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Droit et travail
Le chômage des dirigeants d’entreprise
La logique voudrait que les dirigeants d’entreprise, en tant qu’assurés et travailleurs, puissent toucher, le cas échéant, des prestations de l’assurance-chômage. Or, plusieurs dispositions légales et jugements de tribunaux les privent de cette possibilité, ou limitent fortement leur droit aux prestations.
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Illustration: iStockphoto
Les dirigeants d’une personne morale – société anonyme, société à responsabilité limitée, association, fondation, etc. – qu’ils détiennent ou non une participation financière dans le capital, répondent au statut de travailleur de l’entreprise en question. A ce titre, ils sont soumis à l’obligation de verser sur leur salaire déterminant des cotisations à l’assurance-chômage obligatoire. L’entreprise qui les emploie répond de son côté au statut d’employeur et doit aussi verser pour ces personnes, comme pour les autres travailleurs, des cotisations à l’assurance-chômage obligatoire.
L’indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail (RHT)
L’indemnité en cas de RHT constitue l’une des quatre prestations offertes par l’assurance-chômage et qui, lorsqu’elle est octroyée, permet à certaines conditions de maintenir des emplois et d’éviter des licenciements. Dans le jargon, la RHT prend parfois aussi le nom de chômage partiel. De manière générale, les travailleurs dont la durée normale de travail est réduite ou dont l’activité est suspendue ont droit à la RHT lorsqu’ils remplissent toute une série de conditions. Une perte de travail peut consister non seulement en une réduction de la durée quotidienne, hebdomadaire ou mensuelle de travail, mais aussi en une cessation d’activité pour une certaine période, sans résiliation des rapports de travail.
Néanmoins, la loi prévoit que «les personnes qui fixent les décisions que prend l’employeur – ou peuvent les influencer considérablement – en qualité d’associé, de membre d’un organe dirigeant de l’entreprise ou encore de détenteur d’une participation à l’entreprise» n’ont pas droit à l’indemnité en cas de RHT. Cette exclusion du droit à l’indemnité vaut pour toutes les formes de sociétés.
La loi est donc très claire et les personnes concernées n’ont tout simplement jamais droit à l’indemnité en cas de RHT. Outre les personnes occupant une position comparable à celle de l’employeur, les conjoints de ces personnes travaillant dans l’entreprise n’ont pas droit non plus à la RHT, même s’ils n’occupent pas eux-mêmes une position comparable à celle de l’employeur. Ils ont par contre droit à la RHT s’ils sont séparés juridiquement; une séparation de fait n’est pas suffisante.
L’indemnité de chômage
S’agissant de l’octroi de l’indemnité «traditionnelle» de chômage, la loi ne contient pas de disposition analogue. Il faut donc en conclure que les personnes concernées ne sont pas d’emblée exclues du droit à la percevoir. Néanmoins, le Tribunal fédéral des assurances, puis le Tribunal fédéral, ont estimé qu’il existait un étroit parallélisme entre le droit à la RHT et le droit à l’indemnité de chômage et «qu’un travailleur qui jouit d’une situation comparable à celle d’un employeur n’a pas droit à l’indemnité de chômage lorsque, bien que licencié formellement par une entreprise, il continue à fixer les décisions de l’employeur ou à influencer celles-ci de manière déterminante».
Il est en effet apparu des situations tellement proches d’une RHT que l’octroi d’indemnités de chômage a dû être refusé à des dirigeants d’entreprise par les caisses de chômage. A cet égard, force est de constater qu’un dirigeant licencié, compte tenu de ses pouvoirs, peut au fond décider de se réengager quand il le souhaite. A tout le moins, qu’il se réengage ou non, il lui sera vraisemblablement possible de poursuivre le but de son entreprise. Son chômage peut donc ressembler potentiellement à une RHT déguisée, en raison de la suspension de son activité.
S’il apparaît qu’un chômeur pourrait revêtir la qualité de dirigeant, il appartient aux caisses de chômage de vérifier, dans chaque cas, sur la base de la structure d’organisation interne de l’entreprise, de quels pouvoirs de décision jouit effectivement la personne concernée (lire encadré ci-dessous).
