«La pression sur les coûts exige plus d'agilité dans l'armée suisse»
Hannes Bühlmann a rédigé un travail de master sur les formes de travail agiles au sein d'une structure hiérarchique comme l'armée suisse.
Photo: Simon Infanger / Unsplash
Vous avez mené un sondage au sein du département RH du domaine «défense» du Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS) pour évaluer l’intérêt d’une organisation plus agile. Quelle fut leur réaction?
70% des personnes sondées ont répondu à mon enquête, ce qui montre une réelle curiosité pour ce sujet. Environ trois quarts des répondants se sont dit intéressés par l’agilité et souhaiteraient en savoir plus. J’ai aussi constaté une forme de scepticisme venant de la base. Pour eux, l’agilité est une proposition nébuleuse qui émane des séances de travail menées par l’encadrement. Cette déconnexion de la base avec les niveaux hiérarchiques supérieurs n’est pas nouvelle.
Le budget de l’armée suisse n’augmentera plus ces prochaines années. L’agilité est donc une manière de rendre l’organisation plus efficiente?
Tout à fait. La pression sur les coûts exige plus d’agilité dans l’armée suisse. Dans le département RH par exemple, nous sommes aujourd’hui 35 personnes et ce contingent n’augmentera pas à l’avenir. La deuxième raison qui parle en faveur de l’agilité est la digitalisation croissante. Nos systèmes deviennent de plus en plus complexes et le travail devient hybride, avec une augmentation du Home Office par exemple. Enfin, l’agilité va contribuer à notre marque employeur. Les talents recherchent cette agilité et ont tendance à privilégier nos concurrents directs, La Poste, Swisscom ou les grands assureurs du pays. Les nouvelles formes de travail sont très appréciés par ces jeunes générations.
Quelles unités au sein du DDPS seraient les plus propices à une organisation agile?
Toute l’administration, ce qui représente environ 7000 personnes sur un effectif total de 10’000 employés. C’est là que le changement d’état d’esprit me semble le plus indispensable. La culture y est encore très statique. Mais cela impliquerait de modifier les structures organisationnelles et les processus. Par ailleurs, nous menons actuellement plus de cent projets d’envergure qui sont déjà, pour la plupart, conduit avec des méthodes agiles. Il y a en outre plus d’un millier de petits projets qui seraient aussi concernés. A noter que je le fais déjà dans ma petite équipe RH de neuf personnes. Quand un collègue estime qu’un processus est trop lent, nous le modifions.
Dans quelles situations le command & control restera-t-il la règle?
Dans toutes les situations spéciales et imprévisibles, que cela soit à l’armée, à la police ou au service du feu par exemple. Toutes ces situations d’urgence exigent un processus de décision très clair avec aucune marge de manœuvre pour des erreurs d’appréciation. La formation de base militaire des écoles de recrues restera dans ce modèle. Par contre, j’imagine que certaines activités de formation des métiers de l’armée suisse pourraient devenir plus agiles. À noter que lors de ma carrière militaire sur le terrain, j’ai intégré le Commandement des forces spécialises (CFS) comme chef de classe dans un cours spécialisé de reconnaissance au Tessin. Nous étions des petites équipes de 6 à 9 personnes et chacun devait être capable de prendre le lead selon la situation. Cela impliquait un état d’esprit d’ouverture et d’écoute de la part de nos officiers.
* Agile Arbeitsformen in einer hierarchisch geprägten Unternehmung – Utopie oder Chance? – Bedeutung von Agilität für die HR Administration der Gruppe Verteidigung (VBS). Quantitative Online Befragung bei HR Mitarbeitenden, 2021.