Sécurité de l'emploi

Grande-Bretagne: Les travailleurs précaires, 1ères victimes des coupes

Le premier budget 100% conservateur depuis 20 ans - du gouvernement de David Cameron -  touchera des millions de travailleurs précaires. Parmi eux, Nicola Marshall, une mère célibataire de 37 ans.

Londres (ats/afp) "Il va y avoir des gens qui ne pourront pas mettre un seul sou de côté", assure-t-elle depuis sa maison dans le Kent, au sud-est de l'Angleterre. Son travail administratif à mi-temps dans une entreprise qui vend des douches lui rapporte 11'000 livres par an (15'700 francs), un maigre salaire complété par 5000 livres de crédits d'impôt et d'aides au logement.

Soit au total des revenus bien inférieurs à la moyenne nationale (26'000 livres), et qui devraient être touchés de plein fouet par les coupes budgétaires annoncées récemment.

Le premier exécutif uniquement conservateur depuis 1992 compte économiser 12 milliards de livres de dépenses sociales d'ici 2020, via un abaissement du plafond annuel des allocations, une réduction des crédits d'impôt ainsi qu'une baisse des aides aux logements. A partir de la prochaine année fiscale (avril 2016-mars 2017), les crédits d'impôt liés à l'activité professionnelle seront réduits tandis que ceux liés à la famille cesseront à partir du 3e enfant.

Le gouvernement escompte ainsi 6 milliards de livres d'économies dans un système qui en coûte 30 milliards, aide 4,5 millions de familles et n'est "tout simplement pas soutenable", selon le chancelier de l'Echiquier George Osborne.

"Un pays plus prospère"

Le système des crédits d'impôts a été détourné comme une "subvention aux bas salaires", a dénoncé le ministre des Finances devant la Chambre de Communes, lors de la présentation du budget. C'est "un budget pour les gens qui travaillent", a-t-il martelé, souhaitant des salaires plus élevés mais moins d'impôts et moins d'aides sociales.

Pour contrebalancer les coupes dans les allocations sociales, le gouvernement a ainsi annoncé une hausse graduelle du salaire minimum pour les plus de 25 ans - qui passera de 6,50 livres par heure aujourd'hui à neuf livres d'ici 2020 - et le relèvement du seuil d'imposition sur le revenu.

Ces changements ont été salués par le très conservateur tabloïd Daily Mail, qui juge "disproportionné" l'Etat-providence britannique. "Ce n'est rien de moins qu'un plan pour transformer la Grande-Bretagne en un pays plus prospère peuplé de familles autonomes, débarrassées de la dépendance sociale pour jouir de la dignité et des récompenses du travail", clame-t-il.

Mais certains analystes estiment que les mesures de soutien aux salaires ne seront pas suffisantes pour atténuer les coupes budgétaires.

"Le relèvement du seuil d'imposition sur le revenu devrait un peu inciter les gens à conserver un travail ou à en retrouver, mais le gouvernement a aggravé l'effet dissuasif sur l'emploi du système de crédits d'impôt", juge Monique Ebell, analyste du National Institute of Economic and Social Research (NIESR).

Sauter des repas

Ainsi, le nouveau budget pourrait paradoxalement pénaliser ces familles de travailleurs portées aux nues par le gouvernement, estiment les organisations caritatives. "Concrètement, cela signifie que des familles vont être forcées de sauter des repas pour payer les factures", accuse Nick Bryer, directeur des campagnes au Royaume-Uni chez Oxfam.

Selon Paul Johnson, directeur du centre de réflexion Institute for Fiscal Studies (IFS), trois millions de familles vont perdre environ 1000 livres (1500 francs) par an sans pour autant être davantage incitées à travailler.

De son côté, Nicola Marshall n'a pas encore calculé l'impact des changements sur ses revenus. Cependant, elle sait déjà qu'elle ne profitera pas de la hausse du salaire minimum, étant payée plus que ce montant.

"En vérité, cela ne sera pas possible de faire en sorte que tout le monde gagne immédiatement un salaire décent, donc les aides vont être coupées avant que les gens aient le temps de gagner plus", critique-t-elle, craignant une stigmatisation des pauvres. "J'essaie vraiment de faire de mon mieux, mais je crains que ce pays ait perdu son sens de la compassion", regrette-t-elle.

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