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Externaliser l’administration RH: comment se décider
L’institut de recherche en technologie de l’information Gartner évalue la croissance du marché mondial de l’outsourcing de la paie à plus de 5 pour cent chaque année depuis 2011. Mais quels services attendre aujourd’hui et quels en sont les avantages et les inconvénients?
Illustration: iStockphoto
Si la grande majorité des responsables RH ont fait l’expérience de déléguer la recherche de leurs talents à des cabinets spécialisés ou confient la formation de leurs collaborateurs à des organismes reconnus, ils sont moins nombreux à avoir décidé d’externaliser leur SIRH (Système d’Information des Ressources Humaines), voire à s’être déchargés d’un certain nombre de tâches inhérentes à l’administration des ressources humaines.
Tout l’enjeu réside dans l’analyse du besoin, les objectifs et bénéfices attendus, mais surtout dans la stratégie. La question est en effet de faire la différence entre les tâches dites de support, de celles qui relèvent d’axes stratégiques pour l’entreprise. A titre d’exemple, l’externalisation des salaires peut s’étendre à celle des relations avec les assurances sociales; alors que certains DRH verront un avantage à se décharger du suivi administratif des prestations pertes de gain maladie et accident, d’autres souhaiteront conserver la relation du quotidien avec leurs assureurs: ceci en vue d’être impliqués dans chaque cas d’absentéisme impactant l’organisation du travail, générateur de coûts et par ailleurs potentiellement indicateur de satisfaction... ou d’insatisfaction.
Et pourtant, la réflexion mérite au moins d’être posée car selon le contexte propre à chaque entreprise, les différents concepts d’externalisation peuvent revêtir un intérêt important. Les axes ci-dessous décrivent les différents services proposés, du premier au dernier niveau, par les prestataires du marché. Le premier niveau d’externalisation est plutôt à considérer comme un projet informatique et non pas RH.
L’offre ASP (Application Service Provider) consiste à faire héberger ses applications auprès d’un tiers. Rien ne change donc pour les RH, si ce n’est la localisation des données qui ne sont plus à l’interne. Les considérations sont avant tout d’ordre de la maintenance technique des environnements. L’offre ASP s’adresse davantage à des PME/PMI n’ayant pas une taille critique suffisante pour disposer de leur propre équipe informatique. Elle peut également intéresser de grandes structures dont les services informatiques sont concentrés sur la maintenance de l’environnement du core business.
La consommation en ligne avec les technologies Cloud et Saas
Le niveau suivant concerne toujours l’aspect informatique avec les offres «Cloud» ou «SaaS»: au-delà de l’infrastructure exprimée ci-dessus, le Cloud (Informatique en nuage) ou le SaaS (Software as a Service) permettent une forme de consommation en ligne ou de location des progiciels RH. Dès lors, plutôt que d’acheter son logiciel et de devoir le maintenir au sein de son organisation, on paie une forme d’abonnement en vue d’avoir accès à un logiciel en ligne. L’offre s’accompagne de la maintenance du produit: soit par exemple les adaptations aux évolutions légales comme la mise à jour des taux officiels de cotisations ou celle des tableaux d’impôt à la source.
Ce type d’offre dépasse le périmètre des données de base des collaborateurs et du ‹Payroll›. De nombreux modules ou processus additionnels sont désormais disponibles, par exemple la gestion des temps, le self-service, le recrutement ou la gestion des talents. L’intérêt de cette démarche est de profiter de progiciels standard et maintenus systématiquement par le fournisseur. La question du Cloud ou du SaaS se pose généralement au moment de changer son logiciel devenu désuet; est-il préférable d’investir dans un nouveau SIRH en interne ou de payer la consommation d’un outil en ligne?
Au-delà des considérations purement économiques, les impacts sur la maintenance sont potentiellement importants. Il conviendra toutefois, comme pour une acquisition traditionnelle de logiciel, de disposer d’un cahier des charges précis, non seulement du point de vue fonctionnel, mais aussi sur les questions de formation et de support. Une vigilance toute particulière devra être portée par les organisations ayant des attentes spécifiques; en effet, nombre de solutions ‹Cloud› sont très standardisées et limitent les possibilités de personnalisation.
Les objectifs de chaque entreprise sont différents, les bénéfices répondent donc évidemment à la même logique. Il est néanmoins possible d’avancer que les services ASP, Cloud et SaaS intéressent principalement les sociétés recherchant une optimisation des coûts et des ressources techniques. Opter pour la suppression d’une importante infrastructure informatique au profit d’un droit d’usage revient à passer d’une logique d’investissement à une forme d’abonnement en frais généraux.
Le Business Process Outsourcing, une stratégie plus complexe
Si les précédents niveaux étaient principalement axés sur la couche logicielle et infrastructure informatique, le BusinessmProcess Outsourcing (BPO) correspond finalement à l’externalisation des activités de gestion, notamment sur la paie; soit la possibilité de déléguer les saisies/mutations du personnel, traitement des variables, le calcul des salaires, établissement des décomptes mensuels et annuels. Ces prestations peuvent être étendues à d’autres activités administratives; citons notamment les relations avec les assurances sociales, avec les annonces d’arrivée de départ, mutations mais aussi le suivi des évènements maladie, accident, maternité. D’autres tâches telles que les renouvellements de permis de travail, l'établissement d’attestations ou de certificats peuvent également être déléguées au prestataire.
Une stratégie BPO est quant à elle plus complexe à appréhender et peut viser des buts très différents:
• Une volonté de se concentrer sur les activités stratégiques RH plutôt que sur des tâches administratives sans valeur ajoutée; un investissement sur le capital productif de la société et une détermination à satisfaire le client interne.
• Une difficulté à disposer des compétences en interne et/ou à s’adapter aux évolutions légales fréquentes.
• Une amélioration des processus car leur définition est un préalable impératif à tout projet d’outsourcing. Cette démarche conduit le cas échéant à la clarification des tâches ainsi qu’à une augmentation de la transparence.
• Une optimisation du temps et des coûts par une amélioration de la disponibilité, une limitation des contraintes de suppléances et des risques liés à la formation et à la qualité des outils.
• Un souci de préservation de la confidentialité des données; les aspects sécuritaires peuvent également influencer la décision, tout le monde s’accordant sur le fait que les principaux risques liés à la confidentialité des données se situent en interne.
Quels risques et quels modèles pour les entreprises romandes
Les principaux risques se situent bien évidemment dans la qualité, la réactivité et la pérennité du prestataire. Il faut également être attentif à l’impact des éventuels coûts cachés directement imputables aux défauts d’organisation et de qualité. Certaines organisations redoutent quant à elles une perte de maîtrise en interne ou le risque de réversibilité.
La meilleure façon de se prévenir de ces risques réside dans une expression minutieuse des processus externalisés ainsi que dans la définition d’un contrat clair et exhaustif.
Une décision d’externalisation s’inscrivant forcément sur la durée, elle résulte d’une réflexion approfondie et d’une décision stratégique. Le modèle correspondant à chaque structure sera le cas échéant directement lié à ses objectifs. Au-delà des critères de sélection habituels d’un prestataire, le choix pourrait être guidé par sa capacité à comprendre les besoins, à offrir toute la panoplie des services et à s’adapter avec flexibilité à l’évolution de ceux-ci.
L'auteur
Rémy Tzaud est le Directeur de HRS HR-Service SA, une société du Groupe TI (basée à Sierre). Il s’intéresse depuis plus de quinze ans à l’externalisation de processus et d’administration RH.