Swissstaffing

Le contingentement en lieu et place du recrutement?

Les nombres maximums doivent désormais s’appliquer aussi aux travailleurs de l’UE/AELE, de même qu’une priorité des travailleurs indigènes. Un processus de recrutement efficace – spécialement pour des rapports de travail de brève durée – pourrait devenir utopique. swissstaffing prend position.

La Suisse doit gérer de manière autonome l’immigration. C’est ce que fixe l’art. 121a Cst. qui est entré en vigueur avec l’acceptation de l’initiative contre l’immigration de masse. Le temps presse, le mandat constitutionnel doit être mis en œuvre en 2015. L’art. 197, chif. 9 Cst. – introduit simultanément – prévoit notamment une application du nouveau système d’autorisations dans les trois ans. Faute de quoi, le Conseil fédéral doit régler la limitation de l’immigration par voie d’ordonnance. Toutes les parties impliquées sont mises à contribution, donc les organisations d’employeurs également.
 

Se fonder sur trois piliers

La Confédération s’attaque à cette tâche avec un plan fondé sur trois piliers. La loi sur les étrangers (LEtr) est applicable aujourd’hui aux ressortissants de pays tiers et prévoit déjà une limitation au moyen de chiffres maximums et de contingents annuels. La révision de ce texte – le 1er pilier – a commencé. Les positions relatives à la nouvelle LEtr pouvaient être déposées jusqu’au 28 mai 2015. swissstaffing a aussi participé à la consultation. L’Accord sur la libre circulation des personnes (ALCP) s’applique aujourd’hui en priorité aux ressortissants de l’UE/AELE et ne prévoit, dans sa teneur actuelle, aucun système de contingents. Au cours de pourparlers avec l’UE, une adaptation est en voie de négociation (2e pilier). Le Conseil fédéral se trouve maintenant devant des travaux d’Hercule, à savoir adapter au mandat de l’art. 121a Cst. l’Accord du 21 juin 1999 sur la libre circulation des per- sonnes (conclu entre la Suisse et l’UE) ainsi que la LEtr; et il devra coordonner les deux. En outre (3e pilier), la Confédération veut mettre en œuvre des mesures d’accompagnement, afin de mieux exploiter le potentiel de main-d’œuvre indigène et de réduire ainsi la demande de travailleurs étrangers (voir graphique ci-dessous).
 

Il faut d’habiles négociateurs

Le Conseil fédéral a l’intention de trouver une solution avec l’Union européenne. Celle-ci doit tenir compte des buts fixés par l’art. 121a Cst. et maintenir les relations stables avec l’UE. Voilà une entreprise extrêmement difficile. Une résiliation de l’ALCP entraînerait automatiquement, sur la base de la «clause guillotine», l’annulation des autres accords des Bilatérales I. swissstaffing partage l’opinion de la Confédération, à savoir que les accords bilatéraux ont été au cours des ans un important facteur de croissance. Nous bénéficions tous d’une bonne et étroite collaboration avec l’UE. Quant à savoir si l’UE est prête à négocier et si la proposition présentée est compatible avec la libre circulation des personnes, l’avenir nous le dira.
 

Répartition des contingents

Le 11 février 2015, le Conseil fédéral a présenté le projet de révision de la LEtr. La voie empruntée par le gouvernement respecte certes la décision populaire et se fonde sur le concept de mise en œuvre de juillet 2014, mais elle est trop rigide. Le point positif, c’est que les nombres maximums fixés par le Conseil fédéral seront répartis par les cantons eux-mêmes. Ceux-ci ne seraient contrôlés que par une commission d’immigration. Un système efficace: les cantons peuvent annoncer leurs besoins actuels de main-d’œuvre étrangère. Il a été renoncé à une répartition des contingents par branche ou en fonction de la valeur ajoutée. Le projet mis en consultation prévoit de surcroît de maintenir le système d’autorisation dualiste: les chiffres des contingents pour l’UE/AELE et les pays tiers seront fixés séparément. L’immigration de ressortissants de l’UE/AELE continuera à être privilégiée: pas d’examen des qualifications professionnelles lors de l’autorisation et, lors du recrutement, priorité sur les ressortissants de pays tiers (voir encadré ci-dessus).

