La multiplication des «start-up» et autres nouvelles entreprises «libérées» constitue un autre indicateur de l’importance attribuée à la créativité et à l’innovation dans la sphère socio-économique contemporaine. De nombreuses recherches sont menées, et ont été entreprises, afin d’identifier les conditions organisationnelles favorables à l’émergence et au management de la créativité et de l’innovation. Les résultats sont étonnamment convergents. Ils mettent en avant le fait que la créativité et l’innovation ne se décrètent pas.
Elles se créent, se diffusent et s’institutionnalisent de manière «ordinaire», par la magie d’un travail collectif dont les contours restent fort heureusement incertains, mal maîtrisés, plein de surprises. Elles sont le fait des salariés, principalement – mais pas seulement bien sûr – situés sur le «terrain», au contact des produits, des clients. Des conditions de travail peuvent favoriser la créativité et l’innovation des salariés. Les scientifiques soulignent l’influence positive des structures organisationnelles souples, du management de proximité peu hiérarchisé. Ils relèvent les effets bénéfiques d’un management participatif, véritable soutien des collectifs de travail. A cet égard, l’autonomie, la possibilité d’avoir des responsabilités sur les activités de travail, la capacité de donner son avis lors des prises de décision collectives, la chance de bénéficier d’espaces d’échange d’information, constituent des facteurs favorisant l’émergence, le développement et la mise en œuvre des idées créatives et innovantes. Sans oublier l’influence du lien social, de la confiance et des relations sociales sur le bon fonctionnement des collectifs de travail que mettent en exergue les enquêtes plus sociologiques.
Or, les recherches en management signalent que ces facteurs organisationnels sont aussi des conditions favorisant le bien-être chez les salariés. Ainsi, les organisations dont les caractéristiques sont propices à la créativité et à l’innovation sont aussi celles qui offrent les conditions de travail les plus bénéfiques à l’épanouissement des travailleurs. Bien-être, créativité et innovation sont donc compatibles et peuvent se développer à partir des mêmes bases organisationnelles. Ceci constitue une très bonne nouvelle pour les entreprises et leurs managers. A cela près que la réalité des organisations productives contemporaines nous offre un tout autre tableau. Et celui-ci n’est pas très encourageant. En effet, l’actualité économique, les comptes-rendus réalisés par les différents acteurs impliqués dans la gestion et le pilotage des organisations, ainsi que les témoignages des salariés convergent en grande partie. Le monde du travail est plutôt le lieu de nouveaux maux, tels que le mal-être, l’augmentation des risques pour la santé, principalement psychosociaux. Les conditions organisationnelles et de travail ont tendance à se péjorer, via l’augmentation de la compétition au sein des entreprises, les pressions à la productivité, l’accroissement des contrôles hiérarchiques, la bureaucratisation importante des activités professionnelles. Les salariés évoquent bien souvent un désintérêt pour leur travail, qui ne leur permet plus de s’épanouir.
Il est donc temps de se préoccuper de combler ce grand écart entre, d’une part, des conditions de travail et un management participatif qui favoriseraient le bien-être des salariés et la bonne santé des organisations et, d’autre part, une réalité du monde du travail qui contribue à rendre nos univers professionnels toujours moins attrayants, plus nocifs et in fine peu bénéfiques à la créativité et à l’innovation. Que de potentiels créatifs gâchés dans nos organisations productives contemporaines!