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Inquiet et optimiste à la fois
Par Christophe Dunand, directeur général de Réalise, une PME spécialisée dans la formation et le recrutement par la pratique. Il est également chargé de cours à la Haute Ecole de Gestion de Genève.
Photo: 123RF
Les vacances de fin d’année sont toujours pour moi le moment de prendre de la hauteur, dans tous les sens du terme, dans les Alpes. Lectures et marches (vu le manque de neige), m’ont rendu à la fois inquiet et optimiste.
Le marché de l’emploi va être profondément bousculé. Le rapport du World Economic Forum de 2016 «The Future of Jobs» montre que la nature des emplois va profondément changer. La robotique et l’intelligence artificielle, tant dans l’industrie que les services, vont faire disparaître des millions de places de travail dans le monde. En Suisse, où l’on existe d’abord par son statut professionnel et dans laquelle la fiscalité est largement basée sur les revenus des salariés, c’est tout notre modèle de cohésion sociale et de répartition des richesses qui va devoir être revu. A cela, il convient d’ajouter la concurrence croissante pour l’emploi entre les salariés résidents et les migrants. Leur nombre devrait fortement augmenter avec les changements climatiques et les conflits en cours. L’évolution vers des modes de vie et de consommation durables vont aussi modifier la demande de biens et de services. Réduction du gaspillage et économie de partage devraient limiter la consommation de biens et de matières premières, et donc aussi les emplois associés à leur production. Le recyclage, la réutilisation, la réparation vont se développer, mais il est difficile de percevoir quel sera le bilan final en termes d’emplois, à tous les niveaux de qualification de main-d’œuvre.
Notre métier est le repérage et le développement des compétences par le travail et le placement direct en entreprise de personnes sans diplôme. Notre positionnement répond aux besoins de l’économie, dont l’ampleur et le rythme de changement seront inégalés à l’avenir.
Plus que jamais, depuis la création de Réalise il y a plus de 30 ans, notre capacité d’innovation et d’évolution, semble déterminante. Comment conserver l’esprit «start up» avec le management structuré et certifié Iso d’une grosse PME de plus de deux cents collaborateurs? Comment être sûr que notre organisation interne, nos équipes, notre management sont adaptés pour répondre à des besoins en compétences que nous allons découvrir chemin faisant? Avec très peu de temps pour y répondre?
Depuis l’âge de 32 ans, je suis directeur à temps partiel et chargé de cours. Un choix motivé par le plaisir de transmettre aux jeunes générations et par le souci d’éviter aux professionnels en formation continue de répéter toutes les erreurs déjà faites durant ma carrière.
Un directeur à temps partiel donne de fait de l’autonomie à ses collaborateurs. Le fondateur de Patagonia, Yvon Chouinard, parle de MBA: «management by absence». Il n’enseignait pas, mais il voulait pouvoir aller surfer ou faire de l’escalade quand les conditions étaient propices. De mon côté, durant mes cours, je suis inatteignable, comme pendant mes six semaines de vacances annuelles, d’ailleurs.
Je me suis rendu compte avec les années que l’autonomie est devenue un pilier de la vision émergente des entreprises libérées de demain: un management et une gouvernance impliquant les collaborateurs, un impact positif sur la société et un modèle d’affaire innovant. Mon besoin de faire confiance à mes collaborateurs génère de la confiance en retour et de l’engagement. Je suis convaincu qu’une entreprise innove et évolue que si l’ensemble du personnel accède à des formations continues.
L’avenir s’annonce complexe. Plus que jamais, tant dans notre domaine que dans tous les secteurs économiques, ce sont les équipes qui feront la différence. Mon inquiétude me pousse à être encore plus attentif aux enjeux et aux opportunités. Mes collaborateurs et notre modèle d’organisation me rendent par contre optimiste. C’est dans cet esprit que je suis redescendu de la montagne pour aborder 2017.