Pas d’obstacles administratifs

La branche du travail intérimaire assume une importante fonction d’amortisseur. Elle aide l’économie à absorber les fluctuations saisonnières ou conjoncturelles et à rester compétitive. Pour cela, les services de l’emploi ont besoin de processus de recrutement brefs et simples. En moyenne, un travailleur temporaire est en fonction 48 heures après une demande de personnel. swissstaffing a donc exigé dans sa prise de position relative à la LEtr que les séjours jusqu’à 12 mois à des fins d’activité lucrative – y compris pour les frontaliers – ne soient soumis à aucun chiffre maximum ni à contingentement. Un contingentement dès le quatrième mois est trop restrictif et n’exploite pas entièrement la marge de manœuvre existant au plan juridique. En particulier, la priorité des travailleurs indigènes est à
même de créer une énorme bureaucratie. Aujourd’hui déjà, une procédure d’autorisation pour un ressortissant d’un Etat tiers peut durer jusqu’à deux mois et coûter plusieurs centaines de francs. S’agissant des autorisations pour les ressortissants de l’UE/AELE, il faut empêcher cela. Les PME précisément n’ont généralement pas la possibilité ni les moyens de recourir à des spécialistes de l’obtention de permis de travail pour étrangers. Swissstaffing exige que la priorité des travailleurs indigènes, en ce qui concerne les ressortissants de l’UE/AELE, ne soit prise en compte que pour la fixation des nombres maximums et des contingents (et ce de façon sommaire) et non pas dans le cas particulier. Les procédures d’autorisation de séjour doivent pouvoir se régler en accéléré, dans les 48 heures, si un caractère d’urgence temporelle peut être établi. La Confédération prévoit un examen des conditions de rémunération et de travail usuelles dans la localité, la profession et la branche. swissstaffing formule donc les exigences suivantes: les branches dotées d’une CCT étendue devraient être exonérées de cet examen. L’examen des conditions de rémunération et de travail existe déjà, après coup, par l’intermédiaire des organes de contrôle paritaires. C’est un système qui a fait ses preuves. swissstaffing demande que dans la commission de l’immigration soient représentés – hormis les autorités prévues, en charge de la migration et du marché de travail auprès de la Confédération et des cantons – des représentants des employeurs en tant que membres à part entière.
 

Perspectives

Au cours des derniers mois, l’UE l’a nettement fait savoir: des contingents permanents et une priorité des travailleurs indigènes ne seraient pas acceptés. Un échec des négociations avec l’UE mènerait la Suisse dans une impasse. Ce serait en contradiction avec le mandat constitutionnel. De bonnes perspectives de négociation résident cependant dans l’introduction d’une clause de sauvegarde, qui a déjà fait ses preuves dans l’UE. Afin de sauver les accords bilatéraux, ceci paraît actuellement la voix la plus prometteuse. swissstaffing plaide donc avec force pour une telle clause 1. 
 
1 Un mécanisme d’introduction, respectivement d’annulation du système de contingentement lorsqu’une limite d’immigration définie est dépassée ou n’est pas atteinte.
 

Tableau des autorisations avec contingents

Selon le projet de loi du 11.02.15, le Conseil fédéral prévoit des contingents pour les autorisations délivrées en vertu du droit des étrangers (art. 17a, al. 2 LEtr):

  • Autorisations de séjour de courte durée pour plus de quatre mois, pour l’exercice d’une activité lucrative (L);
  • Autorisations de séjour (B);
  • Autorisations d’établissement (C);
  • Autorisations de frontaliers pour plus de quatre mois(G);
  • Les chiffres maximums s’appliquent par ailleurs à une décision d’admission provisoire de plus d’un an (art. 83) et à l’octroi d’une protection temporaire de plus d’un an (art. 66 de la loi du 26 juin 1998 sur l’asile; LAsi).

Il n’y a pas besoin de contingents pour:

  • la prolongation d’une autorisation, à l’exception de la prolongation de l’autorisation de séjour de courte durée pour un séjour de plus de quatre mois pour des personnes exerçant une activité lucrative et de plus d’un an pour des personnes sans activité lucrative;
  • la transformation d’une autorisation de séjour en autorisation de résidence;
  • l’octroi d’une autorisation de séjour pour des personnes admises provisoirement.

 

 

commenter 0 commentaires HR Cosmos

Arie Joehro est vice-directeur et responsable du service juridique de swissstaffing. 

Plus d'articles de Arie Joehro