L'atelier RH

D’un DRH à l’autre

Maxime Morand, DRH chez Lombard Odier interroge Serge Panzcuk, DRH chez Edwards Lifescience à Nyon.

La posture du DRH partenaire stratégique n’est-elle finalement pas une impasse? Et par quoi la remplaceriez-vous? 

Serge Panzcuk: La fonction RH est par nature une fonction qui se cherche et a du mal à se trouver. Pourquoi? D’abord parce qu’elle est difficile à définir simplement. Ensuite parce que tout le monde dans l’entreprise est un jour ou l’autre en contact avec cette fonction. Et que tout le monde a donc un avis sur elle… Enfin parce qu’elle est desservie par ses «noms». D’abord fonction du personnel, elle s’est retrouvée dans un rôle de fonction administrative. Pour en sortir, elle est devenue fonction des Ressources Humaines, sans pour autant abandonner cette image surannée. Comment changer une image administrative lorsque l’on ramène l’humain au statut de simple ressource. Consciente de ce fait, elle s’est ensuite positionnée en partenaire du business. 

Si l’intention semblait bonne, la réalisation a rencontré plusieurs écueils. Pour se faire accepter la fonction RH s’est «business-isée». En acceptant le préalable que le business avait tous les droits, elle s’est mise à son service, rentrant parfois trop dans une relation de servilité. Pourquoi? Parce qu’en renonçant à son identité, elle a voulu jouer au même jeu que le business, mais sans les mêmes forces, les mêmes moyens, les mêmes compétences ou la même culture. Ce positionnement choisi ne lui a donc pas permis de jouer sa propre partition. 

Est venu alors le temps du partenaire stratégique. Le mot magique était lancé: stratégie. Pour s’élever, il suffisait de se donner un suffixe glorieux. Et le mot «stratégie» devenait la locomotive qui allait tirer la fonction vers le haut… En oubliant le poids – mais aussi le rôle – des wagons à tirer. Le grand écart devenait alors difficile. Si la vision était claire, c’est les a priori qui la rendaient compliquée à mettre en œuvre. 

Alors quelles sont les alternatives? Pour s’affirmer, et contribuer à la performance de l’entreprise, la fonction RH doit accepter plusieurs défis: 

  • Se différencier. La fonction RH gère l’intangible, l’imperceptible et ceci requiert des compétences particulières. Elle doit donc accepter d’être différente et de montrer en quoi cette différence est utile. 
  • Cela suppose un autre changement: elle doit affirmer sa dimension politique. Dans une organisation, nombreux sont les choix qui sont politiques, au sens qu’ils vont impacter la vie de la «cité». Et la fonction RH est souvent au centre de ces choix. 
  • Et finalement le mouvement ultime est celui qui la fera passer de fonction de service à fonction de pouvoir. Le mot est lâché mais il est bien réel. Les décisions d’entreprise impliquent des confrontations de pouvoirs différents qui ont besoin d’un contre-pouvoir. Encore une fois, la RH peut y contribuer.

Finalement, s’il fallait résumer la fonction RH, j’utiliserais l’image du fou du roi. Au Moyen Age, les Rois étaient puissants. Ils s’entouraient de chevaliers dévoués. Mais ces sages dirigeants avaient aussi créé un autre rôle. Celui du bouffon. Sa mission: être le seul et unique à pouvoir défier le Roi et ses vassaux, à leur dire leurs vérités et à les remettre en cause.

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