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Le manager RH n’est pas un magicien
Etiqueté «responsable de tout ce qui touche à l’humain», le manager RH n’est pas en mesure de régler tous les soucis humains de l’organisation. Ce qui explique en partie sa piètre image auprès de ses collègues de la direction.
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Illustration: iStockphoto
Nos attentes à l’encontre des managers RH sont souvent trop élevées: leurs compétences s’étendraient à tous les domaines où intervient le travail humain. Mais un aperçu des compétences réelles en RH nous renvoie très vite à la réalité. Certes, les managers RH interviennent avec aisance lorsqu’il s’agit d’attirer et de recruter, de positionner une candidature dans la hiérarchie salariale, de sélectionner les personnes et les formations correspondantes, de créer des systèmes d’évaluation, de temps de travail, d’incitation et de carrière ainsi que de traiter les processus de séparation entre employeur et employé (cf. Thom/Ritz 2013).
Le superman, la superwoman RH – une caricature
Cela dit, de nombreuses tâches RH sont externalisées: la recherche de cadres supérieurs est rarement confiée aux seuls spécialistes RH internes. Il en va de même pour le reclassement externe. De nombreuses enquêtes auprès du personnel sont menées par des professionnels externes. Les problèmes complexes du droit du travail ne se résolvent que rarement à l’interne.
D’autres tâches RH sont remplies par des unités qui ne leur sont pas subordonnées. On citera notamment la protection des données, la compliance, parfois l’apprentissage, certains services sociaux, la protection et la sécurité du travail, le management des idées, les commissions d’entreprise et souvent les caisses de pensions.
De plus, les cadres dirigeants exercent également une influence considérable. Le sommet de la hiérarchie définit le plus souvent la stratégie du personnel. Les supérieurs ont le dernier mot lorsqu’il s’agit de promouvoir ou de licencier.
Le superman RH est déjà réduit à une échelle humaine! Des descriptions hardies, mais courantes, telles que «notre cheffe du personnel est responsable de x milliers de personnes» se voient relativisées et démystifiées. Plus l’entreprise est complexe et diversifiée, moins un service centralisé RH sera en mesure de collaborer globalement et avec la compétence nécessaire.
Paver la GRH d’instruments la rend-elle omnisciente?
Que savent faire les RH en Suisse alémanique? La thèse de doctorat de Kerstin Alfes de l’Université de Berne donne une réponse empirique. Les renseignements détaillés de 414 responsables RH ont été exploités statistiquement. En résumé, les personnes interrogées estiment très bien maîtriser les processus RH et les questions pratiques de droit du travail. L’autoévaluation est déjà plus modeste lorsqu’il s’agit de la compréhension des processus d’entreprise. Les managers RH se donnent de mauvaises notes quant à leurs possibilités d’influencer – et si oui, dès le début – les thèmes stratégiques. Ils s’estiment aussi peu polyvalents.
Pour être quand même pris au sérieux en tant que membre de la direction, ils font volontiers usage des instruments issus de la science du management et des sociétés de conseils. Les instruments allouent une image d’omniscience, mais l’humain reste sur la touche.
Des enquêtes auprès du personnel au potentiel inexploité
Les enquêtes annuelles auprès du personnel, souvent menées de manière standardisée par un bureau externe, sont en vogue. Les chefs internes RH commentent ensuite les résultats les plus importants, annonçant par exemple fièrement que «80 pourcent de l’effectif sont satisfaits avec l’employeur et leur travail». Il y a pourtant peu de raisons d’être fier si une grande partie est satisfaite, mais résignée.
Les conditions pour remplir le questionnaire ne sont pas toujours idéales. Parfois plane la menace de conséquences collectives qu’une mauvaise note donnée à l’employeur ou au supérieur pourrait entraîner. Remplir le questionnaire en groupe est tout aussi pratique et pratiqué qu’intolérable! Le danger d’usure au renouvellement annuel de l’enquête est indéniable. La comparaison statistique entre les divisions d’une entreprise ignore les différentes conditions de travail et de structures de personnel. C’est ainsi que se crée le mythe du thermomètre mesurant la satisfaction, objectivement comparable à l’indice intra-entreprise ou au benchmark interentreprises. Pourtant ces enquêtes peuvent aussi être une source d’améliorations continues: le manager RH peut détecter les points faibles et offrir ses services de conseils; il peut analyser et expliquer les relations de cause à effet, par exemple entre la santé, la satisfaction et l’engagement au travail, ou vérifier l’effectivité des stratégies RH.
Les jours d’absences et de formation continue
La balance scorecard donne aux managers RH la chance de livrer des données comparables à celles de leurs collègues des finances ou du marketing. Je prends deux exemples: les jours d’absences et de formation continue. Rien de plus simple que d’additionner les jours de formation interne et externe. Evaluer la valeur d’apprentissage et l’augmentation de productivité pour la place de travail est déjà nettement plus difficile. Un coaching interne à la place de travail peut s’avérer bien plus effectif. Malheureusement, les RH ne l’auront pas saisi dans l’indicateur des «jours de formation continue». Publier les jours de formation ne prouve en effet pas que l’organisation est apprenante.
Au sein du management de la santé, l’indicateur des «absences» attire toutes les attentions, notamment à cause des coûts qui en résultent.
Relever les absences et les comparer statistiquement par divisions et dans le temps ne suffit pas. Les causes sont multiples: maladies et accidents de la personne employée ou de sa famille, épidémies de grippe, mobbing ou style de gestion inacceptable. Le RH peut marquer des points s’il va au-delà de l’addition des jours, à portée d’un écolier, recherche et analyse les causes des absences.
Compléter le bon sens des cadres avec l’expertise RH
Par leur expertise, les spécialistes RH peuvent apporter une plus-value au bon sens des cadres. Un exemple: le marché de la formation continue avec tous ses diplômes est une jungle impénétrable. Si un développeur interne du personnel peut aider les cadres à faire les bons choix, la capacité concurrentielle de l’entreprise en est améliorée. Ce cadre ne demandera plus: «Mais à quoi me servent les RH?». Le manager confirmé n’a jamais cru au mythe d’une compétence globale sur des thèmes humains. Mais il reconnaîtra la valeur d’un conseil du manager RH s’il en tire directement profit.
Référence: Thom, Norbert/Ritz, Adrian: Management public. Concepts innovants dans le secteur public. Lausanne 2013. Voir le chapitre 6 sur la fonction RH.