Alors même que les sciences médicales font des progrès constants dans le domaine somatique à tout le moins, les employeurs se voient de plus en plus fréquemment confrontés à de réitérés certificats médicaux d’incapacité de travail, généralement pour des motifs d’ordre plus psychique que somatique, limités toutefois à la place de travail ou à l’entreprise, la capacité de travailler du collaborateur étant intacte et entière ailleurs. L’employeur se sent généralement démuni dans ce genre de situations, conscient qu’il est de la difficulté de contester la validité d’un certificat médical, document apte à attester de la véracité des faits qui y sont consignés.
Les principaux textes légaux
(Art. 324a, 336c CO et art. 6 LPGA)
Sur le plan strictement juridique, on rappelle que, le salaire représentant la contrepartie à l’obligation de travailler, le collaborateur absent pour cause de maladie devrait, dans la logique du système du Code des obligations, perdre son droit à être payé par l’employeur. Le législateur n’a pas voulu d’une règle aussi stricte et a garanti au collaborateur, même malade, le droit à un paiement pendant une certaine durée, en fonction de son ancienneté. De plus, l’employé malade ne pourra se voir signifier son congé pour une certaine durée ou verra celui-ci suspendu pendant la période de protection de 30, 90 ou 180 jours selon la longueur des rapports de travail. Le Code des obligations doit toutefois être complété dans ce domaine par les lois relatives aux assurances, et notamment par la loi sur la partie générale des assurances sociales (LPGA), dont l’article 6 définit la notion d’incapacité de travail en ces termes: «Est réputée incapacité de travail, toute perte totale ou partielle, de l’aptitude de l’assuré à accomplir dans sa profession ou son domaine d’activité le travail qui peut raisonnablement être exigé de lui, si cette perte résulte d’une atteinte à sa santé physique, mentale ou psychique. En cas d’incapacité de travail de longue durée, l’activité qui peut être exigée de lui peut aussi relever d’une autre profession ou d’un autre domaine d’activité art. 6 LPGA.»
Les droits et devoirs de l’employeur en termes de reprise d’une activité
Le contrat constituant la loi régissant les droits et obligations des parties, l’employeur sera bien inspiré de ne pas être trop précis dans la description des tâches lorsqu’il le rédige. Ainsi, il peut se prémunir en prévoyant la possibilité d’un déplacement géographique de l’activité ou l’obligation d’accepter d’autres tâches que celles qui figurent en première ligne; à défaut, du simple fait de son pouvoir de donner des instructions, l’employeur pourra enjoindre à l’employé qui lui présente un certificat de travail limité à un service ou à un bâtiment particulier de changer d’équipe et de travailler avec d’autres collègues ou de se déplacer même de quelques dizaines de kilomètres, dans la limite toutefois des obligations découlant de la LTr. La question est toujours plus délicate si le contrat ne mentionne rien en la matière, et si la modification requise de l’employé est conséquente; il y a probablement lieu de réfléchir en termes de devoir du collaborateur de réduire le dommage généré pour son employeur par l’incapacité de travailler.
L’incapacité de travail dans un poste/ une place donnés entraîne-t-elle l’application de la protection contre les congés de l’article 336c alinéa
1 lettre b CO?
Si les tribunaux zurichois avaient déjà donné une réponse positive à cette question il y a une dizaine d’années, elle n’avait pas été tranchée par les juges fédéraux jusqu’à récemment. Pour la Haute Cour, la protection contre les congés se justifie par le fait que le collaborateur doit pouvoir faire les démarches nécessaires à trouver un nouvel emploi, ce qui n’est évidemment pas possible lorsqu’il est indubitablement incapable de travailler. Toutefois, cette protection ne se justifie pas lorsque le collaborateur est en mesure de travailler partout ailleurs; il est en effet pleinement capable de se présenter pour d’autres postes. Cette évolution est particulièrement intéressante dans le cas d’un collaborateur licencié, qui ne pourra plus simplement fournir à son employeur, pendant une période avoisinant parfois les six mois, des certificats de travail successifs attestant d’une pleine capacité de travail ailleurs que chez celui qui lui a donné son congé. Un tel certificat médical ne prolongera pas d’un jour le délai de congé, a fortiori lorsque le travailleur avait été libéré de l’obligation de travailler.
Quelle conclusion en tirer?
Le collaborateur en incapacité de travail sans limitation quelconque continuera à bénéficier du délai de protection de l’article 336c alinéa 2 lit. b CO, et ne pourra être remercié qu’à l’issue de cette période. Le collaborateur qui remet à son employeur un certificat médical attestant d’une incapacité de travail limitée à son emploi actuel s’expose à devoir changer de poste de travail chez son employeur, à tout le moins si le contrat prévoit la possibilité d’un déplacement, ou à chercher un autre emploi, de suite, en ne bénéficiant que du délai de congé ordinaire.
A cet égard, on rappellera la pratique des assurances, qui laissent généralement un délai de l’ordre de 3 à 5 mois au collaborateur pour retrouver une autre place lorsqu’elles considèrent qu’il y a lieu à changement effectif d’activité. Quoi qu’il en soit, l’avenir s’éclaire peut-être pour les employeurs.