Droit et travail

Le licenciement pour changement d’affectation

L’évolution des exigences économiques implique – surtout pour les employeurs – une adaptation des contrats de travail. Si cette adaptation ne se fait pas sur un commun accord, l’employeur peut recourir au licenciement pour changement d’affectation. Mais attention aux chausse-trappes.

Le licenciement pour changement d’affectation a lieu quand une des parties, en règle générale l’employeur, résilie le contrat de travail tout en offrant à l’employé un autre contrat avec de nouvelles conditions. Si l’employé refuse, la collaboration est rompue à la fin du délai de résiliation. Si l’employé accepte la nouvelle proposition, la collaboration se poursuit dans le cadre des nouvelles conditions contractuelles. La situation se complique quand l’employeur propose un nouveau contrat et menace de licencier son employé définitivement si ce dernier refuse les nouveaux termes de la collaboration. La question est donc de savoir dans quelles conditions un licenciement pour changement d’affectation est autorisé. 

La liberté de licenciement n’est pas sans limites. Le droit du travail suisse prévoit, en principe, la liberté de licenciement. Cependant, on considère qu’un licenciement est interdit quand il est fondé sur des motifs récusables. Les motifs d’un licenciement abusif sont inscrits dans le Code des obligations (CO). On y trouve notamment les licenciements motivés par des questions de race, de croyance religieuse ou si l’employé est en mesure de prouver qu’il s’agit d’un acte de vengeance de la part de son employeur. Les licenciements pour changement d’affectation ne sont pas mentionnés dans le CO, ce qui ne veut pas dire qu’ils sont autorisés sans réserves. 

Les licenciements pour changement d’affectation sont autorisés uniquement s’ils sont argumentés de manière objective. Et ils doivent être effectués selon la procédure établie. Parmi les cas de licenciement pour changement d’affectation jugés par le Tribunal fédéral, on cite souvent l’exemple suivant: dans un courrier du 10 décembre 1993, un employeur a proposé un nouveau contrat de travail à une collaboratrice qui souffrait de problèmes de santé depuis quelques temps. Le nouveau contrat prévoyait notamment une réduction du salaire mensuel de 500 francs et il devait entrer en vigueur au 1er janvier 1994. Lorsque l’employée a refusé les nouveaux termes contractuels, son employeur l’a licenciée en date du 28 décembre 1993, avec un délai de résiliation allant jusqu’au 30 avril 1994. 

Le Tribunal fédéral est arrivé à la conclusion que le licenciement pour changement d’affectation est en principe justifié. En revanche, ce type de licenciement est considéré comme abusif quand la détérioration des conditions de travail n’est pas prouvée objectivement. Les raisons doivent être liées au fonctionnement de l’entreprise – restructuration, acquisition – ou à des raisons externes liées à la situation du marché. 

Mis à part la question de la modification des conditions économiques, un licenciement pour changement d’affectation peut également être considéré comme abusif si la procédure n’est pas respectée. Par exemple, l’employeur ne peut menacer de donner le congé si l’employé ne s’adapte pas sur-le-champ au cahier des charges prévu dans le nouveau contrat, sans respecter le délai de résiliation de l’ancien contrat. 
Car même un licenciement pour changement d’affectation doit respecter les délais de résiliations prévus par la loi. Et les nouvelles conditions de travail ne peuvent entrer en vigueur qu’après ces délais. Dans le cas cité plus haut, l’employée était en droit de refuser la réduction de salaire car le délai de résiliation n’était pas respecté. Le Tribunal fédéral a estimé que ce licenciement était abusif car interprété comme une vengeance de l’employeur face au refus de la collaboratrice. De plus, l’employeur ne lui a pas laissé assez de temps pour réfléchir à la nouvelle proposition. A noter que les licenciements pour changement d’ affectation ne sont pas possibles lors des interdictions de donner le congé, pendant une grossesse par exemple. 

Les licenciements collectifs pour changement d’affectation. L’objectif principal de l’employeur lors de licenciements collectifs n’est pas de mettre fin aux rapports de travail. Cependant, l’employeur est conscient que cela peut arriver et assume cette éventualité. Quand plusieurs licenciements sont planifiés, on peut se référer à la jurisprudence sur le licenciement collectif. Il faut analyser la situation de plus près quand un employeur prévoit de licencier, pour des raisons objectives, dix employés ou plus. Cette éventualité est possible, mais l’employeur est tenu de se référer à un syndicat et d’annoncer la manœuvre au service public de l’emploi (SPE) compétent. S’il n’y pas de syndicat dans la branche, l’employeur doit communiquer avec les employés et le SPE avant et après la nouvelle proposition contractuelle. Quand ces consultations obligatoires ne sont pas effectuées, les résiliations sont considérées comme abusives. 

Les fautes de procédure lors de licenciements pour changements d’affectation peuvent coûter chers. En cas de licenciement abusif l’employeur devra verser des dédommagements. Le tribunal décidera du montant, qui sera au maximum six mois de salaire. Quand l’employeur n’a pas respecté les procédures de consultations, le dédommagement sera de deux mois de salaire. Lors d’un licenciement collectif pour changement d’affectation, si la deuxième consultation avec le SPE n’est pas respectée, le licenciement n’est tout simplement pas valable. Car le CO stipule qu’un licenciement collectif ne peut entrer en vigueur que trente jours après cette deuxième consultation. 

Pour conclure, lors d’un licenciement pour changement d’affectation, la prudence est de mise. Les points suivants devraient toujours être clarifiés:

  • Quels sont les délais de résiliations à respecter?
  • L’employé concerné a-t-il des délais de résiliations autres que ceux prévus par la loi (lors d’une grossesse par exemple)? 
  • S’agit-il d’un licenciement collectif?
  • La procédure doit toujours être établie par écrit. 

Le document écrit doit mentionner les points suivants: 

  • Le détail des changements de conditions de travail.
  • La procédure prévue si l’employé refuse le nouveau contrat.
  • La procédure prévue si l’employé ne répond pas à la proposition de changement de contrat.
  • Le délai de réponse accordé à l’employé.
  • En cas de refus, le délai de résiliation de l’ancien contrat.

 

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Karin Bürgi Locatelli est avocate et partenaire de la Zürcher Wirtschafts- und Medien- anwaltskanzlei Zulauf & Bürgi.

Lien: www.zblaw.ch/index.html

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