Portrait

Le digital dans l'art

Ancien psychologue du travail à la Police cantonale de Soleure, le Franco-Belge Christopher Bertrand est aujourd’hui le DRH de la Haute école d’art de Zurich (ZHdk). Signe particulier: goût prononcé pour l’humain et le numérique.

La Haute école d’art de Zurich est installée dans une ancienne fabrique de produits laitiers, le Toni-Areal de Züri-West. En temps normaux, l’imposant bâtiment bouillonne de vie, de bruit et de multiculturalité. Des centaines d’étudiants fourmillent dans cet imposant complexe en béton, transformé en 2014 par le bureau d’architectes zurichois EM2N. Le jour de notre visite en décembre 2020, y plane un silence de pandémie. Nous avons rendez-vous avec leur DRH, Christopher Bertrand. Il nous accueille avec le sourire: «Les cours sont désormais donnés en ligne et la plupart de nos collaborateurs travaillent en Home Office.» La situation est compliquée: étudiants et collaborateurs ont dû faire preuve de résilience.

Lui est entré dans la maison en été 2020, juste après la première vague. «Quand je suis arrivé, l’activité avait repris à un rythme à peu près normal». Pas pour longtemps. C’est à distance qu’il a dû faire la connaissance de son équipe RH de 20 personnes. C’est donc derrière son écran qu’il a réussi à cimenter son équipe autour des objectifs opérationnels. Ce qui en dit long sur sa maîtrise des enjeux organisationnels et son style de conduite. Il confie: «Un bon chef doit être disponible et tenir parole. Je mise sur des échanges constructifs et je tolère les erreurs. Cela me paraît essentiel si vous voulez faire grandir une équipe. Critiquer et montrer du doigt ne mène à rien.»

De la police à la fonction RH

Il a appris à cerner les qualités d’une personne et de la placer au bon endroit lors de ses années à la Police cantonale de Soleure, où il était responsable de l’unité de psychologie du travail. Dans ce rôle, il forme les policiers à la gestion de conflit, développe les équipes et accompagne les recrutements. Ces premières expériences seront son tremplin vers une carrière dans les RH. La Police soleuroise est alors en pleine restructuration et décide de lui confier la direction RH de l’organisation. Il a 38 ans au moment des faits.

Christopher Bertrand relève le défi et s’inscrit dans la foulée pour un Master in Advanced Studies in Human Resources. Mais cette transition d’un rôle de psychologue – confident et proche des collaborateurs – à la fonction de DRH – qui doit maintenir plus de distance – n’est pas aisée: «J’en savais beaucoup sur beaucoup de monde, parfois même un peu trop.» Malgré cette reconversion délicate, il surmonte les obstacles et construit de A à Z un département RH digne de ce nom.

Sa bonne connaissance de la psychologie du travail et des enjeux organisationnels lui serviront dans la suite de sa carrière. En 2012, il est nommé DRH du centre hospitalier de Männedorf (canton de Zurich), où il redéfinit le processus de gestion des conflits et prend position contre le harcèlement moral. Deux ans plus tard, il supervise la fusion de trois équipes RH et harmonise les processus RH au groupe hospitalier Lindenhof à Berne. Il se voit comme un homme de terrain plus qu’un administrateur. «L’expertise technique n’est pas mon fort. Si j’ai une question sur l’impôt à la source ou l’AVS, je la délègue au spécialiste de mon équipe, en qui je fais entièrement confiance.»

La crème de la crème

Son transfert vers la Haute école d’art de Zurich sera déclenché un peu par hasard via le réseau social LinkedIn. «C’est mon profil qui a retenu l’attention d’un chasseur de tête. Avant ce premier contact, je n’avais encore jamais entendu parler de cette école.» Après la police et le milieu hospitalier, il a envie de découvrir un nouvel environnement de travail et dépose sa candidature. Suit un processus de recrutement marathon. Marathon? «Oui, dans les hautes écoles spécialisées, les engagements sont extrêmement complexes et menés très différemment que dans le privé.» Le processus dure en général six mois.

Avant de mettre un poste au concours, on réunit un comité de sélection qui va consulter le bureau d’égalité, la commission du personnel et les représentants des étudiants. Une fois le poste validé, il est rendu public. Les candidatures sont ensuite adressées au département RH, mais le dernier mot revient au comité de sélection. «Ce n’est donc pas qu’une affaire RH».

À cela plusieurs raisons: «L’école cherche à recruter la crème de la crème. Le profil de la personne choisie impactera directement la renommée de l’école.» Et compte tenu de ce gros investissement en temps et en énergie, le taux de rotation est très bas. «En principe, une fois engagés, les gens restent longtemps chez nous.» L’organisation compte environ 2000 collaborateurs, dont près de 600 avec un taux d’activité réduit et peu d’heures travaillées.

