Dans une nouvelle directive entrée en vigueur le 1er janvier 2014, le Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO) introduit une nouvelle catégorie de travailleurs, les cadres et autres travailleurs à responsabilités, pour qui l’enregistrement des heures de travail est simplifié.
«La nouvelle directive du SECO amène à une insécurité pour les entreprises. Les critères définis sont vagues et difficilement applicables de manière homogène.» Photo: 123RF
La nouvelle directive du SECO, entrée en vigueur le 1er janvier 2014, doit être appréhendée dans son contexte. Pour satisfaire à son obligation de protection de la santé de ses collaborateurs mentionnée à l’article 6 alinéa 1 de la Loi sur le travail (ci-après LTr), l’employeur doit s’assurer que les exigences liées à l’horaire de travail et au temps de repos soient respectées. Il doit par exemple veiller à ce que la durée maximale de la journée de travail ne soit pas dépassée (art. 10 al. 3 LTr).
Lorsqu’un collaborateur travaille au-delà de son horaire hebdomadaire contractuel, il effectue des heures supplémentaires. S’il excède la durée maximale de la semaine de travail, soit 45 h ou 50 h selon le type d’entreprise (art. 9 LTr), il s’agira de travail supplémentaire.
Une étude du SECO a démontré que de nombreux cadres n’enregistrent pas la durée de leur travail. Au vu de leur activité, consigner le début et la fin de chaque étape de leur journée constitue une surcharge de travail qu’ils rebutent à effectuer. Ils exécutent alors des heures supplémentaires, voire du travail supplémentaire, sans qu’aucune comptabilisation ne soit accomplie. Or, même en cas de renonciation à toute compensation des heures supplémentaires, tout travailleur soumis à la LTr a droit à la compensation de son travail supplémentaire.
En 2012, le SECO a proposé de modifier l’article 73 OLT1 afin d’obtenir une plus grande flexibilisation en matière d’enregistrement du temps de travail. Son projet tendait à ce que les travailleurs, dont le salaire annuel s’élève à CHF 175 000.– ou plus, ne doivent plus enregistrer leur temps de travail. Faute d’entente entre les syndicats, ce projet a été retiré. Depuis, le SECO travaille afin de proposer un second projet de loi pour 2015.
En décembre 2013, afin de s’adapter à la pratique, le SECO a émis une directive allégeant l’obligation d’enregistrer la durée du travail pour certains collaborateurs. Entrée en vigueur le 1er janvier 2014, elle distingue trois catégories de travailleurs dont l’obligation d’enregistrer la durée du travail varie fortement.
Le SECO rappelle que les cadres exerçant une fonction dirigeante élevée ne sont pas contraints d’enregistrer la durée de leur travail. En effet, l’article 3 lettre d LTr les exclut de son champ d’application. Toutefois, cette notion est admise très restrictivement et doit être examinée de cas en cas. Seuls les CEO et certains membres de la direction peuvent être admis dans cette catégorie.
Ces travailleurs bénéficient désormais d’un enregistrement simplifié de la durée de leur travail: seule la durée quotidienne de leur travail doit être enregistrée. Mais attention, tous les collaborateurs à responsabilités n’entrent pas dans cette catégorie pour autant.
Plusieurs conditions doivent être réalisées cumulativement. Le collaborateur doit disposer d’une large marge de manœuvre dans l’accomplissement de son travail et dans l’organisation de ses horaires. De plus, il ne doit pas effectuer régulièrement du travail dominical ou de nuit. Enfin, il doit correspondre à un des trois cahiers des charges définis par le SECO, soit être un chef de projets, un cadre supervisant des subordonnés ou encore un mandataire responsable de son activité.
Pour le surplus, un cadre qui a des subordonnés, mais qui gère son travail selon des procédures de travail structurées, devra enregistrer la durée de son travail au même titre qu’un employé de production. Le titre de la fonction du collaborateur ou son rang hiérarchique n’importent pas. Seuls son cahier des charges, la description de ses tâches et ses conditions de travail effectives importent.
La renonciation à l’enregistrement complet de la durée du travail doit faire l’objet, chaque année, d’un accord écrit entre le travailleur et son employeur. Il doit indiquer comment les périodes de repos et les pauses prescrites par la loi seront prises et rappeler que le travail dominical et de nuit régulier est prohibé. Enfin, un entretien de fin d’année au sujet de la charge de travail doit avoir lieu et doit être consigné par écrit.
Les entreprises disposent d’un délai jusqu’au 30 avril 2014 pour s’adapter à la directive, soit pour conclure des accords écrits avec les collaborateurs qui bénéficieront de l’enregistrement simplifié.
Tous les collaborateurs qui ne sont pas inclus dans les deux premières catégories (A et B) sont contraints de poursuivre un enregistrement intégral de la durée de leur travail. L’employeur devra notamment consigner leurs heures de début et de fin du travail ou encore des pauses prises.
La nouvelle directive du SECO amène à une insécurité pour les entreprises. Les critères définis dans celle-ci sont vagues et difficilement applicables de manière homogène. Il faudra alors observer comment les inspections cantonales du travail les apprécient et les appliquent. Or, l’assouplissement du régime relatif à l’enregistrement du temps de travail est censé être uniforme pour l’entier de la Suisse. Une interprétation propre à chaque autorité cantonale pourrait conduire à des résultats différents.
La limite salariale de CHF 175 000.– proposée par le SECO en 2012 ne permettait pas un réel allégement de l’obligation d’enregistrement du temps de travail. En effet, dans certains domaines tels l’hôtellerie ou la construction, pratiquement aucun changement n’aurait eu lieu.
Pour être plus pragmatique, il serait souhaitable de se référer au montant maximum du gain assuré LAA, fixé à CHF 126 000.–. Cela permettrait d’augmenter le nombre de personnes concernées et de simplifier l’enregistrement du temps de travail. Le régime ainsi applicable serait homogène et cohérent dans l’ensemble de la Suisse.
Responsable du service juridique à la Chambre vaudoise du commerce et de l’industrie, Mathieu Piguet assure que les réactions des entreprises sont «contrastées». Certains craignent que les inspecteurs du travail cantonaux profitent de cette nouvelle directive pour effectuer plus de contrôles. A notre sens, ces craintes sont infondées. La nouvelle directive offre au contraire plus de flexibilité. En introduisant une troisième catégorie de collaborateurs, les cadres et autres travailleurs à responsabilité, le SECO a plutôt voulu mieux coller à la réalité», dit-il. Finalement, tout dépendra de comment les entreprises vont interpréter cette directive et la mettre en application. Il faudra également observer comment les inspecteurs du travail adaptent leurs contrôles.
La renonciation à l’enregistrement complet de la durée du travail conformément à la loi et à l’Ordonnance 1 doit faire l’objet d’un accord individuel obéissant aux principes suivants:
• Un accord écrit signé par le collaborateur est nécessaire.
• Cet accord doit indiquer comment les périodes de repos et les pauses prescrites par la loi doivent être prises.
• L’accord doit également préciser que le travail de nuit et du dimanche est interdit si l’entreprise n’a pas d’autorisation ou n’est pas dispensée d’autorisation selon l’OLT 2.
• Un entretien de fin d’année portant sur la charge de travail (sous l’angle du temps de travail fourni) doit avoir lieu et être consigné par écrit.