La légitimité contestée des managers
L’année 2025 est seulement à sa moitié, mais l’intensité de travail est à son comble: on se croirait juste avant Noël, période de l’année traditionnellement censée être la plus rythmée et la plus stressante pour quiconque a un peu de responsabilités dans son travail. Les délais pressants à tenir, les urgences qui tombent de tous les côtés, les équipes épuisées et des agendas surgonflés... Cela promet pour la fin de l’année!

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Le rythme d’une intensité rare n’est pas notre seul défi pour 2025, en tant que managers, cheffes·fs d’entreprises, dirigeantes·ts de société, parmi tous ceux auxquels nous sommes habituées·és et qui font l’ADN de nos responsabilités, à savoir les objectifs des sociétés pour lesquelles nous œuvrons, les besoins de nos clients, les risques économiques ou les opportunités à saisir, les innovations commerciales à mettre en place, l’obser- vation de l’évolution des marchés de notre branche d’activités, entre autres.
Dans ce contexte déjà très intense, il est un défi dont il serait opportun d’avoir conscience: celui de la légitimité du manager. Un nombre croissant d’entre elles/eux sont confrontées·és à des situations où leur autorité, leurs décisions, leur façon de gérer leurs équipes, sont contestées et remises en question, parfois vertement, par des collaboratrices·teurs.
La légende urbaine selon laquelle le chef a toujours tort, le patron ne pense qu’à lui, semble devenir une vérité et se généraliser dans l’esprit d’une majorité d’employées·és. C’est la légitimité managériale qui est ébranlée, et cela devient un vrai souci dans les entreprises de toutes tailles.
La légitimité de l’autorité du leader ne viendrait-elle donc plus uniquement de sa position hiérarchique? Cette crise de l’autorité pourrait avoir montré ses premiers signes il y a une quinzaine d’années, quand on a commencé à constater que l’autorité des enseignants ne tenait plus à leur position d’experts détenant un savoir, mais à la combinaison de ce savoir et de leur charisme potentiel auprès de leurs élèves, les parents étant les premiers contestataires de cette légitimité du professeur que tout le monde croyait incontestable depuis la fin du XIXe siècle. Actuellement, les enseignants·es sont les plus touchés·es par le burn-out, ceci expliquant en grande partie cela.
Charisme et soft skills
Ce premier constat, au niveau micro-organisationnel de l’école, a pris de l’ampleur pour se retrouver au niveau macro-organisationnel des entreprises. Aujourd’hui, un leader est sans cesse contesté dans ses positions et ses décisions s’il n’a pour atout que son expertise dans son domaine. Sans avoir des soft skills suffisants, un charisme révélé, une écoute active des membres de son équipe, une dose de diplomatie et du temps à consacrer à chacune et chacun d’eux, il sera probablement défié régulièrement par eux. J’ajouterais que je vois aujourd’hui des managers qui se retrouvent harcelés par des collaborateurs... le burn-out des leaders tend à devenir plus courant qu’on ne le croit, et pas toujours pour les raisons habituelles.
Puisque la situation en est là, force est de constater que des abus bien trop nombreux se sont produits très largement dans des contextes hiérarchiques où le leader avait tout pouvoir et où aucune remarque sur ses positions ne pouvait même être entendue. Ajouté à la modification sociétale globale que nous vivons à toute vitesse depuis vingt ans, il n’est pas surprenant que le pouvoir du leader se retrouve mis à mal même dans les cas où il est juste et pertinent.
Les collaborateurs ont très rarement la vue d’ensemble de ce qui va motiver leur manager à s’orienter ou décider dans tel ou tel sens. Difficile donc de leur demander de suivre ce dernier, alors même que sa légitimité n’est plus considérée et que chacun peut y aller de son avis, de sa proposition et de ses arguments (grâce au web et à l’IA, n’importe qui peut s’emparer de n’importe quel sujet et s’en croira vite un expert).
C’est là que réside le vrai défi, à mon sens, pour les managers d’aujourd’hui et de demain, et quel que soit leur niveau de responsabilités: créer un cadre de confiance solide et durable dans une société basée désormais sur la défiance. Cette confiance sera gagnée honnêtement auprès des collaborateurs et fondée sur des valeurs qui uni- ront les membres d’une équipe, dans lesquelles managers et suiveurs pourront s’identifier et être sécurisés. Un sacré challenge, mais qui sera une victoire pour tout le monde!