Conseils pratiques

La mobilité internationale en mutation

L’Association GroupExpat a récemment organisé un événement en commun avec le Groupement des Entreprises Multinationales «GEM» à Genève sur ce sujet, dont voici l’essentiel.

Quel avenir pour la mobilité des collaborateurs? Certains experts prédisent la disparition de l’expatriation traditionnelle alors même que l’on entend toujours plus parler de la globalisation et de l’importance des expériences professionnelles dans différentes cultures.

Comment s’y retrouver parmi ces tendances opposées? Comment satisfaire à l’avenir les besoins des collaborateurs en mobilité tout comme ceux des entreprises? Quelles sont les pistes concrètes pour les professionnels RH? Quels sont les défis et comment les adresser?

Ces questions sont cruciales, non seulement pour les professionnels de la mobilité et des ressources humaines, mais également pour les employés en mobilité.

Plus de flexibilité et d’agilité

De récentes études du Boston Consulting Group et de McKinsey ont mis en évidence une forte corrélation entre la diversité au sein d’une entreprise et le résultat économique de celle-ci. La diversité culturelle et le genre en sont les contributeurs majeurs. Ces recherches ont d’ailleurs conduit un grand nombre d’entreprises à implémenter des politiques de «Diversity & Inclusion».

En parallèle, les profils des collaborateurs en mobilité ont évolué (familles recomposées ou mono-parentales, parents à charge, célibataires, etc.) tout comme les besoins des entreprises (programmes pour jeunes diplômés, gestion interim, projets, etc.) et les conditions dans le pays de destination (notamment les taxes et la sécurité sociale).

Tous ces facteurs appellent de multiples formes de mobilité telles que les missions de court terme, le commuting, les voyages d’affaires qui peuvent, parfois, même être remplacées par une collaboration virtuelle. Dès cette année, ces formes alternatives de mobilité devraient représenter la moitié des cas. En même temps, le nombre des expatriations traditionnelles recule.

L’influence de tous ces facteurs sur les politiques de mobilité est bien réelle. Le nombre de politiques–cadre proposant par exemple des benefits à choix basé sur un système de points ou un montant forfaitaire à disposition de l’employé mobile.

Néanmoins, il reste impératif de concilier cette flexibilisation avec le respect de l’équité de traitement pour tous les employés en mobilité et la responsabilité de l’employeur pour le duty of care.

De prestataire de services à partenaire

Les prestataires de services dans le domaine de la mobilité internationale suivent ces évolutions et développent leur expertise pour devenir de véritables partenaires. Certains proposent des publications intéressantes qui constituent une source précieuse d’informations en offrant des détails de première importance, notamment en termes d’immigration, de coûts locaux (à destination) et de sécurité.

Un nombre croissant de prestataires dispose désormais de plateformes internet d’informations, proposent des formations interculturelles ainsi que l’accès à une communauté sur-place, pour une meilleure intégration lors de la mission à l’étranger.

De multiples entreprises envisagent d’ailleurs de sous-traiter un nombre croissant d’activités dans la gestion de la mobilité comme l’administration, l’immigration, l’émission des contrats de mobilité et le paiement des salaires.

Néanmoins, il reste impératif de veiller à renforcer la réputation de l’employeur afin de favoriser la loyauté des collaborateurs.

La technologie comme alliée

Dans le domaine de la mobilité aussi, les applications sont de plus en plus nombreuses et constituent un outil efficace et intéressant. En effet, les plateformes d’e-learning, de communication interne et de collaboration font désormais partie des standards dans la plupart des entreprises.

Le focus aujourd’hui est sur les coûts et l’analyse de données quantitatives dans les ressources humaines et la mobilité n’en est pas exemptée. Tandis que 67% des entreprises mesurent les coûts et le volume des mobilités, seuls 35% analysent la satisfaction de leurs employés mobiles et seulement un quart évalue la performance des prestataires. La digitalisation peut aider et faciliter le planning de la mobilité, la projection des coûts de différents scénarios et la paie par exemple.

Des outils comme les Chatbots accroissent l’accessibilité des RH aux collaborateurs tout en augmentant l’efficacité. Ces outils proposent des réponses précises en temps réel aux questions récurrentes. Les demandes plus complexes sont escaladées vers les équipes RH sans que le demandeur se rende compte de la différence.

