Supplément GSE 2023

Job-Stress-Index: la Suisse avant, pendant et après la pandémie de coronavirus

Tous les deux ans, Promotion Santé Suisse mène une étude sur le stress auprès de la population active en Suisse. Les chiffres pour la période Covid sont maintenant disponibles. Alors que le rapport entre contraintes et ressources reste équilibré, un autre indicateur se révèle inquiétant: le taux de personnes actives se sentant émotionnellement épuisées dépasse pour la première fois les 30 pour cent.

Tous les deux ans depuis 2014, en collaboration avec l’université de Berne et la haute école de sciences appliquées de Zürich (ZHAW), Promotion Santé Suisse récolte des données sur le stress au travail et ses conséquences sur la santé et la productivité des personnes actives en Suisse. En raison de la pandémie, une étude longitudinale avec trois temps de mesure (2020-2021-2022) a été menée en plus des mesures habituelles de février 2020 et 2022 (voir l’encadré). Cela fournit des données sur l’effet de la pandémie sur les stress au travail de la population active en Suisse et permet d’en déduire des recommandations.

Job Stress Index au point d'équilibre

«Le Job Stress Index 2022 montre que les personnes actives en Suisse disposent en moyenne d’un rapport entre les contraintes et les ressources équilibré», explique Regina Jensen, responsable de projet gestion des impacts GSE chez Promotion Santé Suisse. Il se situe à 50.66 pour l’année 2022 et ne diffère ainsi pas significativement de 2020. «La tendance générale est cependant défavorable – la valeur du JSI augmente depuis 2014 et 2016. Cela signifie que les contraintes évoluent en défaveur des ressources.»

Durant la pandémie (2020 – 2021 – 2022), le rapport entre les contraintes et les ressources professionnelles, ainsi que le bien-être et la perte de productivité liée à la santé restent cependant globalement stable. Selon l’experte, «les personnes interrogées ont globalement bien géré les nouvelles exigences générées par la pandémie. Les contraintes ont pu être amorties et les ressources mobilisées – bien que pour certaines personnes ou professions, cela s’est avéré plus difficile.»

Taux stable de personnes actives dont le Job Stress Index se situe dans la zone critique

La part de la population active dont le Job Stress Index situe en zone critique était de 28.2 pour cent en 2022; ces personnes témoignent de plus de contraintes que de ressources. «Dans l’ensemble, les résultats montrent que le JSI est resté stable au niveau individuel entre 2020 et 2022», explique Corina Ulshöfer, co-responsable de projet et co-auteure des études «Job Stress Index». Cela signifie que plus de la moitié des personnes interrogées (53 pour cent) ont indiqué un même rapport contraintes-ressources à chaque temps de mesure. En 2022, un quart des personnes actives se situaient dans la zone favorable (26.4 pour cent); ces personnes disposent du plus de ressources que de contraintes.

L’épuisement émotionnel dépasse pour la première fois les 30 pour cent Une personne confrontée à plus de contraintes que de ressources sur le long terme se sentira émotionnellement épuisée après un certain temps sans phases de récupération. «En 2022, la part de la population active se sentant émotionnellement passablement à très épuisée dépasse pour la première fois la barre des 30 pour cent», indique Corina Ulshöfer. Il s’agit là d’un signal d’alerte qui devrait attirer l’attention des entreprises, selon la chercheuse. Les personnes émotionnellement épuisées sont plus à risque de présenter des arrêts maladie ou de développer un burnout, avec des conséquences à long terme. «Il n’existe pas d’effet d’accoutumance aux conditions de travail défavorables. Au contraire: le bien-être et la productivité diminuent de façon constante face à trop de contraintes», dit l’experte. À l’inverse, le renforcement des ressources, et ainsi l’amélioration du rapport contraintes-ressources, a un effet préventif sur le long terme.

«Ce qui est intéressant, c’est que les personnes actives étaient moins épuisées émotionnellement durant l’année de pandémie 2021», indique Corina Ulshöfer. Au cours des différents temps de mesure, l’épuisement émotionnel a légèrement baissé entre 2020 et 2021, puis à nouveau légèrement augmenté entre 2021 et 2022.

