Prévoyance vieillesse

La réforme des retraites fâche tant à gauche qu'à droite

Retraite des femmes à 65 ans, baisse des rentes du 2e pilier, hausse de celles de l'AVS: le 24 septembre, les citoyens décideront s'ils acceptent la réforme des retraites. L'UDC, le PLR, une partie de l'économie, de la gauche et des femmes n'en veulent pas. Le Conseil fédéral juge ce compromis essentiel pour l'avenir du système.

(ats) Plus de vingt ans après la dernière réforme de l'AVS, seule la nécessité de revoir l'assurance vieillesse fait l'unanimité. Sans ce projet, le fonds AVS accusera un déficit dépassant 10 milliards de francs en 2032 et les caisses de pension continueront à puiser dans les fonds des actifs pour servir les rentes LPP des aînés.

Compromis équitable

Pour le Conseil fédéral, le PS, les Verts, le PDC, le PBD et le PVL, la réforme est un compromis équitable, social et indispensable pour assurer le financement des rentes à venir. Si rien n'est fait, ce sera aux jeunes générations d'en supporter les conséquences.

Pour permettre au système des piliers de la prévoyance de s'adapter à l'évolution de la société, il faut sortir des guerres de tranchées, selon les partisans du projet. "Personne n'a exactement ce qu'il voulait", admet le conseiller fédéral Alain Berset.

Augmentation des rentes AVS

Le financement prévu fait participer tout le monde via une hausse de la TVA de 0,6%. Les femmes devront travailler un an de plus, mais l'accès au 2e pilier, dont un demi-million d'entre elles ne disposent pas, sera facilité.

Dans le deuxième pilier, le taux de conversion du capital en rente sera progressivement ramené de 6,8% à 6%. Pour que le peuple accepte une baisse si forte, des compensations ont été prévues dans l'AVS: 70 francs de plus pour les nouveaux retraités et un relèvement de 150 à 155% du plafond de rente pour les couples mariés. Avec cette compensation, c'est la première fois depuis 40 ans que les rentes AVS augmentent.

Projet trop généreux

Cette mesure est restée en travers de la gorge du PLR, de l'UDC et d'une partie de l'économie. Ils dénoncent un soutien trop généreux qui profite à tous, sauf aux retraités actuels. Ceux-ci ne sont cependant pas concernés par les mesures prévues. De manière générale, la droite trouve que la réforme renforce démesurément l'AVS.

Les plus grandes organisations interprofessionnelles romandes soutiennent cependant le projet, estimant que c'est un premier pas vers l'assainissement du système.

Référendum de la gauche

Une partie des organisations féminines et certaines sections cantonales de la gauche et des syndicats rejettent quant à elles l'augmentation de l'âge de la retraite des femmes. Ce point les a poussées à lancer un référendum contre la loi. Pour elles, tant que l'égalité salariale n'est pas acquise, il n'est pas question pour les femmes de travailler jusqu'à 65 ans.

Alain Berset joue gros avec cette réforme mastodonte qui est passée sur fil au Parlement. Selon le résultat, elle représentera un brillant succès ou un cuisant échec pour le ministre des assurances sociales. Ses prédécesseurs radicaux se sont cassés les dents sur ce sujet.

La réforme comporte deux volets. Elle n'entrera en vigueur que si le peuple et les cantons disent oui à la révision de la constitution pour augmenter la TVA. Comme le référendum lancé par des syndicats romands a abouti, le peuple devra se prononcer en plus sur la loi qui réforme les deux piliers. Un seul "non" suffira pour tout faire capoter.

Avantage aux familles et aux bas revenus

La réforme des retraites devrait garantir le niveau de la plupart des rentes actuelles, voire même faire augmenter celle des petits revenus. Les hommes de 44 ans gagnant 7000 francs sont les perdants du projet sur lequel les citoyens se prononceront le 24 septembre.

Parmi les points principaux de la réforme d'Alain Berset figurent l'augmentation de l'âge de la retraite des femmes à 65 ans et la baisse du taux de conversion de 6,8 à 6% dans la prévoyance professionnelle (LPP).

Cette baisse, qui implique une diminution du montant de la rente, sera compensée de deux manières: via une hausse des cotisations des salariés et patrons dans le deuxième pilier ainsi qu'une revalorisation des rentes AVS, de 70 francs pour les nouveaux retraités et un relèvement de 150 à 155% du plafond de rente pour les couples mariés.

