La violence conjugale ne s’arrête pas aux portes de l’entreprise

Aujourd’hui, la violence conjugale relève de la sphère publique. Car si elle a lieu au sein du couple, celle-ci a des répercussions sur l’ensemble de la vie de la victime. Notamment dans le domaine professionnel.

Une femme sur cinq est victime de violence physique et/ou sexuelle durant sa vie de couple. Et alors que cette problématique a été longtemps confinée à la sphère privée, elle est  aujourd’hui reconnue comme étant aussi l’affaire de la société dans son ensemble. Voisins, parents, amis et… collègues de travail! Ainsi, le monde du travail est également concerné1. Absentéisme, baisse de concentration, instabilité émotionnelle: les conséquences  psychiques et physiques peuvent être multiples sans compter l’effet sur la carrière de la collaboratrice, la qualité des relations avec ses collègues de travail etc. Pour l’employeur aussi, l’impact n’est pas négligeable, notamment au niveau financier. En novembre 2013, une étude du Bureau fédéral de l’égalité (BFEG) évaluait les coûts de la violence conjugale entre 164 et 287 millions de francs par année, dont 40 millions de perte de productivité.
 
Alors comment gérer au mieux ce cas de figure lorsqu’il se présente? En donnant de vrais outils au monde de l’entreprise et plus particulièrement aux personnes qui ont un lien direct avec les collaborateurs. Spécialiste de la violence conjugale depuis 37 ans, Solidarité Femmes propose un module de formation conçu spécialement pour les RH et les managers. Celui-ci permet à la fois de mieux comprendre cette problématique complexe, l’attitude de la victime mais également limiter l’impact dans l’environnement professionnel. Une entreprise sensibilisée à la violence conjugale peut favoriser le dépistage de certains cas non identifiés par la victime elle-même et ainsi éviter une gradation de la violence, parfois fatale. En évoquant ouvertement cette problématique, l’employeur donne un signal positif à tous les employés2 qui pourraient être concernés d’évoquer sans gêne ni honte leur situation à leur supérieur(e) hiérarchique ou à un membre des ressources humaines. Cela est essentiel pour aider la victime à oser demander de l’aide sachant que la plupart ne le font pas.
 

«Difficile d’intervenir en entreprise» 

En 2013, 632 femmes ont passé la porte de l’association Solidarité Femmes à Genève alors que cette dernière estime à 8000 le nombre de femmes vivant actuellement de la violence physique et/ou sexuelle au sein de leur couple. Et à environ 3000 celles qui sont prises en charge toutes structures d’aide confondues. C’est pourquoi l’association dont la mission est d’apporter un soutien psychosocial et thérapeutique à ces victimes est également très active en matière de sensibilisation du grand public mais aussi de formation des profes- sionnels. Les acteurs so- ciaux, le personnel des crèches ou encore la police genevoise ont déjà été sensibilisés sur le sujet. Le monde de l’entreprise avec des intermédiaires tels que les ressources humaines ou les managers nécessitent une approche d’une extrême finesse, car tout ce qui a trait à la vie privée n’est pas facile à aborder pour un employeur. «Surtout lorsque la victime est elle-même dans le déni», confie ce cadre d’une grande banque privée de la place qui a bénéficié du module de formation de Solidarité Femmes. Une autre crainte légitime est de devoir dénoncer un cas à la place de la victime ou de trop s’impliquer. Béatrice Cortellini, directrice de Solidarité Femmes est très claire à ce sujet: «L’essentiel est de pouvoir écouter et réorienter la victime vers des professionnels spécialisés ou en lien avec  cette problématique.» Le module donne ainsi des clés aux RH ou managers afin de gérer au mieux ce type de situation.
 

Pour aller plus loin 

«Quand la violence s’invite au travail…», module de formation gratuit et d’une durée adaptable selon les besoins de l’entreprise. Pour plus d’informations, contactez Solidarité Femmes à  bc@solidaritefemmes-ge.org ou au T: 022 797 10 10
 
1  Cet article et le module de Solidarité Femmes s’appuie notamment sur une recherche publiée en novembre/décembre 2012: «Quand l’intime s’immisce dans l’entreprise. Les conséquences organisationnelles des violences familiales». Emilie Hennequin, Maître de Conférences, Nouchka Wielhorski, Doctorante, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Cahiers de Recherche PRISM-Sorbonne. Pôle de Recherche Interdisciplinaire en Sciences de Management.
2  Les hommes aussi peuvent être victimes de violence conjugale. L’association Pharos-Genève les prend en charge.  http://www.schge.ch/sc/
 

 

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Elise Jacqueson  Maroni est journaliste et spécialiste en  communication. 
 
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