Le potentiel économique reste élevé

En 2022, le stress au travail a couté 6.5 milliards de francs à l’économie. Cela signifie que si l’ensemble de la population active disposait d’un rapport contraintes-ressources au moins équilibré, la Suisse pourrait économiser environ 6.5 milliards de francs par année et épuiser ainsi le potentiel économique. La part de pertes liées au présentéisme (environ 9 pour cent des heures de travail sont ainsi perdues) est plus élevée que pour l’absentéisme (environ 5 pour cent). «En 2020, la hauteur des pertes est similaire à 2020. Ici aussi, 2021 fait exception – nous avons observé considérablement moins de présentéisme et d’absentéisme», dit Dr. Regina Jensen. L’une des causes étant probablement que la réduction des activités sociales a empêché la diffusion des maladies infectieuses.

Bien que la majorité des absences soient liées à des maladies: «13 pour cent des pertes de productivité liées à l’absentéisme et au présentéisme sont dues au stress au travail», indique la responsable de projet de Promotion Santé Suisse. Les entreprises disposent ici d’un levier important en réduisant les contraintes et en renforçant les ressources.

L‘influence des changements sur le Job Stress Index

«Il existe un lien fort entre le Job Stress Index, l’épuisement émotionnel et le potentiel  économique», explique Regina Jensen. Pour un taux de travail de 86 pour cent, une augmentation d’un point sur le Job Stress Index représente 5.2 heures d’absence au travail supplémentaires par personne et par année. «Transposé sur les personnes avec un JSI constant de 60 points en moyenne, cela représente un gain potentiel de 6.5 jours de travail par année et par personne, si ces personnes disposaient d’un rapport contraintes-ressources équilibré». Il s’avère ainsi important, tant pour les personnes et les entreprises concernées, que pour la société dans son ensemble, de traiter le stress au travail.

Recommandations pour les entreprises

Promotion Santé Suisse formule les constats et recommandations suivants aux entreprises et spécialistes RH:

Le niveau toujours stable et élevé du Job Stress Index, ainsi que l’augmentation lente mais constante de l’épuisement émotionnel devraient être perçus comme un indicateur d’alerte. Il est donc important, notamment au vu des conséquences économiques, de réduire les contraintes et de promouvoir les ressources partout où cela s’avère possible.

Un rapport contraintes-ressources favorable est ainsi un atout considérable pour les entreprises. Il s’agit d’un facteur de protection pour la santé des employé-e-s aussi, ou en particulier, lors de phases de contraintes accrues ou de situations de crise. Il contribue ainsi à maintenir la productivité en situation de crise et à gérer ses crises avec des collaboratrices et des collaborateurs en bonne santé.

Il est avantageux de déployer une GSE de façon systématique. Le premier pas est d’identifier les contraintes et les ressources au sein de l’entreprise, par exemple à l’aide d’une Job Stress Analysis. L’étape suivante est l’intégration de la promotion de la santé dans la structure et les processus, afin de mettre en œuvre la gestion de la santé en entreprise (GSE) de manière systématique. Regina Jensen est persuadée que «les standards de qualité, tels que le label «Friendly Work Space», peuvent soutenir la démarche et distinguer les mises en œuvre réussies».

Les indicateurs suivants sont récoltés depuis 2014:

  • Job Stress Index (JSI): Le JSI représente le rapport moyen entre certaines contraintes et ressources au travail chez les personnes actives en Suisse; plus le chiffre entre 0 et 100 est élevé, plus les contraintes d’une personne sont importantes en comparaison à ses ressources.

  • Part de le population active dont le Job Stress Index se situe dans la zone critique: Cet indicateur représente la part en pourcentage des personnes actives disposant de considérablement plus de contraintes que de ressources au travail. La zone critique inclut les personnes dont les JSI dépasse 54.

  • Épuisement émotionnel: Cet indicateur représente la part en pourcentage de la population active se sentant émotionnellement épuisée. La zone critique inclut toutes les personnes se disant émotionnellement passablement épuisées et très épuisées.

  • Potentiel économique: Cet indicateur représente la perte de productivité liée à  l’absentéisme et au présentéisme. Il exprime en CHF le gain de productivité qui pourrait être atteint si chaque personne confrontée à plus de contraintes que de ressources pouvait évoluer vers un rapport équilibré.

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Jelena Martinelli a travaillé comme chef d'équipe et de département pour Swiss Re et Swisscom. Après une formation de rédactrice publicitaire et de rédactrice en ligne, elle travaille maintenant comme consultante en communication.

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