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Immigration: un risque ou une chance pour les travailleurs indigènes?

Comment les travailleurs indigènes perçoi­vent-­ils l’arrivée des migrants? Une étude da­noise apporte quelques éléments de réponse.

La crise migratoire que traverse actuellement l’Europe a des effets politiques et économiques. Car les migrants sont aussi des ressources humaines qui entrent sur le marché de l’emploi. Sont-ils perçus comme une concurrence par les travailleurs indigènes? Pour répondre à cette question, Mette Foged (de l’Université de Copenhague) et Giovanni Peri (de l’Université de Californie) ont analysé les statistiques danoises tirées des années 1991 à 2008.

Jusqu’en 1998, le Danemark a centralisé la gestion de ses migrants. Peu importe leur nationalité ou la taille de la famille – donc sans tenir compte des besoins du marché du travail – ces migrants étaient répartis dans les communes du pays. La majorité de ces migrants ne disposait pas de diplôme universitaire, ne parlait pas le danois et cherchait en priorité des travaux manuels. Les chercheurs ont comparé la situation des ces migrants avec un échantillon de la population locale, avec le même profil professionnel.

Résultats: les possibilités d’emploi pour des travaux de faible complexité ont progressivement diminué à cause du phénomène migratoire. La réaction des travailleurs indigènes, directement concurrencés par ces migrants, a été de postuler pour des emplois plus complexes (travaux manuels avec des exigences plus élevées, postes nécessitant plus de compétences en communication et de meilleures capacités cognitives). Cette transition vers des emplois plus complexes a également entraîné une augmentation notable de leur niveau de salaire. En revanche, les chercheurs ont montré que le risque de se retrouver au chômage n’a pas augmenté, les opportunités professionnelles n’ayant pas diminué. En segmentant ces statistiques par groupes d’âge, les chercheurs ont découvert que ce sont surtout les jeunes travailleurs qui ont augmenté leur niveau de compétences en obtenant des postes avec des exigences plus complexes. Ce sont également les jeunes qui ont eu tendance à déménager dans des communes où la population de migrants était la moins forte. C’est donc surtout les travailleurs âgés qui ont pâti de cette situation. Sur le long terme, dans les communes à forte population de migrants, les chercheurs ont remarqué également que les retraites anticipées avaient tendance à augmenter.

Ces résultats montrent que les migrants deviennent donc une force de travail complémentaire à la population active locale. Leur arrivée sur le marché de l’emploi a plutôt un effet positif sur le développement des compétences des travailleurs indigènes. Ces effets ne sont donc pas négatifs et ne sont pas à l’origine d’une augmentation du chômage indigène. L’étude n’a pas constaté d’effets sur le segment des hauts diplômés. Cette recherche n’a cependant pas étudié l’effet des migrants disposant de diplômes universitaires sur ce segment indigène des hauts diplômés.

Source: Foged M., Peri G. (2016) Immigrants’ Effect on Native Workers New Analysis on Longitudinal Data. American Economic Journal: Applied Economics, 8 (2), 1–34

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Dr. Lea Rutishauser est assistante principal au Centre de gestion des ressources humaines (CEHRM) de l'Université de Lucerne et co-fondatrice du start-up «RH ConScience Sàrl».

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