L’octroi de l’indemnité de chômage
D’après la jurisprudence, si le dirigeant salarié quitte définitivement l’entreprise en raison de la fermeture de celle-ci, il peut en principe prétendre à des indemnités de chômage. Un abus devient de fait impossible dès le moment où une entreprise est fermée. Cependant, il convient d’être nuancé. Ainsi, l’administrateur d’une société mise en sommeil par ses soins (on parle d’une société dormante) dans l’éventuel espoir d’obtenir de nouveaux mandats ou de nouvelles commandes risque de commettre un abus; il n’a donc pas droit à l’indemnité de chômage. Il est admis que la dissolution et la faillite d’une personne morale sont en général considérées comme une fermeture d’entreprise, du moins pour autant qu’elles soient suivies d’une liquidation. Toutefois, si la liquidation est confiée à une personne qui possédait des pouvoirs dirigeants dans l’entreprise avant sa dissolution, le droit à l’indemnité de chômage devra aussi lui être nié, jusqu’à la vente ou jusqu’à la radiation du registre du commerce.
Il en va de même lorsque l’entreprise continue d’exister, mais que le salarié, par suite de résiliation de son contrat, rompt définitivement tout lien avec la société, car un réengagement ne peut plus dépendre de la volonté de l’intéressé.
Les autres conditions à remplir
Si un dirigeant peut en fin de compte prétendre à l’indemnité de chômage, encore faut-il qu’il remplisse toutes les autres conditions (domicile en Suisse, aptitude au placement, âge inférieur à celui donnant droit à une rente ordinaire de l’AVS, exercice d’une activité au moins douze mois au cours des deux dernières années, etc.). Il faut aussi qu’il ait réellement perçu un salaire pour son activité soumise à cotisation. Cet aspect est important, car il est courant, lorsqu’une entreprise connaît des difficultés financières, que ses dirigeants diminuent leur rémunération, voire n’en perçoivent aucune.
La détermination du statut de dirigeant
L’examen préalable de la position dirigeante de la personne licenciée souffre une exception. En effet, les membres des conseils d’administration ou d’autres organes de direction disposent de par la loi d’un pouvoir déterminant. Ainsi, les associés gérants d’une Sàrl, les administrateurs d’une SA, les associés indéfiniment responsables dans une société en commandite, les membres d’un comité d’association ou de fondation, etc., qu’ils soient ou non simultanément salariés de l’entreprise, sont par cette seule circonstance exclus du droit à l’indemnité de chômage, sans qu’il soit nécessaire de déterminer plus concrètement les responsabilités qu’ils exerçaient au sein de la société. En revanche, les simples associés d’une Sàrl, sans être gérants, ne peuvent pas se voir d’emblée exclus du droit à l’indemnité de chômage sans que leur pouvoir d’influencer les décisions de la société soit examiné de manière circonstanciée.
L’examen préalable
Dans les autres cas, s’il apparaît que le chômeur pourrait malgré tout prendre les décisions d’un employeur ou influencer forte- ment celles-ci, la caisse de chômage devra alors procéder à l’examen préalable. A titre d’exemple, il ne peut pas être déduit d’emblée d’une procuration ou d’autres pouvoirs conférés à une personne que celle- ci occupe une position assimilable à celle d’un employeur. De telles délégations de pouvoirs confèrent certes à leur titulaire des compétences sur le plan interne, mais ne permettent pas d’en conclure que la person- ne concernée exerce une influence considérable sur les décisions de l’employeur.
Au moment de l’examen préalable, la caisse de chômage n’est souvent pas en mesure de déterminer si abus il y aura ou non. Le simple risque d’abus est suffisant pour nier le droit à l’indemnité de chômage: la caisse de chômage n’a pas besoin de se fonder sur un abus avéré.
Les caisses de chômage appelées à déterminer si une personne a le pouvoir d’influencer considérablement les décisions de l’employeur peuvent notamment se baser sur les documents suivants : extrait du registre du commerce, statuts, procès-verbaux, contrat de travail, organigramme, indications des travailleurs et de l’employeur concernés, cahier des charges, registre des actions ou des parts sociales et taxation fiscale.
La participation financière
La simple possession d’actions ou de parts sociales de la part d’un collaborateur, du moins dans une mesure limitée, ne doit pas exclure à elle seule le droit à l’indemnité de chômage. Mais si cette participation est qualifiée d’importante, le droit aux prestations doit être nié. C’est en principe le cas dès que la participation dépasse 30% du capital social de l’entreprise.
Si le conjoint d’une personne assimilée à l’employeur est aussi employé de l’entreprise en question, peu importe d’ailleurs à quel titre, et que son contrat de travail est résilié, le droit à l’indemnité de chômage devra aussi lui être nié. Cela vaudra tant que le conjoint dirigeant est lié à l’entreprise