Malgré toutes les possibilités qu’offre la technologie, il ne faut pas oublier la réglementation sur la protection des données, ni l’importance de l’aspect humain surtout pour une population active à l’étranger.

De la compliance à l’expérience et au bien-être du collaborateur


Pour que l’employé puisse vivre une expérience positive, son bien-être est essentiel et peut être plus difficile à maintenir durant une mobilité. Quelques récentes études publiées par des assurances maladie internationales font ressortir qu’avant une mobilité, les collaborateurs se soucient plus des risques de cancer et des maladies cardiovasculaires.

Cependant le risque réel est d’une autre nature: les collaborateurs en mobilité ont deux fois plus de risque de souffrir d’une maladie psychologique, telle que la dépression, l’anxiété ou des troubles du sommeil. Qu’est-ce qui rend les employés mobiles plus vulnérables? Le stress lié au défi professionnel, à la perte de leur réseau de soutien professionnel et privé, le changement de culture et les éventuelles difficultés liées au pays de destination.

La meilleure pratique est que l’employeur instaure un contrôle de santé physique et psychologique avant une mobilité et au retour. Ceci est plus facile à dire qu’à faire car la santé psychologique est encore souvent considérée comme tabou et reste une question très délicate à aborder pour l’employeur.

Les entreprises sont donc confrontées à devoir respecter des règles de plus en plus nombreuses et complexes de compliance tout en offrant une expérience de mobilité attrayante et facile pour le collaborateur.

L’instabilité croissante

Tout le monde parle de globalisation et pourtant le protectionnisme s’accentue, ayant des conséquences très concrètes sur l’immigration, la fiscalité et autres aspects des législations.

Parfois, tout à coup, la situation politique devient instable comme récemment à Hong Kong. Certains pays rencontrent des difficultés économiques, comme par exemple le Venezuela avec une inflation de 930% en 2018. La sécurité personnelle des collaborateurs est également une préoccupation, que ce soit à cause de la criminalité ou de catastrophes naturelles.

La situation évolue et change de plus en plus rapidement, ce qui ne facilite pas l’action rapide et adéquate de la part de l’employeur afin de réaliser son Duty of care. Souvent, les partenaires externes sur place peuvent donner des informations fiables et actuelles.

Amélioration de l’accès à la mobilité

Une récente étude de Deloitte a révélé que la mobilité permettait d’attirer les nouvelles générations et qu’elle constitue un facteur de motivation important.

Par ailleurs, l’immersion dans une autre culture favorise le développement des réflexes de leadership du 21ème siècle comme la curiosité, la collaboration, la compréhension et l’empathie. De plus, l’échange permet de renforcer la culture de l’entreprise.

Afin d’optimiser le retour sur investissement de la mobilité, cette dernière doit s’inscrire dans les programmes de Talent Management pour l’identification et le développement des talents internes.

Toutefois, il faut pouvoir tenir de possibles promesses faites durant le processus de recrutement ou en rapport avec la marque employeur.

En conclusion, la mobilité internationale est en pleine mutation ce qui offre des opportunités de se tourner vers des solutions novatrices et créatives. L’augmentation de l’agilité et la gestion du risque deviennent de plus en plus importantes.

L’équité de traitement reste une priorité et fait partie du devoir de l’employeur. Il convient également de veiller à la motivation des employés mobiles et de trouver la meilleure façon de satisfaire le besoin de l’entreprise en fonction de la situation concrète et en tenant compte du retour sur investissement. Le développement et la capitalisation de l’expérience des employés mobiles devient une priorité.

Cet article reflète des réflexions qui sont au cœur des discussions et de l’activité de GroupExpat, une association à but non lucratif qui réunit les spécialistes en mobilité des entreprises multinationales de la région lémanique ainsi que les prestataires du domaine.

Si la réflexion et les échanges sur cette thématique vous intéressent, nous vous invitons à consulter le site https://www.groupexpat.com et, pourquoi pas, à nous rejoindre.

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Claudia Noth est la DRH du groupe industriel LEM à Genève.

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