D’un DRH à l’autre

En quoi le fait d’être une femme influence le style de management des RH? 

Patricia Luthy Essinger: Il est amusant de constater que la question elle-même est loin d’être exempte d’un certain sexisme – sexisme dont la société en général, et le monde de l’entreprise en particulier, ont de la peine à s’affranchir. 

Personnellement, je pense que l’idée d’un style de management plus attribuable aux hommes qu’aux femmes (ou inversement) est aujourd’hui quelque peu dépassée. Le concept de valeurs féminines ou masculines pouvant être adoptées indépendamment par les hommes et les femmes me semble beaucoup plus intéressant, et je constate avec plaisir que l’on commence à reconnaître l’importance des valeurs féminines pour gérer avec succès une entreprise et les Hommes (avec un grand «H») qui la composent. 

C’est d’ailleurs la thèse défendue par Mike Burke et Pierre Sarda dans leur ouvrage «Emergence des valeurs féminines dans l’entreprise. Une révolution en marche»1. Si les valeurs féminines ne sont pas l’apanage exclusif des femmes, celles-ci ont toutefois une plus grande habitude de les pratiquer pour des raisons à la fois biologiques, historiques et sociologiques. Dans le contexte particulier des RH, la plupart des valeurs féminines sont essentielles dans la pratique quotidienne: ouverture, écoute, capacité à persuader et à influencer au moyen de leviers d’action indirects, souplesse et créativité dans les solutions apportées, recherche de consensus, propension à accepter des situations ambiguës (le RH étant le plus souvent à la fois représentant de l’autorité de l’employeur, mais aussi défenseur des employés, arbitre, … et lui-même employé et souvent manager d’une équipe). 

Les valeurs féminines sont également une clé pour jouer notre rôle dans des environnements de travail en mutation et de plus en complexes. Elles permettent ainsi de mieux appréhender les défis posés par les organisations matricielles ou par les organisations qui travaillent par projets, dans lesquelles une approche classique de pouvoir territorial hiérarchique ne fonctionne plus. L’accent doit alors être mis sur une approche transversale des métiers, et la création d’un environnement favorisant la collaboration, le travail en réseau et les relations entre les personnes. 

A titre personnel, même si je crois fondamentalement à un management s’appuyant sur de nombreuses valeurs féminines, j constate jour après jour que seul le mélange des valeurs féminines et masculines au sein des équipes RH permet d’apporter des réponses adéquates et équilibrées dans des situations très différentes. Il est ainsi évident que les valeurs masculines telles que la rationalité ou l’autorité sont parfois indispensables pour maintenir un certain cap… En conclusion, je dirais que mélanger les genres et combiner les valeurs, c’est avant tout se donner la chance de profiter d’une immense richesse!

1 Mike Burke et Pierre Sarda: Emergence des valeurs féminines dans l’entreprise. Une révolution en marche, Editions De Boeck, 2007, 170 pages.