Comprendre, reconnaître et identifier les causes du stress

Dans une économie globalisée l’entreprise ne décide pas tout, loin s’en faut. Avant de pointer du doigt un coupable comme étant la cause d’un stress chronique encore nous faut-il comprendre de quoi nous parlons réellement afin de pouvoir travailler de manière collective au sein de l’entreprise sur un projet de performance économique et sociale durable. 

Comprendre le stress

Le stress est fondamentalement une réaction de défense ou d’adaptation aux événements perçus comme menaçant la satisfaction de nos besoins fondamentaux (sécurité, identité, estime, etc.). Ces menaces perçues peuvent être de type personnel ou professionnel, notre système d’alarme ne sachant pas faire la différence. 

Notre corps, par ailleurs, est bien adapté pour faire face à des agents de stress de forte intensité et de faible fréquence, comme c’est le cas, par exemple, pour un zèbre fuyant un prédateur afin de sauver sa vie. Il est associé à la mise à disposition d’énergie – pour courir vite et échapper au prédateur – ainsi qu’à la libération de substances euphorisantes et anti douleur. Le stress devient alors source de survie, ce qui a conduit certains à créer et défendre la notion de bon stress. 

Il s’agit-là d’un abus de langage d’une part – le stress est une réaction et non les conséquences de la réaction – et d’une vision très simplificatrice du phénomène, d’autre part. En effet, les conséquences de réactions de stress à des agents chroniques sont toujours délétères, notre organisme n’étant tout simplement pas fait pour gérer de tels agents. Réduire cette chronicité, quels qu’en soient les agents, devient clairement une priorité. 

La réaction de stress est un modèle à deux entrées avec l’agent de stress d’une part et la perception par l’individu de cet événement de l’autre. La perception ou l’évaluation individuelle de l’agent stressant dépend de l’éducation, des expériences passées, du genre, de l’âge, de l’état physiologique et émotionnel du sujet et de très nombreux autres facteurs individuels. 

C’est ce qui explique d’une part la grande variation de réponses entre les individus et, d’autre part, que chacun de nous peut réagir différemment à un même agent de stress rencontré à des moments différents. La dimension subjective du processus explique également pourquoi les êtres humains ont la particularité de pouvoir déclencher une réaction de stress par rapport à des événements imaginaires.

Reconnaître ses manifestations

Nous avons vu que le processus du stress existe pour favoriser une adaptation à des agents de stress de faible fréquence et de forte intensité. Dans ces circonstances, le processus est parfait en ce sens qu’il propose d’une part tout ce dont nous avons besoin pour agir dans l’urgence (oxygénation prioritaire du cœur, du cerveau et des muscles, élévation de l’oxygène sanguin, libération de glucose par le foie, etc.) et sait d’autre part nous «délester» de fonctions pourtant fondamentales (gestion du système immunitaire, de la libido, de la digestion, etc.) selon le principe génial que ces fonctions consomment de l’énergie qui sera, dans l’immédiat, plus utile pour assurer notre survie. 

C’est ce dernier point qui permet de comprendre les effets délétères du stress chronique. Lorsque le système immunitaire baisse chroniquement la garde, la probabilité de tomber malade augmente. Les conséquences du stress chronique peuvent se classer en quatre grands tableaux, représentés dans la liste non exhaustive ci dessous:

• Les conséquences physiologiques: troubles cardio-vasculaires, douleurs musculaires et TMS, fatigue chronique, migraines, etc. 

• Les conséquences cognitives: baisse de la créativité, détérioration de la mémoire, difficulté à prendre des décisions, etc. 

• Les conséquences émotionnelles: excitation, tristesse, sensibilité excessive, crises de larme ou de nerfs, etc. 

• Les conséquences comportementales: agressivité ou tendance à l’évitement, comportements compulsifs ou addictifs, etc. 

