Harcèlement sexuel: les limites à ne pas franchir
L’obligation de veiller au maintien de la moralité impose à l’employeur de prévenir et de mettre fin à tout harcèlement sexuel dans l’entreprise. Quels sont les risques en cas de non-respect de la législation et quels sont les comportements constitutifs de harcèlement sexuel? Quelques réponses.
Le petit malin installait régulièrement sur le PC d’une collaboratrice des icônes ou des photos de femmes nues. Il poursuivait en tenant devant elle, et régulièrement, des propos à connotation sexuelle. La victime a également reçu des courriels inconvenants de la part de cet employé. Ces agissements avaient été répétés et avaient duré des mois. Absente pour cause de maladie durant plusieurs semaines, la victime a finalement été licenciée. Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Après un temps de repos, la collaboratrice a décidé de porter le cas devant les tribunaux. Bien lui en a pris.
L’autorité cantonale de dernière instance a condamné l’employeur à lui verser la somme de CHF 12000.– net avec intérêt à 5 pour cent sur la base de l’art. 5 al. 3 de la loi sur l’égalité (LEg). Selon le tribunal, les agissements de l’employé devaient être qualifiés de harcèlement sexuel, dans la mesure où aucune mesure adéquate n’a été prise par l’employeur, ce qui a justifié l’allocation d’une indemnité particulièrement élevée pour la Suisse. Le Tribunal fédéral a précisé que cette somme de CHF 12000.– se situe assurément à la limite supérieure de ce qui peut être alloué dans un tel cas. Elle est notamment justi-fiée par l’état fragile de l’employée, par le fait que les événements que l’employée avait vécus sur son lieu de travail l’avaient fortement heurtée et que ces derniers avaient ainsi vraisemblablement contribué à la dépression de l’employée.
Cet exemple le montre bien, le harcèlement sexuel sur le lieu de travail cause des torts considérables aux victimes, et il implique des coûts considérables en termes de réinsertion. De son côté, l’employeur risque donc des peines plutôt sévères.
Principe. Sur ce point, la loi est claire. L’obligation de veiller au maintien de la moralité – qui découle de l’art. 328 al. 1 du Code des obligations (CO) et de l’art. 6 de la Loi sur le travail – impose à l’employeur de prévenir et de mettre fin à tout harcèlement sexuel dans l’entreprise. Pour ce faire, il doit veiller à ce que les conditions de travail ne soient pas attentatoires à la dignité et assurer une atmosphère de travail empreinte de respect moral. S’il a connaissance d’une situation de harcèlement sexuel, il lui est conseillé d’intervenir immédiatement pour la faire cesser.
Selon les art. 5 al. 3 LEg et 328 al. 1 CO, la responsabilité de l’employeur est engagée, à moins qu’il ne prouve avoir pris les mesures que l’expérience commande, qui sont appropriées aux circonstances et que l’on peut équitablement exiger de lui pour prévenir ces actes ou y mettre fin. Toutefois, pour que sa responsabilité soit engagée, il faut que l’employeur ait eu connaissance du dysfonctionnement, qui peut parfois résulter des circonstances. Il appartient toutefois à la victime de porter à la connaissance de l’employeur les faits incriminés lorsqu’elle peut supposer que l’employeur l’ignore. Si la victime s’en abstient, il ne pourra pas être reproché à l’employeur la méconnaissance des faits incriminés. Ainsi, dès l’instant où l’employeur a connaissance des faits, le fardeau de la preuve libératoire est entièrement à sa charge. Il appartient en revanche au travailleur de démontrer que l’employeur a été informé.
Définition. Selon la doctrine et l’art. 4 LEg, le harcèlement sexuel englobe tout comportement importun de caractère sexuel, ou fondé sur l’appartenance sexuelle, qui porte atteinte à la dignité de la personne sur son lieu de travail et dont le but est d’obtenir des faveurs de nature sexuelle. Il peut s’exercer verbalement ou physiquement.
Les comportements suivants sont notamment constitutifs de harcèlement sexuel:
- menaces, pressions, promesses et avances sexuelles non souhaitées;
- allusions, commentaires et plaisanteries obscènes;
- remarques concernant les qualités ou les défauts physiques;
- dévisager, siffler, regard qui déshabille;
- avances, gestes non désirés et importuns (contact physique, attouchements, invitation orale et écrite avec intention perceptible, proposition d’acte sexuel);
- matériel pornographique dans les locaux de travail, notamment sur un écran d’ordinateur;
- exhibition des parties sexuelles;
- contrainte sexuelle, menaces et viol dans les cas les plus graves.
Terminons avec un autre cas pratique tiré de la jurisprudence suisse. Une somme de CHF 4988.– a été allouée à une employée en vertu de l’art. 5 al. 3 LEg. Des histoires osées circulaient parmi les collaborateurs de l’entreprise et le directeur s’est même une fois exclamé «toutes des salopes» en entrant au secrétariat; il a en outre demandé à cette employée – en présence d’une nouvelle employée – si elle était «lesbienne» et un autre collaborateur s’est également adressé à elle de manière grivoise. Enfin, l’employée qui fait l’objet de cet arrêt avait eu recours au même vocabulaire, ce qui a certainement entraîné une diminution de la somme allouée par le Tribunal fédéral.
Rien n’interdit, au sein d’une entreprise, à un cadre ou à un contremaître d’user de séduction pour tenter de gagner les sentiments d’une personne placée sous ses ordres.
Néanmoins, la conduite du supérieur doit se limiter à ce qui est admis par les bonnes moeurs. De plus, il a l’obligation de faire preuve d’une prudence d’autant plus grande que des rapports de hiérarchie le lient à celui ou à celle à qui il s’adresse. Le rapport de subordination ne doit donc en aucun cas être mis à profit pour réussir là où un tiers échouerait.
En l’espèce, les limites de la bienséance ont été largement transgressées (paroles et gestes indignes, avances, soumission de revues pornographies notamment), de sorte que le tribunal a constaté que la loi avait été violée.