Des processus RH complexes

Cette complexité imprègne aussi les autres processus RH de la maison. «Notre culture d’entreprise est très participative», poursuit Chrisopher Bertrand. Les nouvelles procédures sont mises en chantier par un groupe de projet qui inclut plusieurs niveaux hiérarchiques. Nous avons des procédures à respecter et chaque détail est soupesé avec minutie.» Il assure pourtant bénéficier de beaucoup de liberté dans ses activités RH, avec une grande marge de manœuvre. «Je m’accommode très bien de ces quelques restrictions», sourit-il.

Parmi ces projets stratégiques complexes, un bon exemple est la qualification des disciplines académiques majeures ou mineures. Ce project implique tous les départements de l’école et exige d’importants travaux préparatoires. L’idée est de rendre les cursus Bachelor et Master plus flexibles. «Auparavant, les étudiants s’engageaient dans un cursus de quatre ans, en théâtre ou musique par exemple. Dorénavant, ils peuvent choisir le théâtre comme branche principale, avec la pédagogie en option, ce qui leur ouvre les portes de l’enseignement. Cette nouvelle voie implique plusieurs changements en termes d’organisation du travail et de gestion du personnel.

Avons-nous les ressources adéquates pour mettre en œuvre ce modèle? C’est une question difficile qui exige une vision panoramique de l’institution.» La première volée de ce nouveau cursus démarrera en automne 2022. En parallèle à cette réorganisation des voies académiques, Christopher Bertrand poursuit le développement des compétences stratégique du personnel. «Notre offre en formation interne est dense. La difficulté se situe plutôt dans l’identification de ces besoins et dans l’alignement de ces compétences avec la stratégie de l’organisation. Ce sont des questions qui nous préoccupent beaucoup», assure Christopher Bertrand.

L’autre défi majeur est la gestion de la relève. Qui sera en mesure de remplacer tel ou tel professeur? Comment légitimer les candidats et comment veiller à assurer un certain pourcentage de promotions internes? «Ce sont des processus très difficiles et nous n’avons pas encore trouvé de solution idéale.» Autre chantier en cours: comment optimiser l’utilisation des ressources internes, notamment en digitalisant les processus RH pour les simplifier et les accélérer.

Place de jeu digitale

Évoquez la transformation numérique et il devient intarissable. «J’ai toujours été passionné par la technologie. J’irais même jusqu’à dire que je suis un geek», glisse-t-il en souriant. À 12 ans, il vend son premier software. «Au début, il n’y avait que très peu d’images et beaucoup de textes sur Internet. Les besoins en termes d’innovation étaient immenses», se souvient-il. Aujourd’hui âgé de 50 ans, il a gardé un vif intérêt pour le numérique, allant du Design Thinking au Customer Experience. Il bricole encore parfois des tests à choix multiples en ligne et des sites internet dynamiques.

Le numérique tient également une place importante dans sa vie professionnelle. «Au moment de quitter mon dernier employeur, je n’ai remis aucun document papier à mon successeur. Pareil à la ZHdk, tous mes classeurs sont digitalisés.» Il teste aussi en permanence des nouveaux logiciels. «Nous sommes ici au pays de Cocagne du digital, sourit-il. Nous essayons quasiment toutes les nouveautés du marché.» Il utilise par exemple un tableau Kanban pour la gestion de projets. «L’outil donne une vue d’ensemble de tous les projets en cours. Je connais donc en permanence l’avancement de chaque chantier.» En ces temps de Covid, les ateliers sont conduits sur des Whiteboards numériques.

Il a en outre plusieurs projets numériques dans le pipeline pour la fonction RH, notamment la planification et l’implémentation des Workflows. Toute l’infrastructure SAP sera bientôt mise à jour également. Ce ne sont pas les idées qui manquent, assure le DRH. L’ennui ne le guette pas non plus.

Traduit et adapté de l'allemand par mb.

 

Bio express

1970: Naissance à Anvers (Belgique)
1986: Gymnase Français de Bienne
1990: Étude en psychologie à l'Université de Genève, puis à l'Université de Berne
1995: Crée le site medienwerk.ch
2000: Collaborateur scientifique aux CFF
2002: Entre à la Police Cantonale de Soleure
2012: DRH de l'hôpital de Männedorf, Zurich
2014: DRH du groupe hospitalier Lindenhof, Bern
2020: DRH de la Haute école d'art de Zurich (ZHdk)

 

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Christine Bachmann ist Chefredaktorin von Miss Moneypenny. cb@missmoneypenny.ch

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