Conseils pratiques

Comment parler du tabac en entreprise

Depuis mai 2010, la loi fédérale sur la protection contre le tabagisme passif a rendu les locaux des entreprises sans fumée, mais pas sans fumeurs! La question du tabagisme des collaborateurs est délicate à aborder. Fumer relève de la sphère privée, cependant cette liberté a un impact certain sur les coûts de l’entreprise. Pas question de pointer les fumeurs du doigt. Pourtant, même un DRH bien intentionné peut créer de la résistance en abordant le sujet. Quelques pistes pour créer un dialogue constructif et aller plus loin.

La réglementation fédérale sur le tabagisme passif a demandé aux entreprises de se pencher sur la question du tabac et de répondre à de multiples questions. Faut-il un fumoir? Faut-il faire timbrer les pauses cigarettes en dehors des pauses quotidiennes accordées? Faut-il jouer la confiance et laisser les collaborateurs gérer leur temps? Combien de temps perd-on lors des pauses «clopes»? Une personne seule dans son bureau peut-elle continuer de fumer? Trois ans et une initiative plus tard, la très grande majorité des entreprises sont en conformité avec la loi fédérale. Il n’en reste pas moins que parler tabac demeure une opération délicate.

Le coût du tabac

Une récente étude américaine publiée par la revue Tobacco Control affirme qu’un employé fumeur coûte CHF 5700.– de plus par an à son entreprise. Cité par Le Matin du 5 juin 2013, le Dr Jean-Paul Humair, directeur du Cipret Genève, précise que «les fumeurs sont plus souvent malades que les autres, cela a déjà été démontré.» De quoi susciter un questionnement au sein des entreprises qui sont confrontées aux pauses plus fréquentes, à l’absentéisme et au présentéisme. Ce genre d’étude pourrait vite stigmatiser les fumeurs et ce n’est pas, loin s’en faut, l’objectif d’un responsable RH. La santé des collaborateurs est un enjeu désormais intégré dans la plupart des stratégies de management RH au sein desquelles le tabac a toute sa place. Des professionnels de la question peuvent en cela être utiles.

Mieux comprendre la dépendance

La dépendance au tabac recèle 3 dimensions:

• la dimension physiologique, due à l’action de la nicotine sur les neurotransmetteurs;
• la dimension psychologique, liée au double effet de la nicotine, à la fois stimulant et relaxant;
• la dépendance comportementale, qui inclut la sociabilité, les gestes et rituels accompagnant la cigarette.

Le niveau de chacune de ces dimensions varie d’une personne à l’autre. C’est ce qui explique que chaque fumeur réagira différemment lors d’un arrêt et affrontera diverses difficultés. Comprendre la complexité du mécanisme de la dépendance permet aussi de comprendre qu’un fumeur traverse diverses phases avant d’envisager, puis de réussir un arrêt. C’est ce que décrit le modèle transthéorique introduit par les psychologues Prochaska et Di Clemente à la fin des années 70. Les meilleures méthodes pour arrêter de fumer durablement prennent en compte ce triple aspect de la dépendance.

Arrêter de fumer... au boulot?

La Suisse compte 24,8 pour cent de fumeurs, dont la moitié souhaite arrêter de fumer. Parmi ces candidats à l’arrêt, la moitié envisage un arrêt dans les 6 mois à venir1. Proposer de la désaccoutumance au tabac en entreprise a donc du sens à la lumière de ces chiffres. L’entreprise marque ainsi son intérêt pour la santé du collaborateur et pas seulement sa productivité. Le collaborateur peut accéder facilement à une offre d’arrêt et bénéficier d’un soutien professionnel. Franco Prisco, Directeur adjoint et responsable du service de gestion du personnel du Groupement Hospitalier de l’Ouest Lémanique (GHOL) a mis en place le cours stop-tabac de la Ligue pulmonaire pour la première fois en 2011. «Fumer est une responsabilité individuelle du collaborateur, mais l’entreprise ne peut subir toutes les conséquences de son tabagisme. Elle peut faciliter les choses pour l’arrêt du tabac; surtout dans un hôpital, dont la mission n’est pas uniquement de soigner, mais aussi la prévention. La mission de promotion de la santé que le GHOL s’est assignée se traduit par une politique fondée sur le renfort des compétences de ses collaborateur(trice)s quant à leur santé, par l’information et la formation.»

La méthode s’articule en deux temps. Une séance d’information sur le tabac ouverte à tous répond à la curiosité des fumeurs, puis le cours en petit groupe de 6 à 12 personnes est mené par un coach certifié sur 4 à 6 semaines. Cette approche cognitivo-comportementale combinée aux substituts nicotiniques multiplie par 6 les chances de succès durable: 33 pour cent des participants demeurent non-fumeurs 1 an après leur dernière cigarette2.

1 Monitorage suisse des addictions de l’OFSP, oct. 2012.
2 Taux de réussite calculé par le Swiss TPH selon la méthode conservative.

Virginie Bréhier

Virginie Bréhier est conseillère santé en entreprise de la Ligue pulmonaire vaudoise. Elle intervient auprès des DRH depuis plusieurs années afin de répondre à leurs besoins d’informer les collaborateurs sur le tabac et de faciliter son arrêt pour ceux qui le souhaitent. 021 623 38 87 ou virginie.brehier@lpvd.ch www.lpvd.ch

 

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