Le stress étant un processus d’adaptation, lorsqu’elle n’est plus possible ou qu’elle échoue, il y a altération de la santé physique ou mentale de l’individu. Il est donc utile de repérer le plus tôt possible, par l’observation, des changements intervenants chez ceux qui nous entourent et de réfléchir aux causes pouvant générer ces changements. 

La dimension pathogène du stress chronique implique qu’il s’agit d’un mécanisme d’épuisement des capacités d’adaptation plus que d’une rupture soudaine, d’où l’importance d’agir dès l’apparition des premiers symptômes. 

Comprendre le contexte de ces symptômes est également primordial de manière à ce que nous puissions en analyser les causes. Que s’est-il passé qui puisse expliquer l’attitude de retrait de Jean? Les mêmes agents de stress n’entraînent pas les mêmes conséquences chez tous les individus. C’est à travers un registre de sensibilité riche et une capacité à reconnaître les causes de stress auxquelles on peut ne pas être personnellement sensible que débute une gestion efficace de la problématique. 

Les conséquences du stress peuvent être multiples et sans apparente relation avec les événements qui en sont la cause. Des tensions mal vécues et des problèmes dermatologiques donnent un exemple d’une relation non évidente

Identifier les causes

La réflexion concernant les causes du stress professionnel est importante à double titre. D’une part parce que la compréhension de ce qui stimule le déclenchement d’un processus peut généralement permettre d’éviter qu’il ne se reproduise. D’autre part parce que les disputes concernant les responsabilités associées à ces stimuli empêchent souvent les processus de prévention de ne serait-ce que débuter. 

C’est d’ailleurs ce qui se passe dans certaines entreprises où la difficulté n’est pas tellement de trouver des idées pour prévenir le stress, mais de mobiliser les acteurs vers la prévention. Prévenir le stress en entreprise c’est, en premier lieu, explorer la chaîne des causes fondamentales qui génèrent la souffrance individuelle ou collective. 

Le premier maillon de cette chaîne est désormais bien connu. Le stress est en effet un processus d’adaptation aux changements perçus comme menaçant nos besoins fondamentaux (sécurité, identité, estime de soi...). La subjectivité individuelle, nous le savons maintenant, est une des causes de stress en ce sens qu’elle est incontournable et centrale dans le processus. 

Mais si elle permet d’appréhender des cas isolés, cette cause individuelle ne permet pas d’expliquer la dimension collective récente des manifestations de stress au travail. Puisque les conséquences du stress professionnel s’aggravent, c’est naturellement du côté des agents de stress qu’il faut poursuivre l’investigation. Qu’est-ce qui crée l’insécurité, l’incertitude, la perte de sens et la crise d’identité? 

L’entreprise pourrait se présenter comme un coupable tout désigné tant les sujets de tension en son sein semblent désormais nombreux et variés (voir le tableau des causes potentielles du stress).

Mais dans une économie globalisée, l’entreprise ne décide pas tout, loin s’en faut, et les sources directes ou indirectes de certains agents de stress sont externes à l’entreprise. La pression exercée par des investisseurs en vue d’obtenir une rentabilité à court terme élevée ou des règles structurelles contraignantes édictées par les sphères politiques, en sont deux exemples. 

L’analyse des causes fondamentales du stress requiert donc une approche au cas par cas, de très nombreuses combinaisons étant possibles. L’entreprise peut, pour sa part, amortir ces contraintes ou au contraire les amplifier, voire en ajouter de nouvelles. L’enchevêtrement quasi inévitable de ces éléments internes et externes permet de dépasser les querelles liées à l’attribution des torts et de travailler de manière collective au sein de l’entreprise sur un projet de performance économique et sociale durable. 

Y parvenir demande toutefois que nous sortions de notre tendance culturelle forte à nous contenter de solutions symptomatiques aux bénéfices rapides mais éphémères pour leur préférer une approche systémique traitant les causes fondamentales. Nous évitons ainsi l’explication événementielle tellement friande de coupables et portons notre choix sur une discipline qui a pour objectif de considérer les ensembles, la structure, pour mettre en lumière les interrelations plutôt que les éléments.