Initiative 1:12

La droite veut éviter une nouvelle défaite sur les salaires

Après le "oui" à l'initiative contre les rémunérations abusives, le texte "1:12 - pour des salaires équitables" fait trembler la droite et les entrepreneurs. A leurs yeux, l'acceptation de l'initiative de la Jeunesse socialiste le 24 novembre serait catastrophique pour l'économie. A l'inverse, la gauche y voit un instrument pour enrayer les abus salariaux.

Berne (ats) Dans un pays où la plupart des salariés rechignent à avouer leur revenu, la Jeunesse socialiste a lancé un pavé dans la marre. Son initiative exige que, dans une même entreprise, le salaire le plus haut ne dépasse pas de plus de douze fois le salaire le plus bas. Des exceptions seraient possibles par exemple pour les apprentis ou les personnes bénéficiant d'un emploi protégé.

Le but de l'opération est de limiter les dérives salariales constatées ces dernières années. Ainsi, l'ex-chef de Novartis Daniel Vasella gagnait 219 fois plus que l'employé le moins bien rémunéré du groupe pharmaceutique. Il y a une trentaine d'années, le patron d'une grande entreprise ne touchait en moyenne que six fois plus qu'un salarié normal.

Les partisans, qui se recrutent dans les rangs de la gauche et des Verts, foisonnent d'exemples illustrant la nécessité de plafonner les indemnités "astronomiques des top-managers". Pour eux, l'initiative permettra d'augmenter les salaires minimaux et, en créant la transparence sur les revenus, de protéger les travailleurs des discriminations.

Socialistes tiraillés

Ce discours est jugé simpliste même dans certaines franges socialistes. Plusieurs élus communaux et cantonaux, à l'instar de la maire de Zurich Corine Mauch ou du conseiller aux Etats Hans Stöckli (BE), s'opposent à l'initiative. Le président du parti Christain Levrat parle quant à lui de "1:12" comme d'une "utopie nécessaire, d'un débat indispensable sur la justice sociale et la répartition des richesse".

Faute de moyens financiers, les initiants ont mené jusqu'ici une campagne plutôt en retrait, marquée surtout par des banderoles rouges accrochées aux fenêtres d'immeubles. Avec un couac à leur actif, puisque les drapeaux en question ont été produits en Chine.

Spectre de Minder

Les opposants, réunissant tous les partis bourgeois, sont certes plus actifs, mais veillent à ne pas utiliser l'artillerie lourde. Le spectre de l'initiative de Thomas Minder contre les rémunérations abusives, acceptée par le peuple le 3 mars malgré les millions de propagande injectés par l'économie pour la contrer, plane encore.

Même si elle assure disposer cette fois de nettement moins d'argent, l'alliance des partis bourgeois, emmenée par l'Union des arts et métiers (USAM), espère gagner la bataille sur le terrain, plutôt qu'à coup d'annonces estampillées "non au diktat salarial de l'Etat".

Selon ses adversaires, le texte ôtera aux dirigeants et aux syndicats la compétence de négocier les rémunérations, neutralisant un partenariat social qui a fait ses preuves. Les entreprises risquent de déléguer ou délocaliser davantage de tâches peu payées, voire de les supprimer.

Autre menace: l'ensemble des salaires seront tirés vers le bas. Finalement, le plafonnement des rémunérations entraînera pour les caisses publiques et les assurances sociales un manque à gagner qui devra être compensé par des hausses d'impôts.

Bataille de chiffres

Sur cette question, les deux camps se basent sur des chiffres et des études diamétralement opposés. Pour les uns, les caisses de l'AVS pourraient perdre jusqu'à 600 millions et le fisc 1 milliard, alors que la gauche brandit un document parlant de conséquences allant de 30 millions de manque à gagner à 50 millions d'excédents.

Le Centre de recherches conjoncturelles de l'EPF Zurich (KOF) affirme pour sa part que les effets sur les finances publiques et les assurances sociales ne peuvent pas être chiffrés. D'autant que nombre d'experts estiment que les entreprises pourront facilement contourner la réglementation par l'externalisation de certaines tâches.

L'analyse du KOF montre que quelque 1200 entreprises, sur les près de 320'000 implantées en Suisse, seraient touchées, leur grille de revenus laissant apparaître un salaire au moins douze fois supérieur au plus modeste. Mais les gros écarts de revenus font figure d'exception. Le rapport moyen dans les entreprises suisses s'élève à 1:2,2, d'après les chercheurs.

Bureaucratie

Autre argument des adversaires, l'initiative générerait une bureaucratie excessive au vu du contrôle nécessaire des rémunérations. Le ministre de l'économie Johann Schneider-Ammann a même parlé d'"autogoal".

A ses yeux, une intervention de l'Etat dans la fixation des salaires ne permettra pas de rétablir l'équilibre social désiré. L'initiative fixe uniquement l'écart salarial toléré. Elle ne prévoit pas une redistribution des moyens économisés par une baisse des revenus supérieurs.

commenter 0 commentaires HR Cosmos
Texte: ATS

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