Familles favorisées

L'Office fédéral des assurances sociales (OFAS) illustre les effets de la réforme via plusieurs profils types. La réforme sera favorable aux familles (couple marié avec deux enfants), et de manière plus générale, aux petits revenus.

Les couples mariés recevront jusqu'à 226 francs de plus par mois pour leur rente AVS. Les rentes du deuxième pilier augmenteront pour les familles les moins favorisées (8700 francs par mois, issus de deux salaires) entre 252 et 76 francs, selon l'âge des parents au moment de l'entrée en vigueur de la loi, en janvier 2018: plus les assurés sont jeunes, plus ils auront pu épargner.

Les familles dont les parents ont 44 ans et un revenu moyen (11'000 francs en tout) à élevé (14'000 francs) verront leur rente de la prévoyance professionnelle reculer, malgré l'augmentation des cotisations. Toutefois, ce recul sera toujours compensé par l'augmentation de la rente AVS prévue par la réforme.

Les riches quadras perdants

Les hommes seuls de 44 ans avec un revenu élevé (7000 francs par mois) verront leur rente professionnelle reculer sans qu'elle soit compensée. Selon le modèle de l'OFAS, cette baisse se chiffrerait à 110 francs mensuels, que le bonus AVS ne parvient pas à contrebalancer. Les plus de 45 ans font quant à eux partie de la génération transitoire et leur rente LPP ne bouge pas.

Les personnes seules et avec un petit salaire (3500 francs) percevront entre 16 et 167 francs par mois en plus avec leur rente professionnelle.

Les femmes, qui devront travailler un an de plus, verront en règle générale le niveau de leur avoir vieillesse augmenter. Sauf celles qui vivent seules, qui ont 44 ans et qui gagnent bien leur vie. La hausse des cotisations et une année de labeur en plus ne suffiront pas à empêcher leur rente professionnelle de reculer de 50 francs.

Cette baisse sera toutefois compensée par les 70 francs de l'AVS.

Augmentation des cotisations

Les cotisations AVS seront aussi relevées, de 0,15 point de pourcentage pour les salariés et autant pour les patrons. Concrètement, cette hausse varie entre 5 et 11 francs par mois pour les personnes seules et entre 13 et 21 francs pour les familles.

Par ailleurs, l'OFAS remarque que certains assurés verront peu voire aucun changement car leurs institutions de prévoyance ont déjà anticipé certaines mesures de la réforme.

Le projet, adopté de justesse par les Chambres en mars, vise à garantir jusqu'en 2030 le financement de l'AVS. La réforme doit être financée par une hausse de la TVA de 0,6 point de pourcentage.

Les coûts de la réforme

La réforme de la prévoyance vieillesse adoptée par le Parlement coûtera cher. Tour d'horizon des principales mesures et de leur incidence financière à l'horizon 2030, selon les estimations de l'administration fédérale.

Pour le 1er pilier

Au total, les mesures décidées par les Chambres fédérales pour le premier pilier augmentent les dépenses de 460 millions et les recettes de 1,79 milliard.

Dans le détail, l'augmentation de l'âge de la retraite des femmes de 64 à 65 ans réduira les dépenses de l'AVS de 1,2 milliard de francs et augmentera les recettes de 110 millions.

Tous les nouveaux rentiers verront leur rente AVS revalorisée de 70 francs et la rente des couples sera plafonnée à 155% d'une rente individuelle au lieu de 150%. Les deux mesures gonflent les dépenses de 1,37 milliard et les recettes de 1,4 milliard.

La flexibilisation de l'âge de la retraite qui pourra être prise entre 62 et 70 ans avec une pénalité ou un bonus de rente à la clé ne devrait avoir aucune incidence à moyen terme sur les coûts. En 2030, les dépenses supplémentaires se monteront à 290 millions et les recettes à 190 millions.

Pour la TVA

Le Parlement a opté pour une hausse de la TVA de 0,6 point de pourcentage qui rapportera des recettes de 2,1 milliards. La hausse s'effectuera en deux étapes. La première hausse de 0,3 point sera indolore car elle prendra le relais d'un coup de pouce temporaire à l'AI. La population ne verra les factures de TVA réellement augmenter de 0,3 point qu'en 2021. Le fonds AVS ne couvrira que 97% des dépenses en 2030.

