"Maîtriser un risque est aussi une façon de veiller à la réputation, aux coûts engendrés par une absence de veille et de contrôles sur les organisations et les comportements personnels potentiellement délétères." (Maxime Morand)
Comme l’environnement s’est revêtu de normes et de processus quantitatifs, le monde de l’entreprise et des institutions passe un temps significatif à «Excelliser» à «SAPéiser» tous les chiffres à disposition. Manque de pot: la plupart des données se trouvent aux RH parce que sou- vent les 2/3 des coûts sont les frais de personnel. Aussi, la transversalité, le liant entre les silos d’affaires ou d’organisation, n’est plus telle- ment la culture d’entreprise et sa gouvernance, mais le compte-rendu quasi quotidien des flux financiers. Ainsi le Chief Finance Officer ou sa version plus musclée, le Chief Operating Officer, est-il devenu, avec un plaisir souvent cynique de sa part, la terreur des RH. Lesquels, c’est bien connu, n’ont pas un goût immodéré pour le quantitatif exact. Ne dit-t-on pas d’eux qu’ «ils ne savent pas compter»!
Les effectifs prévisionnels à jour, les rémunéra- tions à payer, les écritures entre centres de coûts, les économies réalisées, le suivi des me- sures d’accompagnement, les budgets, la distri- bution des parts variables (dans plusieurs enti- tés, pays, monnaies), la compensation pour les expatriés, les assurances pertes de gains avec un œil sur le stop-loss: ce sont tous des objets de litige entre Finances et RH. Pourquoi? Parce que l’exigence des tableaux de bord (versions verti- cales, matricielles, horizontales, par unités, par déclinaisons multiples) est devenu un impératif quasi quotidien. L’obésité du savoir chiffré s’est invitée à la table anorexique du RH qui souhaite festoyer avec des tranches de stratégie, de for- mation et de proximité avec les personnes!
Que faire, en dehors de la prise de tête et de cachets? Quelle parade ou dispositif créer afin d’éviter les pressions invalidantes du CFO/COO?
1) Abdiquer. Vous donnez tous les aspects chif- frés, même ceux qui relèvent de la confidentia- lité, aux instances financières. La version la plus dure de l’abdication consiste à confier les diffé- rentes ressources RH dans la ligne d’affaires ou d’organisation sous la subordination du CFO de l’entité. Adieu l’indépendance.
2) Faire alliance. Vous pouvez devenir un proche du CFO/COO. Vous avez avec lui un dialogue confiant et vous choisissez ensemble les outils et les rythmes du reporting. Vous faites des réu- nions fréquentes pour ajuster les pratiques et justifier les données. Prévoir beaucoup de temps et suivre une formation ad hoc pour devenir un interlocuteur à la hauteur. Le CFO/COO lui, ou elle, n’a pas d’état d’âme.
3) Prendre le leadership. Débauchez un ou deux spécialistes «comptables» qui aiment les chiffres et le reporting. Vous allez les chercher dans les numéros 2 du CFO/COO de votre organisation. Ils savent comment cela fonctionne aux Fi- nances. Réorganiser son unité RH en mettant en place une unité «Cockpit-Comp & Ben» sous une seule tête. Exiger d’avoir accès au système comptable en direct: faire mettre les chiffres RH dans SAP par les RH. Avoir une rigueur prévi- sionnelle à la hauteur de cette ambition: tout mouvement connu (entrée, sortie, paiement à réaliser, économie certaine) est mis dans le système dans les 24 heures. Vous définissez vos formules de bilan social et vous êtes en mesure de montrer chaque jour vos effectifs, vos taux d’absentéisme, en francs et en jours et en pour cent, votre turn over brut et net, vos masses salariales, vos frais de recrutement et de forma- tion. Vos succès aussi, si vous avez engagé des personnes qui ont généré des affaires ou des projets décisifs.
Savez-vous que les CFO d’Apple et d’Oracle ga- gnent 7 fois plus que leur boss, le Chief Execu- tive Officer? Par leur connaissance des chiffres, par leur capacité de faire remonter les bénéfices aux bons endroits, donc par une optimisation fiscale astucieuse, ils ont pris le pouvoir réel sur leur organisation. Souvent les nouveaux CEO sont des anciens CFO. Qui demain, fera peur au CFO/COO? Pourquoi pas un ou une DRH avec des convictions affirm»ées dans le «tech and touch» de leur métier?