Droit et travail

Etude de cas

Une courtière en immeubles a-t-elle droit au versement de provisions pour des affaires non conclues?
Arrêt du TF 4A_402/2013 du 9 janvier 2014
 

L’affaire

T, courtière en immeubles, travaille pour E depuis 2005. Selon le contrat, T a droit à un salaire mensuel et à une quote-part des honoraires perçus par E sur les affaires qu’elle a introduites ou gérées. E a chargé T de chercher des locaux à louer pour un client et de trouver un bien à acheter pour un autre client. Bien qu’aucun des clients n’ait finalement trouvé ce qu’il souhaitait, E a finalement perçu des honoraires pour rétribuer les efforts accomplis par T. En avril 2010, T a démissionné. Fin 2010, T a actionné E en paiement de CHF 321 142.– à titre de quote-part d’honoraires. Le Tribunal des prud’hommes de Genève a condamné E à verser à T CHF 175 340.– et CHF 5475.– à titre de salaire. En appel, T a obtenu un montant supplémentaire. E a recouru au Tribunal fédéral.
 

En droit

Se basant sur l’art. 322b al. 1 CO qui dispose que «s’il est convenu que le travailleur a droit à une provision sur certaines affaires, elle lui est acquise dès que l’affaire a été valablement conclue avec le tiers», E soutient que les quotes-parts d’honoraires étant des provisions, elles ne sont pas dues dans les deux affaires en cause, dès lors qu’elles n’ont pas abouti à la conclusion de contrats par les clients concernés.
 
Le TF rappelle qu’il est licite de prévoir qu’une provision sera due à T aussi à raison d’affaires qui n’auront pas été «conclues». En effet selon l’art. 362 CO, il peut être dérogé en faveur de T à l’art. 322b al. 1 CO. Or, tel est le cas du contrat qui lie T à E puisque ce dernier ne subordonne pas le versement d’une quote-part d’honoraires à la conclusion d’un contrat entre un client de E et un tiers.
 
En outre, lorsque T a annoncé ses prétentions avant la fin du contrat, E n’a émis aucune réserve et a même versé une quote-part d’honoraires pour une des affaires litigieuses. De ce comportement, on peut inférer que les prétentions de T correspondaient aux volontés exprimées implicitement par les parties dans le contrat.
 
Sur la base du contrat et des indices, tirés du comportement de E., le Tribunal fédéral considère que la Cour cantonale n’est pas tombée dans l’arbitraire en retenant que les parties ont convenu que des provisions seraient dues, même pour des affaires non conclues.
 
Par conséquent, T a droit au versement d’une quote-part des honoraires perçus par E. pour les affaires qu’elle a gérées, même si elles n’ont pas abouti à la conclusion de contrats. Le Tribunal fédéral a donc confirmé l’arrêt entrepris sur ce point.
 

Conséquence pour la pratique

Si les parties souhaitent déroger à l’avantage du travailleur à l’art. 322b CO en prévoyant qu’une provision sera due au travailleur même pour des affaires qui n’auront pas été conclues avec un tiers, une telle dérogation doit être clairement stipulée dans le contrat afin d’éviter toute interprétation litigieuse.
commenter 0 commentaires HR Cosmos
Larissa Robinson est titulaire du brevet d’avocat, travaille au service d’Assistance Juridique et Conseils (SAJEC) de la Fédération des Entreprises Romandes.
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