Pour le 2e pilier

Le taux de conversion du capital de prévoyance en rente sera ramené de 6,8 à 6%. Pour compenser cette baisse des rentes, le Parlement prévoit de dépenser 1,6 milliard.

Dans le détail, il s'agit de comprimer un peu la déduction de coordination qui limite le salaire assuré et revoir les cotisations au 2e pilier, ce qui coûtera 1,2 milliard.

Les personnes d'au moins 45 ans bénéficieront d'une garantie des droits acquis qui alourdiront les dépenses de 400 millions.

Heurs et malheurs de l'AVS devant les urnes

Les Suisses ont voté plus souvent qu'à leur tour sur la prévoyance vieillesse, du baptême de l'AVS en 1925 aux récents échecs de réformes votées par le Parlement. Aperçu.

Le principe de l'assurance vieillesse et survivants a été accepté en votation populaire le 6 décembre 1925. Mais il a fallu du temps pour que l'AVS se concrétise. Un premier projet a été refusé dans les urnes en 1931. Ce n'est qu'après la guerre que l'assurance est devenue réalité. Une loi a été adoptée par le Parlement en 1946 avant d'être avalisée en 1947 par le peuple et d'entrer en vigueur en 1948.

Âge de la retraite

L'âge de la retraite était alors fixé à 65 ans pour tout le monde. Une rente de couple était octroyée lorsque l'époux atteignait 65 ans et son épouse 60 ans. L'âge de la retraite pour les femmes a ensuite été abaissé à 63 ans (1957) puis à 62 ans (1964) avant de repasser à 63 ans (2001) puis d'être fixé à 64 ans (2005).

Ces deux derniers relèvements, décidés dans le cadre de la 10e révision de l'AVS, ont été âprement combattus par les syndicats via trois initiatives populaires. Elles ont toutes été rejetées par le souverain. Une quatrième tentative de l'Union syndicale suisse pour une retraite flexible dès 62 ans a également été balayée par 58% des votants en 2008.

Auparavant, les Organisations progressistes de Suisse (POCH) ont aussi essuyé plusieurs échecs. Leur première proposition, 60 ans pour les hommes et 58 ans pour les femmes, a été rejetée en 1978. Nouveau bide dix ans plus tard avec une initiative pourtant moins ambitieuse (62 ans pour les hommes, 60 pour les femmes).

Echecs récents

Les dernières années ont été marquées par deux défaites cinglantes pour les autorités. Le 7 mars 2010, le peuple a repoussé par 72,7% une réduction du taux de conversion de 6,8% à 6,4% qui aurait conduit à une baisse accélérée des rentes du 2e pilier.

Le 16 mai 2004, la 11e révision de l'AVS, avec notamment la hausse de l'âge de la retraite à 65 ans pour les femmes, a été coulée par 67,9% des votants. Depuis, les Chambres fédérales planchent tant bien que mal sur des solutions. Une nouvelle mouture de la 11e révision a été sabordée par le National en 2010.

Il faut remonter à 1995, soit la 10e révision de l'AVS, pour trouver un succès devant le peuple. Le peuple avait aussi accepté la 9e révision de l'AVS en 1978.

Initiatives à la peine

Les initiatives populaires n'ont pas connu meilleure fortune. Le 25 septembre 2016, le peuple a rejeté à 59,4% l'initiative populaire "AVSplus: pour une AVS forte" des syndicats et de la gauche qui voulait augmenter les rentes AVS de 10% via un relèvement des cotisations.

Les autres votations fédérales ont porté sur le financement de l'assurance vieillesse. L'initiative des Verts pour taxer l'énergie et non le travail pour financer l'AVS a été repoussée en 2001, comme celle du PEV et de la gauche visant à recourir à une imposition fédérale sur les successions en 2015.

Entre les deux, un grand débat a été mené en relation avec la Banque nationale. Une initiative de l'UDC visant à donner 21 milliards de francs issus d'une vente d'or à l'AVS a été rejetée en 2002 en même temps que le compromis proposé par le Parlement. L'AVS a tout de même obtenu les 7 milliards attribués à la Confédération.

 

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Texte: ATS

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