L’avenir sera morose pour celui qui campe sur ses acquis
La majorité des Suisses ont le sentiment que les emplois sont devenus moins sûrs, et cela en dépit de la perception positive de l’évolution économique. Selon l’étude Univox, le rapport sur les tendances de l’économie en 2005, les Suisses ont plutôt une attitude résignée face à cette situation. Ce qui ne laisse rien augurer de bon.
En dépit d’un redressement de l’économie et de bonnes perspectives (voir article de Myra Rosinger), les Suissesses et les Suisses font preuve d’une certaine résignation et n’ont qu’une confiance limitée dans le printemps économique. Même l’avenir à long terme est jugé difficile et l’UE ne constitue plus une vision porteuse d’espoirs. La perte de confiance en l’économie engendre le découplage entre un développement économique positif et une appréciation – positive elle aussi – du marché du travail. Ce découplage entraîne à son tour une moins bonne disposition à s’identifier avec un employeur, ce qui pourrait porter atteinte à long terme à la place économique suisse.
La perception actuelle de la situation économique de la Suisse. L’indice de menace tiré du «baromètre des peurs» est très élevé depuis 1997, la majorité des Suisses ont le sentiment que les emplois sont devenus moins sûrs, et ce en dépit de la perception positive de l’évolution économique.
Aux yeux des personnes interrogées, l’UE chemine vers de plus longs horaires de travail et de moindres prestations sociales, donc dans la direction prise en Suisse aussi. La part des inter-viewés considérant les firmes suisses comme suffisamment innovantes, en comparaison de l’UE, a augmenté. Au plan des projections, cela signifie que la population ne juge plus les firmes suisses aussi indolentes mais, au contraire, suffisamment innovantes. La perception de l’UE n’est plus celle d’un moteur de l’innovation.
Par contre, les attentes pour la Suisse telle qu’elle devrait être dans 10 ans semblent plutôt sombres (voir graphique 1 en page 23). En effet, 10% seulement des personnes interrogées croient encore que l’avenir sera meilleur, alors que 40% d’entre elles pensent le contraire.
En conclusion: les Suisses ont peur pour leurs acquis, ils sont désécurisés et ont perdu confiance dans le contrat passé mentalement avec l’économie; ils réagissent, malgré l’évolution positive de l’économie, avec des visions pessimistes de l’avenir. Pour le GRM (Gestionnaires en ressources humaines), la moins bonne disposition à s’identifier avec l’employeur, qui résulte de cette situation, est importante.
Mais comment Monsieur et Madame Suisse envisagent-ils l’avenir? Nous avons abordé cette question d’abord à l’appui de l’évaluation de la situation des institutions sociales, puis en nous fondant sur la question de la division spatiale en Suisse, qui comporte un gros potentiel d’économie.
A titre de recettes contre l’appauvrissement des institutions sociales causé par le vieillissement de la population, nous avons donné aux personnes interrogées un choix de réponses, dont une rédigée sciemment de manière suggestive: «On pourrait faire venir au pays de la main d’œuvre étrangère plus jeune et disposant d’une bonne formation.» Les autres possibilités étaient: travailler plus longtemps, réduire la durée de la formation et disposer de moindres prestations pour la retraite.
La réduction des prestations est considérée comme la meilleure solution; elle est suivie par l’augmentation de l’âge de la retraite. Les deux propositions comportent au demeurant une certaine résignation. La solution, telle qu’elle est recherchée par les USA avec Mexico et par l’UE avec la Turquie et les pays d’Afrique du nord, est rejetée par la population suisse, même sous la forme de question suggestive.
Quant à la deuxième question, elle portait sur l’avenir et sur une nouvelle division spatiale de la Suisse pour créer des régions métropolitaines à partir des grands sites de travail et de vie que sont Zurich, Bâle, la région du lac Léman et Berne; il a été demandé si cette nouvelle division spatiale était pertinente à long terme.
Tous les groupes sociodémographiques, toutes les régions du pays et même les sympathisants de tous les partis rejettent nettement cette nouvelle organisation du territoire.
En conclusion: il n’y a pas de nouvelle voie recherchée pour l’avenir. Cette attitude résignée ne laisse rien augurer de bon. Ce qui nous semble spécialement grave, c’est le caractère insidieux de l’aggravation, que le désir d’agir ne parvient pas à dépasser. Ceci pourrait aboutir à une situation où les conséquences auront été perçues trop tard. En l’occurrence, on attend beaucoup du HRM, spécialement dans l’optique d’une flexibilisation de l’âge de la retraite.