Supplément GSE 2023

«J’aimerais connaître ton avis, même si tu n’as pas le pouvoir de décision»

En tant que CEO et président du groupe Globetrotter, André Lüthi aime voyager. Lors du congrès GSE du 20 septembre 2023, il s’exprimera sur une autre forme de gouvernance et sur ce qui fait le succès du groupe. Ce que l’on peut déjà vous révéler: le secret de la réussite ne réside pas dans un business plan sophistiqué, mais dans une gestion basée sur des valeurs et la passion des collaboratrices et des collaborateurs pour leur métier.

En 2020, 4 des 21 filiales de Globetrotter Travel Service ont dû fermer à cause de la pandémie. La décision de qui allait être licencié-e a été laissée aux collaboratrices et aux collaborateurs. Cela a généré un certain tumulte médiatique. Pourquoi avoir choisi cette solution?

André Lüthi: Un vent frais souffle effectivement sur le monde du tourisme. Mais c’est comme au pôle Nord: s’habiller correctement permet de mieux se protéger. Supprimer des postes est toujours douloureux, en particulier lorsque cela n’a rien à voir avec de mauvaises décisions stratégiques. Il existe cependant différentes manières de procéder à des licenciements. Face à sa plus grande crise économique, la direction de Globetrotter Travel Service, qui est l’une des treize entreprises de Globetrotter, a décidé de sortir des sentiers battus et de consulter l’ensemble du personnel afin de trouver des solutions communes pour sauvegarder le plus grand nombre de postes. Le CEO était par ailleurs présent dans chacune des équipes et a mené lui-même ces entretiens difficiles.

Vous suivez certainement également d’autres principes de leadership…

Oui. Pour vous donner un exemple: lorsqu’une personne gravit une montagne, son but est de parvenir au sommet avec le guide. Ce n’est pas toujours la cas dans les entreprises. Les cadres et leurs équipes poursuivent souvent des objectifs différents. Si les cadres savent en général où ils vont, c’est rarement le cas des subordonnés. Parfois les deux ne le savent pas ou alors uniquement le subordonné. Ce serait beaucoup plus facile si les cadres communiquaient plus. De nombreux CEO ne voient et n’encouragent que le chemin direct. C’est la raison pour laquelle de nombreux cadres foncent tout droit et ne réalisent pas – comme dans le cas d’une chute de pierres en montagne – que cela peut s’avérer dangereux pour l’entreprise et qu’ils devraient emprunter une autre voie. Ou que l’équipe n’est plus au complet. Pour se laisser guider, en montagne ou en entreprise, il faut avoir confiance. Des alpinistes encordés, par exemple, font confiance à leur guide pour trouver le bon chemin. Un guide sait s’il peut laisser beaucoup ou peu d’autonomie et quand il doit faire une pause ou aller récupérer quelqu’un qui s’est égaré. Les cadres devraient faire de même dans les entreprises.

Comment montrez-vous de la reconnaissance?

L’important c’est la confiance que l’on témoigne aux collaboratrices et aux collaborateurs.
Concrètement, cela signifie que l’on ne va pas regarder de travers un collaborateur qui arrive à huit heures et quart plutôt qu’à huit heures. Et ce n’est pas une évidence qu’il fasse des heures supplémentaires. De plus, les outils de saisie des heures, de reporting ou de prévision ou les entretiens de fin d’année avec des tableaux Excel bizarres ont tendance à désécuriser les employés. Ce n’est pas à cela que ressemble la reconnaissance. Il y a de nombreuses manières de l’exprimer, mais pas par des consignes ou uniquement avec le portemonnaie.

Comment savez-vous que vos collaboratrices et vos collaborateurs se portent bien?

Lorsque l’on est à l’écoute des équipes et que l’on a une relation de confiance avec les collaboratrices et les collaborateurs, les informations remontent automatiquement. Pas besoin de tableau, de service d’assistance ou d’un diplôme particulier. Si quelque chose ne va pas, je le remarque au comportement d’une personne. Avec les bonnes questions, on obtient une réponse honnête. Mais les indicateurs précoces sont par exemple aussi une augmentation des plaintes clients ou une mauvaise ambiance dans l’équipe.

Alors pourquoi tant de dirigeants se cachent-ils derrière les chiffres?

Ils ont peur de briser les règles. Les personnes ayant étudié la gestion d’entreprise, le marketing et l’économie s’accrochent souvent à des modèles et pensent ainsi faire juste. De plus, en restant sur les rails, les cadres ne s’exposent pas à la critique et s’assurent leur bonus. Le succès ne vient pourtant pas en suivant – mais lorsque l’on a le courage d’écouter son cœur et ses intuitions pour sortir de temps en temps des sentiers battus.

De quoi parlerez-vous lors du congrès GSE 2023?

De ma philosophie du management, de comment elle se traduit dans la pratique et du fait que notre succès ne dépend pas d’un business plan astucieux, mais plutôt d’une gestion basée sur les valeurs et de la passion des collaboratrices et des collaborateurs pour leur métier.

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Photo portrait de Corinne Päper

Corinne Päper a été la rédactrice en chef de HR Today en Suisse Alémanique entre 2008 et 2023.

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