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«La valorisation du manager de proximité doit être l’affaire de tous»
Patricia Armand, responsable RH à la ville de Genève, a gagné le prix Interiman 2012 pour son mémoire de Master en ressources humaines et gestion de carrières des Universités de Genève, Lausanne, Neuchâtel et Fribourg.
Votre mémoire s’intéresse aux managers de proximité, appelés contremaîtres dans votre organisation. Ils sont très souvent nommés pour leur expertise technique et doivent ensuite affronter des défis d’encadrement qui font appel à d’autres compétences. Leur expertise technique reste cependant importante, dites-vous, car elle permet d’asseoir une légitimité... Au moment de recruter un contremaître, faut-il privilégier l’expertise technique ou les compétences de management (soft-skills)?
Patricia Armand: Lors d’un tel recrutement, autant l’expertise que les compétences managériales sont importantes; il importe de trouver le bon équilibre, c’est bien là le défi de la démarche. L’erreur que j’ai constatée est de penser que l’expertise métier suffit à faire un bon manager, et qu’il n’y a donc pas besoin d’investir dans le développement des compétences managériales. La ligne hiérarchique tend à privilégier les réalisations techniques. De leur côté, les candidats à un poste d’encadrement sont bien souvent dans l’attente d’une telle promotion à l’ancienneté et minimisent les difficultés liées au management humain. Ma recherche a montré combien la représentation du même rôle au sein d’une même population pouvait diverger. Le manager de proximité joue un rôle pivot dans les organisations; le mauvais recrutement d’un tel encadrant peut occasionner bien des déceptions pour les individus, ainsi que des dégâts collectifs conséquents, tant organisationnels qu’humains.
Dans une interview vidéo publiée sur hrtoday.ch, le consultant Xavier Camby explique qu’il est souvent beaucoup plus facile de s’encadrer soi-même que d’encadrer les autres. Il a constaté une certaine peur d’encadrer les collègues. Faites-vous le même constat et comment aider le manager à surmonter ses peurs?
Je dirais que le bon manager est celui qui fait l’effort de se connaître lui-même, dans ses forces comme dans ses blocages. J’ai moi aussi fréquemment entendu les contremaîtres parler de peur: celle de décevoir ou de blesser autrui, ou encore la peur d’être critiqué et de perdre la face. Effectivement, le management demande du courage et de la détermination. Ces thèmes sont déjà à aborder lors du recrutement. De plus, cela peut s’acquérir et s’exercer.
En plus de la formation, que peut-on faire d’autre pour aider un contremaître à réussir sa mission?
Si la formation constitue un élément clé, elle ne doit pas rester un élément isolé. La valorisation du manager de proximité doit être l’affaire de tous dans l’entreprise et doit faire l’objet d’une démarche stratégique où toutes les actions doivent entrer en jeu de manière cohérente, que ce soit le recrutement, la communication, la politique de rémunération, l’évaluation du personnel ou la reconnaissance au travail.
La proximité affective avec leurs anciens collègues pose parfois problème, écrivez-vous. Comment y remédier?
L’on peut également intervenir sur la structure et l’organisation du travail. Une équipe très petite (2-3 personnes), dans laquelle le chef effectue une grande parties des tâches opérationnelles similaires aux membres de l’équipe, favorise une (trop) grande proximité affective. L’idée est donc de créer des équipes de plus grande taille, et de donner plus de tâches de gestion à l’encadrant, ce qui le démarque des subordonnés tout en le rendant moins proche d’eux. A nouveau, dans cette position d’encadrant de proximité, tout est une question d’équilibre.