamisation du capital humain ne se fera pas tout seul. Pour nous, le défi mérite d’être relevé autant par les institutions de formations, les cabinets de conseil que par les directions RH elles-mêmes. Il nous semble décisif pour l’avenir de la fonction, voire crucial vu ce qui nous attend ces prochaines années. Mais il n’est pas simple, et cela explique probablement pourquoi si peu d’acteurs s’y intéressent. Face à ce réel danger pour la fonction RH, réussirons-nous à unir nos efforts et à nous mettre réellement en mouvement?