La tyrannie des quotas
À chaque fois que plane le doute d’un déséquilibre dans la composition du personnel, les quotas sont appelés à la rescousse. Quotas de femmes, quotas d’apprentis et récemment même quotas de travailleurs temporaires.
Lors de la dernière «crise du franc fort», l’immigration a diminué, et le marché du travail s’est détendu. Illustration: 123RF
Presque tout le monde s’accorde à dire que la diversité est une bonne chose. Elle assure la pluralité des points de vue et offre de meilleurs résultats, si tant est que les différentes perspectives soient effectivement intégrées, crédibilisées et prises en compte. Mais peut-on imposer la diversité et forcer l’obtention de meilleurs résultats avec des quotas?
Les quotas de travailleurs temporaires sont le dernier pourcentage à la mode. Il est vrai que l’on pourrait reprocher à une entreprise qui ne travaille qu’avec des collaborateurs internes de manquer de sang neuf et de vision extérieure. Et de ne pas avoir la flexibilité nécessaire pour maîtriser les fluctuations de commandes.
En temps de crise, les collaborateurs internes doivent travailler davantage. Ils sont soumis à un grand stress et tombent plus souvent malades. À tel point que l’entreprise peut même être contrainte de refuser des commandes. Pendant les périodes plus calmes en revanche, les collaborateurs s’ennuient et se sentent inutiles. Leur potentiel au plan économique reste inexploité à l’échelle de la société alors même qu’il pourrait être instamment nécessaire en cas de manque de main-d’œuvre.
Et pourtant, il ne viendrait à l’idée de personne d’instaurer des quotas minimaux de travailleurs temporaires. Il est acquis que l’entreprise est capable d’évaluer elle-même si elle a besoin de travailleurs temporaires, et dans quelle mesure.
L’inverse est en revanche ultraprisé ces derniers temps auprès des syndicats, qui veulent introduire des quotas maximaux de travailleurs temporaires. Les syndicats entendent imposer aux entreprises la façon dont elles doivent structurer leur personnel et aux travailleurs la forme de travail qu’ils doivent privilégier. Un diktat qu’ils justifient par la prétendue précarité du travail temporaire.
C’est un non-sens. Le travail temporaire est rigoureusement encadré et réglementé par la loi fédérale sur le service de l’emploi et la location de services, ainsi que par la CCT Location de services. Les travailleurs temporaires ont des salaires et des heures de travail clairement définis, assortis d’une bonne assurance sociale en cas d’accident ou de maladie, et en vue de la retraite. Avec temptraining, les travailleurs temporaires disposent même de leur propre fonds de formation continue.
Pour de nombreux chercheurs d’emploi, le travail temporaire constitue une passerelle idéale pour entrer dans la vie active, ou encore un tremplin vers un emploi fixe. Le travail temporaire n’est donc pas la cause de la précarité, mais au contraire un moyen de s’en échapper.
Les quotas, qu’ils soient minimaux ou maximaux, ont un caractère tyrannique. Leur instigateur projette d’imposer aux entreprises et aux travailleurs sa conception du monde, car il se croit investi d’une certaine supériorité intellectuelle ou morale en la matière.
Gardons-nous-en, et faisons plutôt confiance à la capacité des travailleurs et des entreprises de trouver leur propre rythme de transformation. Car si on ne peut pas forcer la transformation, on ne peut pas l’empêcher non plus.