Des règles de «l’Ancien Régime» pour un marché d’avenir
Un employé sur 20 vit entièrement ou partiellement en Suisse du travail temporaire. Malgré cette réalité, le Parlement a fait remonter la machine du temps en adoptant les mesures d’accompagnement. La masse de travail administratif effectué inutilement et la destruction de valeur qui en résultent sont énormes.
En adoptant les mesures d’accompagnement, le Parlement a fait remonter la machine du temps pour le travail temporaire, et ce 200 ans en arrière. En effet, 57 commissions paritaires ont été promues au rang de législateur pour la location de services; elles légifèrent selon des systèmes arbitraires et prélèvent des redevances. Pour la formation continue et pour l’exécution des législations privées, redevances ou encore pour des réglementations en matière de retraite vieillesse flexible. Ces prélèvements se composent de cotisations de base, de cotisations perçues annuellement, à partir d’une certaine durée de travail, mensuellement ou par heure, taxes en pour cent du salaire avec répartitions les plus diverses en-tre employeurs et travailleurs, une fois sur la base du salaire AVS, une autre fois sur la base de la masse salariale Suva; et il faut tenir compte pour une part d’exonération d’impôts.
La loi a contraint les entreprises de location de services à observer dès le 1er avril 2006 la totalité de cette multitude de réglementations à caractère législatif. Tout ceci en tant que conséquence des mesures d’accompagnement «pour interdire le dumping salarial». La masse de travail administratif effectué inutilement et la destruction de valeur qui en résultent sont énormes. Ni les collaborateurs ni la branche ne peuvent déceler dans ce gâchis un quelconque avantage ou droit. Aussi, lorsque le Conseil fédéral se vante au même moment des mesures qu’il a prises pour obtenir des simplifications administratives en faveur des PME, ceci apparaît comme du pur cynisme aux yeux des entreprises de location de services.
Car lorsqu’il s’agit d’engager correctement un travailleur temporaire, il faut vérifier son engagement à l’aune de milliers de questions routinières «oui/non». Et ces vérifications doivent être reprises à chaque fois qu’un travailleur tempo-raire change de champ d’application – géographique ou spécifique à une branche – d’une convention collective de travail.
Cette situation rappelle inévitablement des leçons de l’histoire, via le temps de l’Ancien Régime et de la Restauration, où il était question de barrières douanières sur les routes et les ponts, de monnaies cantonales et de ducats
Rapport du 8 avril 1848 sur le projet d’une Constitution fédérale, établi par la Commission de révision nommée le 26 août 1847 par la Diète.
…Nous avons actuellement une quantité de droits de douane en Suisse sous les noms les plus divers. Ces taxes multiples reviennent aux cantons ou communes ainsi qu’à d’autres corporations ou à des particuliers aussi. Comme les différents droits de douane et taxes sont perçus à la frontière de chaque canton, voire sur les routes de ceux-ci, ils constituent une entrave importante à la liberté de circulation à l’intérieur. Depuis plusieurs années également, lorsque cette situation a fait l’objet de débats de la Diète ou de conférences des cantons, s’est fait sentir toujours plus fortement le besoin de lever toutes les restrictions à la circulation à l’intérieur de la Suisse, de ne plus laisser percevoir de droits de douane, ni de taxes pour les routes et les ponts en faveur des cantons, de corporations ou de particuliers...
Aujourd’hui, ce n’est évidemment plus «que» la location de services qui est touchée par une «atteinte importante à la liberté» présentant des analogies étonnantes. «Uniquement»?
Un employé sur 20 vit entièrement ou partiellement en Suisse du travail temporaire (graphique1). En fonction de la masse salariale de l’ensemble de l’économie, la branche du travail temporaire fournit une contribution économique nettement plus importante que l’agriculture (graphique2). Mais contrairement à cette dernière, les travailleurs temporaires n’ont pas de lobby. Et pourtant, ils deviennent toujours plus importants. Plus de 200000 personnes travaillaient en 2005 sous le régime temporaire dans notre pays, dans plus d’un demi-million d’engagements au bas mot. Sans eux, la roue ne tournerait plus dans certains secteurs.
Il serait certainement grand temps de changer d’optique. Les 200 entreprises de travail temporaire représentées par notre Association, qui exercent leur activité à titre commercial, sont des entreprises comme les autres entreprises suisses. Un traitement légal différencié ne se justifie pas. Si la Confédération devait vraiment prendre au sérieux le démantèlement de la jungle des réglementations, la loi sur le service de l’emploi et la location de services serait la première à disposition. Ce qui doit être réglé peut l’être sans problème dans le Code des obligations. Les Danois l’ont fait avant nous avec grand succès.
Est-il possible de faire passer la sagesse de la commission de la Diète de 1847 dans la politique actuelle? Est-il possible de mettre fin à la «grave atteinte à la liberté» du marché du travail à l’intérieur de la Suisse?